RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

La victoire de l’extrême gauche aux élections locales de Seattle

La nouvelle a largement été relayée par la presse : Kshama Sawant, candidate d’extrême gauche, a remporté le 15 novembre dernier l’un des neuf postes au Conseil Municipal de Seattle, cette grande mégapole de la côte Ouest des Etats-Unis. Mais que se passe-t-il au pays du bipartisme Démocrates-Républicains ?

Les élections de début novembre se sont tenues dans plusieurs États du pays et ont témoigné de ce que plusieurs analystes ont décrit comme un « tournant à gauche » dans l’axe de la politique américaine. Pour comprendre cela il faut avoir à l’esprit, d’une part, l’usure de l’administration Obama et la déception de ses électeurs face aux promesses que le parti Démocrate « n’a pas tenu » et, de l’autre, les fractures à l’intérieur du parti Républicain et l’affaiblissement de son aile droite, le Tea Party. Il s’agit d’autant d’éléments qui ont contribué à tarauder le bipartisme traditionnel entre Démocrates et Républicains.

Un « virage à gauche » sur l’échiquier politique étasunien

Sur le plan économique et social, le chômage se maintient au dessus de la barre des 7% alors que les grands patrons et les banquiers, qui ont bénéficié de généreuses opérations de sauvetage, ont augmenté leurs chiffres d’affaires. Après six années de crise économique et de croissance extrêmement faible, les inégalités n’ont cessé de croître. Aux emplois-poubelle, aux salaires de misère et à l’augmentation du nombre de travailleurs précaires il faut rajouter la vague d’attaques contre les secteurs les plus concentrés de la classe ouvrière qui conservent encore quelques acquis. C’est dans ce contexte que l’on a vu apparaître un certain nombre de « nouveaux » phénomènes sociaux, avec le mouvement Occupy Wall Street (OWS), dans la foulée des indignad@s espagnols, les débrayages à répétition pour le droit à l’organisation syndicale dans les grands supermarchés Walmart ou encore les grèves des travailleurs de la restauration rapide pour instaurer un salaire minimum de 15 dollars l’heure [1].

Cette combinaison de différents facteurs s’est exprimée au sein des deux principaux partis. Chez les Républicains, c’est le « centre » qui a pris le dessus sur les plus conservateurs et les Démocrates ont vu la victoire en interne des « progressistes ». Mais la plus grande surprise, expression de ce « virage à gauche », a été l’élection de Kshama Sawant, militante du courant d’extrême gauche Socialist Alternative, section américaine du Comité pour une Internationale Ouvrière, au Conseil Municipal de Seattle. En mettant en avant un programme axé sur la revendication d’un salaire minimum à 15 dollars et contre le bipartisme, elle a exprimé le ressenti d’un vaste secteur de travailleurs précaires en plus de réussir à s’attirer la sympathie des jeunes d’OWS et d’un secteur de l’électorat déçu par les démocrates. Sawant a ainsi obtenu près de 94.000 voix, soit 50, 67%, et l’a emporté sur son rival du Parti Démocrate qui occupait le poste depuis seize ans.

Une conseillère municipale d’extrême gauche à Seattle

Cela faisait presque cent ans qu’un-e socialiste n’avait pas été élu-e au Conseil municipal. Même s’il s’agit d’une élection locale cette victoire acquiert une plus grande importance dans le cadre du système bipartiste américain. A cela, il ne faut pas oublier les 36% du candidat de Socialist Alternative à Minneapolis, principale ville du Minnesota, dans le Mid-Ouest.

Sawant, 41 ans, née en Inde, s’est présentée comme une candidate socialiste et a mis en avant au cours de sa campagne la question du salaire minimum de 15 dollars, le contrôle des prix des loyers et l’augmentation des impôts pour les millionnaires afin d’augmenter les budgets dans les transports publics et dans l’éducation. Il s’agit d’un programme limité, certes, très lié à l’orientation actuelle du Comité pour une Internationale Ouvrière, mais qui a su se gagner l’adhésion d’un secteur d’électeurs venus du Parti Démocrate, autant déçu par la politique d’Obama au niveau national que par celle des Démocrates au niveau de la ville de Seattle et de l’État de Washington où ils sont majoritaires.

