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Le geste historique d’Obama (zcomm.org)

L’établissement de relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis a été salué comme un événement d’importante historique. John Lee Anderson, qui a signé des commentaires très intéressants sur la région, a réagi comme l’ensemble des intellectuels libéraux. Il écrit dans le New Yorker :

« Barack Obama montre qu’il peut agir comme un homme d’État d’envergure internationale. En l’occurrence cela est également vrai pour Raul Castro. Pour les Cubains ce moment sera hautement cathartique et apportera des transformations historiques. Leurs relations avec le riche et puissant voisin du nord sont restées congelées aux années 1960, et ce depuis 50 ans. Jusqu’à un point surréaliste leurs destins sont restés gelés de la même façon. Pour les citoyens des États-Unis cela est également important. La paix avec Cuba nous ramène momentanément à cet âge doré où les États-Unis étaient un pays aimé partout dans le monde, lorsqu’un jeune et beau J.F.K. était président – avant le Vietnam, avant Allende, avant l’Irak et toutes ces histoires terribles – et nous permet de nous sentir fiers de nous-mêmes parce que nous faisons enfin ce qui est juste ».

Le passé n’était en fait pas aussi idyllique que ce qui est raconté dans ces interminables contes de fées. JFK ce n’est pas « avant le Vietnam » – ni même avant Allende et l’Irak, mais laissons cela de côté. Au Vietnam lorsque JFK est entré en fonction la brutalité du régime Diem imposé par les États-Unis avait fini par provoquer quelque résistance. Il ne pouvait plus contrôler cette résistance interne. Kennedy était confronté à ce qu’il a appelé « une attaque provenant de l’intérieur », une « agression interne » selon l’expression préférée de son ambassadeur Adlai Stevenson.

Kennedy accentua donc aussitôt l’intervention états-unienne ; on passa à une agression pleine et entière, l’ordre fut donné à l’US Air Force de bombarder le Vietnam du Sud (les avions simulant les couleurs du Vietnam du Sud, ce qui ne dérangea personne), le napalm a été autorisé et on passa à la guerre chimique pour détruire les cultures et les réserves de vivres. On établit des programmes pour faire partir les paysans vers ce qui ressemblait fort à des camps de concentration pour « les protéger » de la guérilla, alors que Washington savait parfaitement que les paysans soutenaient la guérilla.

En 1963 la guerre de Kennedy donnait des résultats. Mais un sérieux problème survint alors. En août l’administration apprit que le gouvernement Diem cherchait à négocier avec le nord pour mettre fin au conflit.

Si JFK avait eu la moindre intention d’arrêter la guerre du Vietnam, cela représentait une occasion en or de se retirer avec élégance, sans le moindre coût politique, pouvant même affirmer, comme d’habitude, que c’était la fermeté des États-Unis dans leur défense de la liberté qui avait obligé les Vietnamiens du Nord à se rendre. Cependant les États-Unis ont alors soutenu un coup d’État pour installer des généraux plus bellicistes, et qui partageaient les objectifs de JFK. Le président Diem et son frère ont été tués dans le processus. La victoire étant apparemment en vue, Kennedy accepta, non sans réticence, une proposition du secrétaire à la Défense Robert McNamara pour retirer les troupes (NSAM 263), mais avec un condition, une réserve de taille. Et après la victoire Kennedy a maintenu avec insistance cette condition, et ce jusqu’à son assassinat quelques semaines plus tard.

Beaucoup de légendes ont été concoctées à propos de ces événements ; cependant, étant donné la grande quantité d’archives disponibles, ces légendes n’ont aucune crédibilité.

Et dans le reste du monde c’est la même chose, l’histoire n’est pas aussi idyllique que dans les contes de fées. L’une des décisions prises par Kennedy qui ait été lourde de conséquences c’est lorsqu’en 1962 il a transformer la mission des militaires latino-américains : de la « défense de l’hémisphère » – héritée de la Deuxième Guerre mondiale – on passa à la « sécurité interne », un euphémisme pour parler de la guerre contre l’ennemi de l’intérieur, la population. Les résultats ont été décrits par Charles Maechling, qui était, de 1961 à 1966, le responsable des plans états-uniens de contre-insurrection et de défense interne. La décision de Kennedy, écrit Maechling, a fait passer la politique états-unienne d’une sorte de tolérance vis-à-vis « de la rapacité et de la cruauté des militaires latino-américains » à une « complicité directe » dans leurs crimes, puis on est passé à un soutien des États-Unis aux « escadrons de la mort dont les méthodes étaient celles d’Heinrich Himmler ». Ceux qui ne font pas le choix d’« ignorer délibérément » – le terme est de Michael Glennon, spécialiste des relations internationales – peuvent facilement retrouver les détails.

À Cuba, Kennedy a hérité de la politique d’Eisenhower : l’embargo et les plans organisés pour renverser le régime. Il est rapidement passé à l’escalade, avec l’invasion de la Baie des Cochons. L’échec de cette invasion a provoqué une véritable hystérie à Washington. Lors de la première réunion ministérielle après l’invasion ratée, l’atmosphère était « un quasi retour à la barbarie ». Le sous-secrétaire d’État Chester Bowles a rapporté dans des notes privées : « On parlait frénétiquement pour que soit mis en place un plan d’action ». Kennedy a fait montre de cette hystérie dans ses déclarations publiques : « Les sociétés complaisantes, les sociétés jouisseuses, les sociétés faibles sont sur le point d’être pulvérisées dans les débris de l’histoire. Seules les sociétés fortes peuvent survivre », déclara-t-il au pays, bien qu’il sût, comme il l’a dit de façon privée, que les alliés « pensent que nous sommes un peu fous » quand il s’agit de la question cubaine. Non sans raison. Les actes de Kennedy étaient conformes à ses paroles. Il a lancé une meurtrière campagne terroriste pour faire subir à Cuba l’expérience de la « terreur de la terre » ; ce sont les mots d’Arthur Schlesinger, historien et conseiller de Kennedy. C’est ainsi qu’il parlait du projet que Kennedy avait confié à son frère Robert Kennedy, c’était une priorité. En dehors du fait que des milliers de personnes soient mortes et qu’il y ait eu des destructions à grande échelle, le résultat ce fut que le monde parvint au bord de l’abîme nucléaire. C’est ce que révèlent les dernières recherches universitaires. À peine apaisé la crise des missiles le gouvernement avait relancé les attaques terroristes. Une façon habituelle d’éviter ce sujet gênant c’est de s’en tenir aux tentatives d’assassinats de Castro, pour les considérer absurdes et ridicules. Elles ont bien existé, mais elles n’étaient qu’un point mineur de la guerre terroriste, lancée par les frères Kennedy après l’échec de la Baie des Cochons, guerre terroriste qui n’a guère d’équivalent dans les annales du terrorisme international.

