Je reviens de la Fête de l’Huma.
Écartelé.
Enthousiasmé par ce que j’ai vécu, partagé avec des amis et de parfaits inconnus. Discussions, plaisanteries, engueulades fraternelles au Village du Livre ou au restaurant de la Fédération de Vaucluse, bribes de musiques entendues ici et là, Internationales éclatant un peu partout, sourires plein de confiance, rires en avalanche, regards entendus de ceux qui se reconnaissent pour semblables, volonté de lutter et de ne rien lâcher !
En colère devant la saloperie classique de la plupart des médias, couchés devant Medef et patronat…
Bien sûr, je savais par avance que le traitement réservé à la fête ne reflèterait pas sa réalité, mais ILS (vous savez ces journalistescouchés insolents avec les humbles, obséquieux avec les puissants) ont réussi à se surpasser.
Il y a 5 ans, on n’avait vu de la Fête à la télé que l’arrivée d’Olivier Besancenot, à croire que ce n’était plus la Fête de l’Huma mais celle du NPA. L’année suivante, un œuf providentiel jeté sur Laurent Fabius avait permis d’ignorer 400 à 500 000 participants… Cette année, le gros titre du Parisien libéré (Aujourd’hui en France) c’est « Trafic de chaises pour la Fête de l’Huma à la mairie de Blanc-Mesnil » et les télés n’ont eu d’objectif que pour la promenade de Kerviel, « trader » repenti (à quel point ? pour combien de temps ?), dont le comité de soutien est présidé par le très sulfureux père Di Falco. Le « trader » censé rester confiné au stand du Parti de Gauche, a drainé dans son sillage toutes les caméras. Vous devinez ce que les salariés de Pilpa, de Sanofi et de Fralib, qui n’ont jamais bénéficié du centième de cette bienveillance médiatique ont pu penser…
La même chose que moi : on a le droit de changer, on a le droit d’opérer un retour sur soi et de rompre avec ce que l’on a été. Encore faut-il que cette conversion soit volontaire et non le fruit du hasard, la conséquence d’un événement imprévu, du grain de sable qui grippe la machine, et surtout qu’elle soit durable. On a transformé Kerviel en victime mais la morale (et une certaine prudence) voudrait qu’on attende qu’il ait fait ses classes avant d’en faire un Robin des Bois.
Comme disait l’autre « l’essentiel n’est pas d’où on vient, mais où l’on va ».
Ouais… à condition de ne pas être sur un cercle !
Bref, cet épisode m’a contrarié, presque autant que la présence non loin de moi au Village du Livre d’un écrivain qui se revendique communiste tout en confiant sa prose à des torchons d’extrême-droite. Un schizophrène quoi, ou à tout le moins un contorsionniste !
Dans le train de retour, naturellement, j’étale mes Huma. Il paraît que je suis un provocateur… Provocateur, c’est le nom qu’on donne aux gens qui lisent l’Huma dans le train. S’ils lisent Le Monde, Le Figaro ou Libération, ce sont des lecteurs.
Un long compte-rendu de la Fête évoque le Livre et sa politique, la polémique autour de celui de Valérie Trierweiler, et un autre article consacré au libraire Sébastien Wespiser (plein de bon sens et d’humanité) revient intelligemment sur la question.
Des amis et des connaissances m’ont dit leur plaisir de constater que des libraires refusaient de vendre le brûlot de l’ex-compagne de François Hollande, d’autres ironisaient sans l’avoir lu, considérant, non sans quelque raison, que tout cela faisait partie d’une volonté persistante d’enfumage. D’autres enfin se réjouissaient des déconvenues de cette « harpie », parfois les mêmes qui confiaient finement que dans l’affaire du Sofitel de New York, ce qui les étonnait le plus c’est que DSK ait pu jeter son dévolu sur « pareil laideron ».
Dans le compte-rendu était évoquée cette prise de position de certains libraires qui m’apparaissait à première vue salutaire et justifiée.
Mais…
Qu’on me permette de revenir au boycott de l’ouvrage de Valérie Trierweiler : est-ce à dire qu’avant lui il n’y aurait jamais eu de livres ignobles méritant d’être mis à l’index par la profession ?
Que je sache, et je fréquente beaucoup les librairies, je n’ai jamais vu la daube écartée des étals, ce qui au fond ne serait pas si grave, puisque Marc Lévy, Guillaume Musso, Adeline Blondiau ou Jade « l’insoumise de Koh-Lanta » se vendent de toutes façons comme des petits pains aux caisses de supermarchés, mais, plus sérieusement, je n’ai pas vu renvoyer les Mémoires de Patrick Balkany, pourtant mis en examen, pas plus que le Dans la tourmente d’Éric Woerth, ce citoyen exemplaire, ni Un Destin hors du commun de Bernard Tapie, « sauveteur » d’entreprises en difficultés qui aimait tant le Crédit Lyonnais, ou Ne vous taisez plus ! de Françoise Laborde, pourfendeuse de fonctionnaires et plagiaire condamnée, pas plus que le Services spéciaux : Algérie 1955-1957 du tortionnaire Paul Aussarresses, assassin de notre camarade Maurice Audin !
Et encore, ne trouvera-t-on là que quelques titres qui me sont aussitôt venus en mémoire…
Allez, il faut savoir terminer.
J’ai vécu une superbe fête, fraternelle, humaine, ouverte, généreuse.
Nous étions des centaines de milliers.
C’est énorme. C’est peu. Mais c’est suffisant pour travailler, labourer, semer, faire lever les moissons futures.
Allez, amies, amis et camarades, les tâches qui nous attendent sont rudes, la route semée d’embûches, mais nous savons, nous, que malgré les oiseaux de mauvais augure, malgré les gavés et les fascistes, malgré les valets du Medef, nous allons, TOUS ENSEMBLE, faire renaître l’espoir et reconstruire l’avenir, car, oui,
LE COMMUNISME EST LA JEUNESSE DU MONDE !
Roger Martin