La victoire de Sawant a ainsi permis de renverser deux mythes : le premier selon lequel les Américains auraient peur du « socialisme », un spectre agité de façon permanente dans une société souffrant de maccartisme, et le deuxième selon lequel le Parti Démocrate serait invincible sur sa gauche.

La démocratie restrictive du bipartisme

Ce qu’il y a de significatif dans la victoire de Sawant c’est qu’il est rare, aux Etats-Unis, de voir gagner des candidats qui ne soient ni républicains ni démocrates. Lorsque c’est pas le cas, il s’agit généralement de candidats se présentant comme « indépendants » qui sont rarement de gauche et se revendiquent encore moins ouvertement du socialisme. Le système électoral américain est basé sur un bipartisme extrêmement restrictif dans lequel s’imposent soit les Démocrates, soit les Républicains, qui ne sont que les deux expressions politiques de la bourgeoisie impérialiste, à coups de millions de dollars engloutis dans les campagnes électorales.

Généralement, l’extrême gauche ne voit pas plus loin que les frontières du bipartisme. C’est ce qui l’amène généralement à soutenir dans les élections les candidats démocrates sous prétexte de choisir le « moindre mal » face aux Républicains. C’est ce qui l’a amené dans le passé, par exemple, à soutenir les candidats du Parti Vert ou un candidat indépendant comme Ralph Nader aux présidentielles de l’an 2000, auxquelles il avait concouru sur la base d’un programme très limité de réformes.

Une alternative ouvrière face aux Démocrates ?

La candidature de Sawant a donc été l’expression politique d’une partie des revendications du mouvement OWS, des travailleux-euse-s des fastfoods, des immigrants et du monde du travail en général, ceux-là mêmes qui incarnent ce « virage à gauche » que connaît la société étasunienne et dont parlent les médias.

Ce n’est sans doute pas un hasard si quelques jours après sa victoire Sawant a été invitée par les travailleurs en grève de Boeing. Elle les a invités à s’opposer aux propositions du patronat visant à liquider une partie de leur système de retraite et à s’approprier démocratiquement l’usine (là où un courant comme le nôtre aurait plus clairement parlé de nationalisation sous contrôle des travailleurs) ; invitant les salariés à ne pas abandonner l’usine et à arrêter de construire des « machines de guerre », c’est-à-dire des avions militaires et à se battre pour la reconversion civile et socialement utile de la production.

Malgré les limitations programmatiques de la campagne de Sawant, sa victoire est encourageante dans la mesure où elle démontre, à échelle locale, la potentialité à l’extrême gauche d’une alternative ouvrière indépendante et soutenue par la lutte des travailleurs face aux Démocrates.

Les possibilités de présenter une candidature d’extrême gauche au niveau national sont quasi nulles. Il n’en reste pas moins qu’il n’est pas exclu que ne se forme une alternative indépendante au bipartisme américain alors que le Parti Républicain traverse une crise importante et que les Démocrates subissent l’usure du pouvoir, fruit de leurs « renoncements » et de la politique de l’administration Obama.

Celeste Murillo et Juan Andrés Gallardo

26/11/13

»» http://www.ccr4.org/La-victoire-de-l-extreme-gauche-aux-elections-loca...

[1Voir F. Carpentier, « Fast-foods, la mobilisation fait tâche d’huile », 25/09/13 http://www.ccr4.org/Fast-foods-la-mobilisation-fait-tache-d-huile


URL de cet article 23548
  

Même Thème
Histoire du fascisme aux États-Unis
Larry Lee Portis
Deux tendances contradictoires se côtoient dans l’évolution politique du pays : la préservation des “ libertés fondamentales” et la tentative de bafouer celles-ci dès que la “ nation” semble menacée. Entre mythe et réalité, les États-Unis se désignent comme les champions de la « démocratie » alors que la conformité et la répression dominent la culture politique. Depuis la création des États-Unis et son idéologie nationaliste jusqu’à George W. Bush et la droite chrétienne, en passant par les milices privées, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Ceux qui croient connaître le monde à travers les médias connaissent en réalité un monde qui n’existe pas. D’où la difficulté de communiquer avec eux.

Viktor Dedaj

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.