On débat maintenant beaucoup pour savoir si Cuba doit être ôtée de la liste des États qui soutiennent le terrorisme. On ne peut alors penser qu’aux mots de Tacite : « le crime, et le crime public, n’avait de ressource que dans l’audace ». À la différence près que nul n’en parle grâce à la « trahison des intellectuels ».

Après l’assassinat de Kennedy, le nouveau président Johnson a fait baisser le niveau de terrorisme, qui s’est néanmoins maintenu jusque dans les années 1990. Il était hors de question de laisser Cuba survivre en paix. Il a expliqué au sénateur Fulbright que bien que « je n’en viendrai pas à un plan genre Baie des Cochons » il souhaitait quelques conseils sur « ce qui devrait être fait pour leur serrer les noix davantage que ce que nous faisons actuellement ». Le spécialiste de l’Amérique latine Lars Schoultz commentant ce propos a observé que le « serrage de noix a été la politique des États-Unis depuis lors ».

Certains, bien entendu, ont considéré que ces mesures n’étaient pas suffisantes. Par exemple Alexander Haig, membre du cabinet de Nixon, qui disait au président : « un mot de vous et je transforme cette p... d’île en parking ». Cette élégance est une belle démonstration de la durable frustration des dirigeants états-uniens concernant « cette infernale petite république de Cuba ». Ce sont les mots de Theodore Roosevelt lorsqu’il était entré en furie parce que les Cubains se montraient réticents au lieu d’accepter gentiment l’invasion états-unienne de 1898. Cette invasion avait pour but de frustrer la libération des Cubains vis-à-vis de l’Espagne et de transformer l’île en quasi-colonie états-unienne. C’est certainement pour une noble cause que Theodore Roosevelt a participé à l’attaque de la colline San Juan [proche de Santiago, tenue par les Espagnols] ; on passe généralement sous silence que la prise de cette colline est essentiellement due à des bataillons d’Africains-Américains).

L’historien cubain Louis Pérez écrit que l’intervention états-unienne, dépeinte ici comme une intervention humanitaire pour libérer Cuba, a en fait atteint ses véritables objectifs : « Une guerre cubaine de libération a été transformée en une guerre états-unienne de conquête », la « guerre hispano-américaine » dans le langage impérial, conçue pour laisser dans l’ombre la victoire cubaine qui avait vite été neutralisée par l’invasion. Le résultat final avait mis un terme aux angoisses états-uniennes concernant « l’indépendance de Cuba – inconcevable pour tous les politiciens états-uniens ».

Comme les choses ont changé en deux siècles.

Il y a eu des efforts pour améliorer les relations ces 50 dernières années ; cela est raconté en détail par William LeoGrande et Peter Kornbluh dans leur récent ouvrage « Back Channel to Cuba ». Que nous puissions nous sentir « fiers de nous-mêmes » en raison du geste accompli par Obama peut être sujet de débat, mais ce qu’il fait est « une bonne chose », alors que le terrible embargo reste en place, défiant le monde entier (Israël excepté), et le tourisme demeure interdit.

Dans son discours à la nation pour annoncer la nouvelle politique, le président a clairement fait savoir que, sur d’autres points également, Cuba reste punie, pour avoir refusé de s’incliner devant la volonté et la violence états-uniennes continuera. Obama a répété des prétextes qui sont trop ridicules pour que je les commente.

Certains propos du président méritent cependant une certaine attention. Comme ceux-ci :

« Fièrement les États-Unis ont soutenu la démocratie et les droits humains à Cuba pendant ces cinq décennies. Nous avons fait cela d’abord par le biais de politiques qui avaient pour objectif d’isoler l’île, pour empêcher les voyages et le commerce dont les citoyens états-uniens peuvent jouir partout ailleurs. Et bien que cette politique fût basée sur les meilleures intentions, aucun autre pays n’a accepté d’imposer à Cuba les mêmes sanctions ; et elles ont eu un faible impact, tout en offrant au gouvernement cubain une explication pour les restrictions dont souffre son peuple. Aujourd’hui je suis honnête avec vous. Nous ne pouvons jamais éliminer notre histoire commune. »

Il faut admirer l’audace de cette déclaration, qui rappelle également les mots de Tacite. Obama n’ignore certainement pas la véritable histoire, laquelle comprend non seulement la meurtrière guerre terroriste, et le scandaleux embargo économique, mais également l’occupation militaire de la partie sud-est de Cuba depuis plus d’un siècle, y compris son plus grand port, malgré les demandes du gouvernement depuis l’indépendance pour que soit rendu ce qui a été pris par la force des armes – une politique justifiée uniquement par la volonté fanatique de bloquer le développement économique de Cuba. Par comparaison, la prise illégale de la Crimée par Poutine semble quasiment bénigne. La volonté de se venger des impudents cubains, qui ont résisté à la domination états-unienne, a été si extrême qu’elle est passée au-dessus des intérêts du monde du business qui souhaitait une normalisation – notamment dans les produits pharmaceutiques, l’agrobusiness, l’énergie – un situation peu commune dans la politique étrangère des États-Unis. La politique vindicative et cruelle de Washington a quasiment isolé les États-Unis dans notre l’hémisphère ; dans le reste du monde elle est considérée ridicule et traitée avec dédain. Washington et ses acolytes aiment à prétendre qu’ils ont isolé Cuba, comme l’a dit Obama, mais les résultats à la vue montrent que c’est plutôt les États-Unis qui ont été isolés, probablement la principale explication du changement en cours.

L’opinion états-unienne est certainement aussi un facteur pour expliquer « le geste historique » d’Obama – bien que le public soit, mais c’est sans importance, favorable à une normalisation depuis longtemps. Un sondage de 2014, fait pour CNN, montrait que seulement un quart des États-uniens considèrent maintenant cuba comme une menace sérieuse pour les États-Unis, alors qu’il y a trente ans la proportion était des deux tiers, c’était l’époque où le président Reagan nous mettait en garde face aux graves menaces que représentait pour nos vies la capitale mondiale de la muscade (la Grenade) et l’armée nicaraguayenne, à seulement deux jours de marche du Texas. Les peurs étant maintenant un peu dissipées, peut-être pouvons-nous un peu baisser le niveau de notre vigilance.

Parmi les nombreux commentaires qui ont suivi la décision d’Obama, un des thèmes principaux avait à voir avec les gentils efforts fournis par Washington pour apporter la démocratie et les droits humains aux malheureux Cubains ; ces beaux efforts, à peine souillés par d’infantiles manigances de la CIA, ont échoué. Nos objectifs élevés n’ont pas été atteints, donc un changement regrettable est à l’ordre du jour.

Ces politiques ont-elles échoué ? Tout dépend de ce qui était l’objectif. La réponse est plutôt claire si on consulte les documents disponibles. La menace cubaine était la menace habituelle, celle qu’on a connue pendant toute l’histoire de la Guerre froide. Et ce n’était pas la première fois. Cela avait été expliqué de façon transparente au moment de l’entrée en fonction de Kennedy. La première inquiétude c’était que Cuba pût représenter un « virus » qui pouvait se transformer en « contagion », pour reprendre le terme de Kissinger pour parler de ce phénomène, faisant lui alors référence au Chili d’Allende. Cela était reconnu dès le départ.

Tentant de scruter l’Amérique latine avant d’entrer en fonction, Kennedy avait organisé une Mission latino-américaine, dirigée par Arthur Schlesinger. Ce dernier avait apporté ses conclusions au président Kennedy. La Mission signalait que les Latino-américains étaient susceptibles d’imiter « l’idée de Castro, et de prendre leurs propres affaires en mains », un sérieux danger, comme l’a expliqué plus tard en détail Schlesinger, lorsque « la distribution de la terre et d’autres richesses nationales favorisent les classes possédantes – [et] les pauvres et les dépossédés, stimulés par l’exemple de la révolution cubaine, demandent maintenant des opportunités pour une vie décente ».

Schlesinger reprenait ainsi les lamentations du secrétaire d’État John Foster Dulles qui se plaignait auprès du président Eisenhower du danger représenté par les « communistes » de l’intérieur. Ces derniers pouvaient « prendre le contrôle de mouvements de masse », un avantage déloyal que nous « n’avons pas les capacités d’émuler ». La raison c’est que « les pauvres sont ceux à qui ils s’adressent et ils ont toujours voulu détrousser les riches ». Il est difficile de convaincre des gens arriérés et ignorants de suivre nos principes selon lesquels il est préférable que les riches détroussent les pauvres.

D’autres commentaires ont été apportés à la suite de la mise en garde de Schlesinger. En juillet 1961 la CIA signalait que « la grande influence du castrisme ne relève pas du pouvoir cubain – l’impact de Castro est puissant parce que les conditions sociales et économiques partout en Amérique latine alimentent l’opposition aux pouvoirs en place et encouragent l’agitation pour les changements radicaux », pour lesquels la Cuba de Castro fournit un modèle. Le conseil pour la planification du département d’État expliquait que « le premier danger auquel nous avons affaire avec Castro c’est... l’influence de la simple existence de son régime sur les mouvements de gauche dans beaucoup de pays d’Amérique latine... Le fait est que Castro est un exemple de défi des États-Unis, une négation de toute notre politique hémisphérique depuis presque un siècle et demi », depuis que la Doctrine Monroe a fait connaître l’intention des États-Unis de dominer l’hémisphère. Pour résumer l’historien Thomas Paterson observe que « Cuba, comme symbole et comme réalité, représente un défi pour l’hégémonie états-unienne en Amérique latine ».

La façon d’affronter un virus qui pourrait se transformer en contagion c’est de tuer le virus et d’inoculer les victimes potentielles. C’est effectivement la politique qui a été suivie par Washington. Et si on s’en tient aux premiers objectifs, cette politique a été une réussite. Cuba a survécu, mais sans la possibilité de développer son potentiel si redouté. Et la région a été « inoculée » avec de terribles dictatures militaires pour prévenir la contagion, en commençant par le coup d’État militaire inspiré par Kennedy pour établir un régime de terreur et de torture – dit de sécurité nationale – au Brésil peu après l’assassinat de Kennedy. Cela a été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par Washington. Les généraux avaient fait une « rébellion démocratique », selon le câble envoyé par l’ambassadeur Lincoln Gordon. La révolution était « une grande victoire pour le monde libre », qui avait empêché « que l’Occident ne perde le contrôle de tous les pays d’Amérique du Sud » et cela devait « créer climat nettement meilleur pour les investissements privés ». Cette révolution démocratique était « la victoire la plus décisive de la liberté au milieu du 20ème siècle », se réjouissait Gordon, « l’un des moments clés de l’histoire du monde » en cette période. Ce que Washington voyait comme un clone de Castro avait été éliminé.

La maladie s’est étendue à l’ensemble du continent, culminant dans les guerres terroristes de Reagan en Amérique centrale avec finalement l’assassinat des six prêtres jésuites, grands intellectuels latino-américains. Ces assassinats ont été commis par un bataillon d’élite, qui venait de recevoir une formation à l’École de guerre spéciale JFK à Fort Bragg. Le haut commandement avait donné l’ordre de tous les tuer, ainsi que tous les témoins, ainsi la dame qui travaillait chez eux et sa fille. Le 25ème anniversaire de cet assassinat vient juste de passer, commémorer avec le silence habituel quand il s’agit de nos crimes.

Pour la guerre du Vietnam c’est un peu la même chose, elle est également considérée comme un échec et comme une défaite. Le Vietnam en tant que tel n’avait guère d’intérêt, mais comme les documents disponibles le montrent, Washington s’inquiétait de la possibilité d’un développement indépendant qui pourrait devenir contagion dans toute la région, atteindre l’Indonésie, avec ses riches ressources, et peut-être même atteindre le Japon – le « superdomino » comme décrit par l’historien de l’Asie John Dower – qui s’accommoderait bien d’une Asie orientale indépendante et qui deviendrait son centre industriel et technologique, hors du contrôle des États-Unis, construisant de fait un nouvel ordre en Asie. Les États-Unis n’étaient pas prêts à perdre la Deuxième Guerre mondiale dans le Pacifique, ils ont donc vite apporté leur soutien à la guerre de reconquête de la France dans son ancienne colonie, puis les choses se sont enchaînées jusqu’à atteindre l’horreur, avec une notable escalade au moment de l’entrée en fonction de Kennedy, puis plus tard avec ses successeurs.

Le Vietnam a quasiment été détruit ; il ne serait modèle pour personne. Et la région a été protégée par l’installation de dictatures meurtrières, tout comme en Amérique latine dans les mêmes années – il est naturel que la politique impériale suive des linéaments identiques dans différentes régions du monde. Le cas le plus important c’était l’Indonésie, protégée de la contagion par le coup de Suharto, un « stupéfiant massacre de masse » comme le décrit, justement, le New York Times, tout en se joignant à l’euphorie générale qui voyait là comme « une lueur en Asie » (expression de James Reston, journaliste de tendance libérale). En rétrospective, McGeorge Bundy, qui a été conseiller de Kennedy et de Johnson pour les questions de sécurité nationale, tout en prenant acte du fait que « nos efforts » au Vietnam ont été « excessifs » après 1965, si on considère que l’Indonésie était à l’abri après avoir été inoculée.

La guerre du Vietnam est décrite comme un échec, une défaite américaine. En réalité ce fut une victoire partielle. Les États-Unis n’ont pas atteint leur objectif optimal : transformer le Vietnam en Philippines. Mais les objectifs les plus importants ont été atteints, un peu comme dans le cas de Cuba. De tels résultats sont donc considérés comme une défaite, un échec, de très mauvaises décisions.

La mentalité impériale est fabuleuse a observer. Presque tous les jours nous en avons de nouvelles illustrations. Nous pouvons ajouter ce nouveau « geste historique » à propos de Cuba, et sa réception chez les commentateurs, à cette belle liste.

Noam Chomsky

le 21 décembre 2014

Source : https://zcomm.org/zcommentary/obamas-historic-move/

Traduction : Numancia Martinez Poggi

COMMENTAIRES  

27/12/2014 09:14 par christophe

Obama tire un faux avantage politique à feindre de mettre fin à un embargo que les Etats-Unis n’ont plus les moyens de maintenir, de plus en plus d’états étant opposés à cet embargo et entretenant davantage de relations commerciales avec Cuba.
Ce qui reste d’espoir (ce n’est pas lourd, car un capitalisme en remplacera un autre) est là, dans la capacité qu’ont gardé certains grands états à s’opposer à l’empire américain.
Dommage que Chomsky écrive toujours aussi mal. Les gens trop intelligents ont l’habitude de se déplacer dans un univers d’une complexité torturante pour de simples mortels.

27/12/2014 15:40 par Ben Malaki

@ " Les gens ( trop ! ) intelligent ont l’habitude de se déplacer dans un univers d’une complexité torturante pour de simples mortels "

Mouais. Même que N.Chomsky peut aussi torturer son intelligence pour déplacer un sujet complexe. C’est dire !!

27/12/2014 17:58 par Autrement

La rétrospective historique de Chomsky, montrant ce qu’est la "mentalité impériale", ses entreprises et ses résultats dans diverses parties du monde, est très claire, malgré l’humour noir qui la sous-tend. L’énorme imposture US est mise à nu, en même temps qu’apparaît en pleine lumière le langage-masque dont elle se couvre : la conviction enracinée et fanatique selon laquelle la politique extérieure des USA oeuvre pour les plus nobles intérêts et pour le bien de tous les pays de la planète, en les préservant du virus communiste. Nous avons été les contemporains, entre autres, du Vietnam, de l’Indonésie, de Cuba, du Chili, de la Grèce des colonels, du Nicaragua, du Vénézuela, de tueries sur tueries inimaginables. Mentalité ? J’ai vu hier soir pour me distraire et au petit bonheur, sur une des chaînes ciné+, un de ces films de propagande dont Hollywood a le secret et qu’il a produits par centaines selon le même canevas : Argo, l’histoire de six otages américains en Iran, réfugiés à l’Ambassade du Canada, et sauvés par un agent de la CIA qui se fait passer pour un cinéaste effectuant des repérages. Action, paysages, bureaucratie patibulaire, terroristes basanés, auxquels est confronté un beau brun intelligemment (lui) barbu et diplômé de Harvard, sachant de façon sublimement ostentatoire dissimuler ses émotions, et capable de désobéir aux ordres et de risquer sa propre vie pour sauver celle de ses compagnons. Le genre de film qui a succédé aux westerns tout en en perpétuant l’idéologie. Le tout avec un luxe de suspense par urgence de téléphone, sonnant à la vie à la mort dans des bureaux que le spectateur s’angoisse de trouver trop longtemps vides de leurs hauts-fonctionnaires dignes et sérieux (façon Dick Cheney), seuls habilités à transmettre les consignes secrètes. Hélas, trois fois hélas, on sort de ce film complètement béatifié, plein d’un chaleureux élan du coeur pour notre courageuse et intègre bannière étoilée, plein d’une noble fierté d’appartenir à un peuple qui a produit de tels agents et une telle CIA. Il faut vraiment être un intello tordu et retordu comme Chomsky pour résister à ce lavage de cerveau, si parfaitement calibré. Alors quand on pense à ce qu’a ingurgité l’opinion publique américaine (qui pourtant, malgré tout, remue encore et encore !!), et aux répercussions sur le grand public européen, les bras vous en tombent. Au fait, sur l’image de cet article, quel est le "geste" d’Obama, est-ce qu’il brandit un cigare géant – un havane, bien sûr, mais les Cubains, eux, ne se laisseront pas enfumer –, ou une espèce de pipeau de berger des Andes, auquel cas il pourrait se faire recevoir à la façon du capitaine Haddock devant les lamas !

27/12/2014 18:38 par Leo Lerouge

Cette partie de la traduction n’est pas claire du tout :
"La victoire étant apparemment en vue, Kennedy accepta, non sans réticence, une proposition du secrétaire à la Défense Robert McNamara pour retirer les troupes (NSAM 263), mais avec un condition, une réserve de taille (laquelle ?). Et après la victoire (laquelle ?) Kennedy a maintenu avec insistance cette condition, et ce jusqu’à son assassinat quelques semaines plus tard".

Alors que Chomsky a dit :

La victoire étant apparemment en vue, Kennedy avait accepté, non sans réticence, la proposition du secrétaire à la Défense Robert Mc Namara de procéder au retrait progressif des troupes (National Security Action Memorandum 263), mais à la condition expresse de le faire "après la victoire". Et Kennedy n’est jamais revenu là-dessus, jusqu’à son assassinat, quelques semaines plus tard.

D’autre part, le terme d’"hémisphère" demande précision en français : ici, il s’agit de l’hémisphère sud, c.-à-d., l’Amérique Latine, plus communément pour nous. Un peu comme si on disait "l’hémisphère" pour désigner l’Afrique.

Quant à Chomsky, il parvient toujours à noyer le poisson, en parlant de tout à la fois en vrac, et, finalement, en ne disant rien de clair.
A part des poncifs sur l’histoire des US concernant Cuba (... et le Vietnam ... et Kennedy ... et Allende, et ...), il n’y a aucune proposition, ni analyse concrète de la situation actuelle et de ce "geste historique". Et, s’il cite Obama, il repart aussitôt dans des généralités.
Pire, brusquement, au détour d’une phrase, en plein dans sa critique de l’empire, voilà qu’il déclare, comme si c’était un fait acquis incontestable :
"En comparaison, la mainmise illégale de Poutine sur la Crimée semble quasiment anodine".
Allons, bon !
Il doit fatiguer.

27/12/2014 20:07 par Geb.

Je pense que Chomsky devrait plutôt ironiser avec "la mainmise illégale sur la Crimée" et il aurait du mettre entre guillemets pour en faire ressortir la phraséologie impérialiste.

Si ça n’est pas le cas, (pour un "linguiste" tel qu’il est et comme il se définit lui-même), il s’agirait de faire passer un faux grossier ACTUEL, (L’Ukraine annexée illégalement par le Tyran Poutine), avec quelques éléments vaselinés des saloperies de l’Histoire PASSEE et plus ou moins méconnue de l’Empire. Il va même jusqu’à "casser" un peu l’image de l’Icône Kennedy en ternissant légèrement sa Légende dorée.

Ce style de propagande que je qualifie de "au pâté d’alouette", (moitié/moitié, une alouette/un cheval), est assez courante dans ses analyses. J’ignore si c’est volontaire ou si c’est l’idée dominante qui le sous-tend qui ressort dans le fond.

Chomsky est un pur produit des Universités et de la "Civilisation, (si l’on peut dire), Siono-yankee et ça ne doit pas être facile de passer au dessus de l’imprégnation originelle et d’en oublier les tares.

Ca n’est pas la première fois que je remarque ça chez lui, et jusqu’à ce jour je lui ai toujours laissé un bénéfice du doute mitigé.

Mais bon, il est un des moins pire du coin. Faut prendre le bon... Et laisser le reste.

Geb.

27/12/2014 21:52 par legrandsoir

Siono-yankee

"Vaut mieux lire ça que d’être aveugle", disait-on.

27/12/2014 20:32 par Dwaabala

L’auteur, cédant à la facilité rhétorique, a épinglé un passage d’un article de John Lee Anderson. D’où il démarre sur Kennedy pour s’y tenir jusqu’à la fin.
Il ne livre sur le sujet de fond qu’une opinion, qu’il met scène dans une pseudo polémique journalistique après avoir cité une réflexion particulièrement stupide.
Il écrit au sujet d’Obama, dont il est quand même question de ci de là :

... en raison du geste accompli par Obama peut être sujet de débat, mais ce qu’il fait est « une bonne chose », alors que le terrible embargo reste en place, défiant le monde entier (Israël excepté), et le tourisme demeure interdit.

Comme « une bonne chose » est entre guillemets, on mesure le dépit de l’auteur qui s’appuie sur cette ponctuation dépréciative pour continuer.
Puisqu’il est dit plus bas que O. va « feindre » de demander la levée de l’embargo, - mais comme il va cependant la soumettre à la chambre des représentants (certes, à majorité républicaine), cette phrase donne la mesure de l’objectivité de l’auteur.
Il faut d’ailleurs noter que si « le tourisme » était rétabli le même aurait crié à la mesure destinée à déstabiliser le régime par l’introduction d’agents de la CIA.
Même la question de l’« opinion publique » favorable à la normalisation passe à sa moulinette : parce que si O. a pu s’appuyer sur elle, cela ôte-t-il une quelconque réalité à son action ?
Alors, il reste, pour faire « sérieux » en guise de prophète à analyser le passé et la politique de Kennedy tout au long de l’article.
Heureusement, les dirigeants cubains n’ont pas ce genre d’analyste comme conseiller : eux, visiblement, ils connaissent les arcanes de la diplomatie, de la négociation, et des étapes par lesquelles elles passent.

27/12/2014 22:01 par legrandsoir

Chomsky est fidèle à sa "méthodologie" et fait un parallèle entre Obama et Kennedy (deux présidents "jeunes et sympas") qui excellent dans le discours et le symbolique alors qu’en réalité... Quant aux guillemets, je ne lis aucun "dépit" mais une sorte de citation sur les réactions devant justement un acte pour l’instant totalement symbolique alors que l’essentiel (le blocus) reste en place, et le restera probablement pendant "un certain temps".

27/12/2014 22:07 par triaire

Noam Chomsky est toujours très clair dans ses démonstrations sur l’impérialisme de son pays , vous devriez , Leo, lire ses bouquins en vous concentrant .

27/12/2014 22:13 par mandrin

tien il y a de l’auditeur de la bas si j’y suis...

28/12/2014 00:02 par Dwaabala

@ le grand soir
Que B. Obama soit le Président de la nation chef de file de l’impérialisme ne faisant aucun doute, il reste néanmoins possible de constater que les contradictions internes de cette nation (qui n’est pas formée que de cons, fussent-ils néo) se reflètent sur son visage qui, pour le peu que j’en vois accidentellement à la télévision (mais aussi derrière un cigare) m’apparaît plutôt fatigué par l’exercice du pouvoir, prématurément vieilli, et non pas beau et fringant. C’est sans doute sur cette différence d’optique que se joue la question.
Alors, quitte à ergoter, mais c’est l’essence et la jouissance des commentaires : au sujet des guillemets de ce qu’il fait est « une bonne chose » et le dépit.
Comme je crois avoir saisi (et si je ne me trompe) que l’intention déclarée d’Obama est de chercher à obtenir la levée du blocus, opposer au journaliste comme le fait l’auteur qu’il n’a pas levé le blocus (alors que le terrible embargo reste en place), ce qu’Obama ne peut faire (et l’auteur le sait mieux que moi) sans l’aval de représentants qui lui sont opposés, relève de la pétition de principe.
L’auteur fait passer d’abord ce qu’il veut démontrer : Obama ne vaut pas mieux.
Alors, ce qui se voudrait ironique, les pincettes des guillemets, marque involontairement la place du dépit : le journaliste (ou le bon sens ?), auquel on a choisi, non sans quelque justesse puisqu’il prêtait le flanc, de porter la contradiction (il s’agit d’un pur artifice rhétorique car on n’en attend aucune réponse), peut hélas ! trouver dans l’action d’Obama matière à énoncer cette vérité première, difficile à admettre, mais impossible à réfuter : ce qu’il fait est une bonne chose. Et le visage de Raúl Castro ne semblait pas dire le contraire.

28/12/2014 09:10 par Leo Lerouge

@triaire, merci du conseil, mais j’ai lu les textes de Chomsky dans leur version originale, j’ai écouté des interviews de lui et je l’ai même traduit, ce qui est un excellent moyen de "se concentrer" sur un texte et de voir s’il est confus.
Et d’ailleurs les interprétations différentes qui sont données ici sur ce qu’il a voulu dire le prouvent.

Ensuite, précision : les guillemets ont été mis à « fiers de nous-mêmes » et à … "mais ce qu’il fait est « une bonne chose  » parce que Chomsky cite les termes employés par le journaliste en introduction : "et nous permet de nous sentir fiers de nous-mêmes parce que nous faisons enfin ce qui est juste " mais comme le second bout de phrase a été ensuite traduit différemment (« une bonne chose »), on ne peut pas comprendre l’emploi des guillemets.
Chomsky veut dire que, contrairement au journaliste, il n’irait peut-être pas jusqu’à dire qu’il est fier de lui, mais qu’il pense, lui aussi, qu’Obama a bien agi.

D’autre part, le titre devrait, en toute logique, inviter à développer cette question : "alors, historique ou pas, cette mesure ?".
C’est d’ailleurs l’intérêt pour l’opinion de Chomsky sur la question qui m’avait incité à lire son article.

Or, après avoir cité ce journaliste, en fait d’histoire, Chomsky relève ce que celui-ci a dit sur la période JFK et nous fait un cours sur JFK, Cuba et le Vietnam. Et il faut arriver au 13° paragraphe (heureusement que Kennedy n’a pas fait long feu à la Maison Blanche) pour voir apparaitre à nouveau le nom d’Obama.

Donc, s’il y a comparaison entre Kennedy et Obama, il y a forcément déséquilibre. Pour autant, cette comparaison n’est jamais ni explicite, ni implicite, et, d’autre part, je ne vois pas l’intérêt de comparer la campagne féroce de JFK contre Cuba avec une disposition qui n’ira pas loin pour Cuba s’il n’y a pas levée d’embargo et de toutes les restrictions qui en découlent, et abolition de la loi Helms-Burton (signée par l’ex-mari de son ex-secrétaire d’état, elle-même future candidate aux présidentielles), qui ne sont pas du ressort d’Obama.

Il cite ensuite les brutalités que les Etats-Unis ont fait subir aux Cubains pendant 50 ans, et, en plein milieu de la description de ce carnage, comme un message subliminal, voilà qu’il compare cela à la "mainmise de Poutine sur la Crimée" !
Si on suit l’actualité géopolitique autant que Chomsky, on devrait savoir que la Crimée a choisi le rattachement à la Fédération de Russie par voie de référendum d’autodétermination avec 97% des voix avec un taux de participation de 83%.
Alors, quel est l’objectif de Chomsky, ici ?
Ce qui ressort également des quelques paragraphes consacrés à Obama, c’est que Chomsky est très modéré vis-à-vis des actions d’Obama et l’égratigne à peine, comme si ce dernier avait trouvé tout ça en arrivant et avait été impliqué contre son gré, mais s’était racheté.
Ainsi, Chomsky ne dit pas qu’Obama a pourtant appliqué pendant 6 ans cette politique d’embargo, dont l’infâme loi Helms-Burton, .
Il n’explique pas qu’Obama ne peut pas abroger les lois sur l’embargo et Helms-Burton, et n’évoque pas les différents cas de figure qui pourraient se présenter dans un avenir proche.
C’est là toute l’ambigüité du discours de Chomsky.
Et nous ne savons toujours pas si Chomsky pense que c’est un événement historique.

Ensuite, il pose la question : "cette politique (contre Cuba) a-t-elle été un échec ? Et répond : "cela dépend de quel en était l’objectif au départ".
On se dit qu’il va enfin analyser les raisons de ce revirement.
Mais, non, Chomsky explique seulement que c’est parce que les US craignaient que le communisme ne se répande en AL. Ce qui est vrai, mais un peu léger sur un article censé porter sur cette décision "historique" (ou non).
Et, aussitôt, abandonnant définitivement Obama, il revient encore sur le passé lointain, avec, à nouveau, Kennedy, Kissinger, le Vietnam, et al, qui occuperont encore les dix derniers paragraphes.

On va me répondre qu’après tout, Chomsky fait bien de rappeler l’histoire.
Certes, mais Kennedy, le Vietnam, Cuba, ce n’est pas comme s’il n’avait jamais traité ces sujets-là dans d’autres articles.

En 1990, Chomsky écrivait cet article sur Kennedy, Cuba, les attentats terroristes menés contre Cuba par Kennedy et le Vietnam (entre autres).

Fast forward

oct. 2012
La crise des missiles à Cuba
Avec, bien sûr, Kennedy, l’historien Arthur Schlesinger, proche collaborateur du premier, Kissinger, l’invasion de la Baie des Cochons …

En novembre 2013, dans cet article concernant JFK et Cuba, Chomsky est cité 3 fois en référence.

Et, tout récemment :

juillet 2014
"Whose Security ? / How Washington Protects Itself and the Corporate Sector", avec un paragraphe sur Cuba et la campagne terroriste de Kennedy, la Doctrine Monroe, Arthur Schlesinger ...

aout 2014
Pour cet article, "How Many Minutes to Midnight ? Hiroshima Day 2014", on pourrait penser que le sujet de l’article parle de lui-même.
Eh bien, non, Hiroshima n’est jamais cité et, en revanche, il y a un très long paragraphe sur les … missiles à Cuba et la "campagne d’attentats terroristes" de … Kennedy. Avec, donc, Kennedy, Arthur Schlesinger, Kissinger…

Novembre 2014

Ici, on retrouve les attentats terroristes commis en Angola, au Nicaragua et à … Cuba
Noam Chomsky : The Long, Shameful History of American Terrorism.
Avec, donc, Kennedy, qui parle d’apporter à Cuba "the terrors of the earth" (ce qu’il y a de plus horrible sur terre), la Baie des Cochons, Schlesinger …

Et si on cherche mieux, on doit encore trouver des articles sur le même thème, et même en français.
Il y avait donc suffisamment de matière concernant les années Kennedy, voire Johnson, sans que l’article ci-dessus y consacre encore au moins les trois-quarts de l’espace.
Il y a de quoi se poser des questions.

28/12/2014 11:30 par Dwaabala

En politique, il vaut mieux s’en tenir à l’évaluation et à la critique de l’acte plutôt que de l’homme ; c’est une autre méthodologie, celle qui est mise en pratique par les responsables et qui peut produire des retournements parfois gênants pour le regard non averti.

La critique de l’homme est souhaitable d’un point de vue pragmatique, quand c’est la guerre déclarée contre ce qu’il incarne : elle mobilise de façon immédiate en faisant appel à des sentiments rudimentaires ; mais alors il faut taper juste. Si elle va contre le bon sens, elle indispose contre son auteur.

De cette ambivalence peuvent naître des articles confus qui, pour attaquer l’un, dissertent d’abondance sur un autre et ne prouvent rien, que la maladresse et le manque de réel sens politique de leur auteur..

28/12/2014 11:46 par Dwaabala

J’ajouterai que les révolutionnaires chez les autres ont été pris à contre-pied par ce début de normalisation : dans leur position la plus extrême ils vont jusqu’à s’inquiéter de la pureté du processus de progrès à Cuba si le blocus était levé.

28/12/2014 13:56 par Ben Malaki

@ ... de cette ambivalence peuvent naitre des articles confus qui pour attaquer l’un dissertent d’abondance sur un autre et ne prouvent rien, que la maladresse et le réel sens politique de leur auteur.

Étonnant comme cette phrase s’applique à merveille à l’article ci-dessus. Désolé pour les fans, mais ça fait quelques années maintenant que Chomsky est "fatigué". Depuis le Vietnam en fait. Il en veut toujours plus à Kennedy qu’ à Bush. Alors pensez Obama ! Et pour la petite histoire, un grand intellectuel linguiste de surcroît ne doit pas perdre sa langue sur les sujets bouillants. Cet homme appartient au siècle passé. Il n’a pas passé le millénaire, même s’il garde mon respect pour le travail accompli jusqu’en 2000 ....

28/12/2014 15:44 par Dwaabala

PS Comme le complément précédent (sur « les révolutionnaires chez les autres ») peut être mal interprété, je précise que je ne visais pas l’information sur les peuples en lutte, ni l’organisation de la solidarité internationale. Merci.

29/12/2014 14:07 par Dyonisien

Il faut peut-être rappeler que Chomsky n’écrit pas seulement pour les lecteurs occasionnels de telle ou telle plus ou moins bonne traduction en français. Comme il l’a dit à maintes reprises, il écrit principalement pour ses concitoyens en tant que "coresponsables" de ce que fait leur gouvernement "en leur nom". De plus, plutôt que d’enfoncer des portes ouvertes il a toujours préféré dessiller les yeux en démontant les images fausses fabriquées par la propagande ordinaire. Il y a les présidents dont l’image colle parfaitement à leur rôle de salaud et puis ceux qui jouent le même rôle, tout en bénéficiant encore d’une aura, tout à fait mensongère, mais aura tout de même aux yeux de trop de gens. Le dernier en date est Obama et avant lui il y a eu Kennedy. Les agissements d’Obama, à l’abri de son image, font largement illusion (renseignez-vous autour de vous !), tout comme ce fut le cas pour Kennedy (questionnez autour de vous !). Montrer le bilan de Kennedy face à l’image pieuse qui circule encore est une façon de nous inciter à la plus extrême méfiance face à l’image pieuse d’Obama qu’ils sont en train de nous construire. Avant d’insinuer quoi que ce soit sur le fait qu’il ménagerait Bush, il faudrait aller lire tout ce qu’il publie, notamment sur zcomm.org. Quant à l’affirmation qu’« il se prétend linguiste », elle témoigne hélas d’une ignorance abyssale et très hexagonale.

29/12/2014 18:21 par Autrement

Je trouve un peu étrange qu’on reproche ici à Chomsky de ne pas avoir fait ce qu’il n’avait pas l’intention de faire : son approche n’est pas celle d’une analyse politique à proprement parler, mais, comme il le dit de façon explicite dans sa conclusion, celle d’une étude de mentalité. A travers la rétrospective historique à laquelle il se livre, il a voulu observer par comparaison, et vérifier, si le "geste" d’Obama à propos de Cuba relève toujours de ce qu’il appelle justement la "mentalité impériale", ou si ce geste la renouvelle, et dans quelle direction.

Je rappelle au passage qu’il est un peu facile de présenter les intellectuels, et notamment les universitaires, comme des "purs produits" de ceci ou de cela ; on les réduit à un contexte, et on omet le fait essentiel qu’ils ont une biographie, des activités et des domaines d’intérêt variés, et qu’ils sont eux-mêmes aussi des producteurs. Les universitaires ont toutes sortes de défauts qui se prêtent à la caricature, mais ils ont une vertu que ne possèdent pas les autres catégories : ils font (les vrais) de la recherche fondamentale, ils tendent à faire progresser la méthodologie de leur discipline, et par là-même, la pensée en général. Le plus souvent, les parleurs médiatiques ignorent leurs travaux, les pillent ou les grappillent sans les connaître, par vagues opinions et stéréotypes interposés. En sciences humaines notamment, un chercheur sérieux est contraint et forcé d’être inter- ou pluri-disciplinaire, tout en étant un spécialiste. C’est particulièrement vrai en histoire et en linguistique. En élaborant ses propres documents, il produit de nouvelles manières de regarder et d’interpréter le réel, il rend plus agile et plus approfondie la compréhension générale des divers langages, savants ou courants, des divers textes discursifs ou narratifs. Il permet aussi d’approfondir et de préciser des théories déjà existantes, quant à la connaissance et à la description du réel. Notons que la posture anti-universiaire nourrit souvent un ouvriérisme borné, et favorise toujours, dans l’opinion, les projets de mise au pas des universités, et donc des étudiants, de la jeunesse, à coups de restrictions drastiques et de privatisations.

L’histoire des mentalités est un courant de recherches un peu passé de mode et controversé, à la suite de débats entre historiens, mais qui mériterait pourtant d’être réhabilité, vu la fécondité des travaux auxquels il a conduit, par exemple en histoire ancienne, avec ceux de J-P. Vernant, P. Vidal-Naquet ou P. Lévêque. Nous voyons ici Chomsky, à partir de la déclaration d’un "journaliste libéral", passer en revue des exemples de subterfuges, faux-fuyants, faux-semblants et déguisements divers dont a usé et use encore, pour rendre présentables et justifiables ses décisions, cette " mentalité impériale" dont il fait son objet d’étude. Il dénonce les "légendes" et les "contes de fée" auxquels a donné lieu la propagande ad hoc, notamment cet "âge doré" dont parle le journaliste cité, époque où (prétendument) "les Etats-Unis étaient un pays aimé partout dans le monde"(!!). Chomsky apporte ainsi un complément essentiel à l’étude générale de l’impérialisme, et plus particulièrement de l’impérialisme US, envisagé au travers de ses entreprises et aventures successives, et des "légendes" dont il les a accompagnées. Peu importe qu’il s’agisse de JFK ou d’Obama, le fond est toujours le même : God bless America. Prisonnier d’une démocratie truquée et de ses nécessités électorales, ligoté dans les exigences du Pentagone et soumis aux pressions des lobbies les plus puissants, notamment ceux des banques, du pétrole et de l’armement, que peut faire un président des USA ? Seulement paraître servir son idéal et tenir son rang, poor little thing.

On peut étudier l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme, économie, politique, géopolitique, finance mondialisée ; on peut étudier le pouvoir auquel il prétend sur l’info-com et les espoirs avides et luisants qu’il place en Google et Face-book ; on peut étudier aussi histoire et conscience de classe (voir Warren Buffet, un qui n’a pas froid aux yeux sur ce sujet !) . Il n’est donc pas inutile non plus d’étudier l’impérialisme en fonction de la subjectivité de ses agents et acteurs les plus exposés, de faire apparaître ce à quoi ils ont cru, croient ou ne croient pas, ce qu’ils essayent de faire croire, ce qu’ils considèrent comme un échec ou une victoire, par rapport à quel but, matériel ou "moral", et ce qu’ils identifient comme une demi-victoire ou un demi-échec, et pourquoi. Il faut bien connaître l’ennemi pour le combattre, et avant tout, pour être capable de détromper à son sujet ceux qui ont toutes les raisons de le combattre et qu’il parvient pourtant si facilement à tromper, en les imprégnant du sentiment de sa toute-puissance et de sa naturelle bonté. Telle est la cohérence et le but pragmatique de cette contribution de Chomsky, et il est clair que le "fatigué", ce n’est pas lui, c’est bien Obama.

30/12/2014 01:54 par Dwaabala

La guerre du Vietnam n’a pas été « un échec, une défaite américaine » comme elle est « décrite », mais « en réalité une victoire partielle » seulement. Sauf erreur de traduction, c’est ce que dit l’auteur, de son point de vue .« américain ».

Cependant, du point de vue vietnamien la victoire a certainement été totale, malgré les terribles destructions, car il s’agissait d’une lutte de libération nationale qui a abouti et non de transformer les USA en des « Philippines ».

« Mais les objectifs les plus importants ont été atteints, un peu comme dans le cas de Cuba. »

Du point de vue « américain » peut-être ; il n’en reste pas moins que du point de vue de l’indépendance nationale et de la lutte pour le socialisme à Cuba la victoire, sur une bataille, celle de la reconnaissance entre États, est également totale. Gageons qu’elle ne sera pas la seule.

Et qu’elles fourniront alors encore matière à de belles analyses non pas politiques donc, mais de « la mentalité impériale », et de démonstration pratique du fait que tout dépend du point de vue auquel on se place.

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