RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Le rôle diplomatique secret de Google dénoncé par Julian Assange

Dans un livre publié en septembre dernier, le fondateur de Wikileaks décrit en profondeur le rôle diplomatique joué très discrètement mais efficacement par Google, en particulier dans les pays arabes. Pour Julian Assange, Google est devenu une officine au service des intérêts américains, notamment grâce à sa filiale Google Ideas dirigée par Jared Cohen.

"Personne ne veut reconnaître que Google a beaucoup grandi et en mal. Mais c’est le cas". En septembre dernier est paru chez OR Books le livre When Google Met Wikileaks, écrit par Julian Assange. Le magazine Newsweek en publie cette semaine de très longs extraits, dans lesquels le fondateur de Wikileaks décrit avec minutie le rôle de l’ombre joué par Google dans la politique internationale des Etats-Unis. Le passage est véritablement passionnant, et mérite d’être lu. Il est étayé par des documents, dont beaucoup avaient fuité sur Wikileaks, qui donnent corps à l’analyse.

En résumé, Julian Assange estime qu’à travers l’action très politique de deux responsables de Google, son président Eric Schmidt et le beaucoup plus discret Jared Cohen, la firme de Mountain View est devenue une officine diplomatique au service des intérêts américains. Elle accomplirait une version modernisée du soutien qu’apportait la CIA aux dictateurs d’Amérique du Sud pendant la guerre froide. Il ne s’agit plus aujourd’hui de soutenir les régimes autoritaires contre les tentations communistes du peuple, mais de soutenir les rebelles contre les régimes autoritaires islamiques du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Déguisé sous des traits humanitaires, l’objectif fondamental reste toutefois le même : défendre le libéralisme économique et les intérêts stratégiques américains.

Le libéralisme économique étant perçu comme une résultante des droits de l’Homme, il suffirait de défendre la liberté d’expression, de faciliter la communication entre les hommes et de mettre en valeur toutes formes de libertés individuelles pour que le libéralisme économique s’impose de lui-même. A cet égard, Internet est une aubaine. On sait que l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) a ainsi financé un clone de Twitter à Cuba, ou tenté d’imposer des réseaux sociaux en Afghanistan, au Kenya ou au Pakistan.

Jared Cohen, l’homme de l’ombre des révolutions arabes

De son côté, Google a fondé Google Ideas, une structure méconnue dont l’agenda est exclusivement politique. Il s’agit de voir "comment la technologie peut permettre aux gens de faire face à des menaces en étant confrontés au conflit, à l’instabilité et la répression". L’organisation est dirigée par Jared Cohen, un ancien conseiller diplomatique de Condoleeza Rice et d’Hillary Clinton au ministère des affaires étrangères du gouvernement américain.

Selon sa fiche Wikipedia, Jared Cohen est un jeune spécialiste (33 ans) de l’anti-terrorisme, de la "contre-radicalisation", du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud, des libertés sur Internet, et de "l’encouragement à l’opposition dans les pays répressifs". Il fut considéré l’an dernier par TIME comme l’une des 100 personnalités les plus influentes, tandis que le New Yorker lui avait consacré dès 2007 un portrait élogieux, qui rappelle qu’il s’était rendu en Iran pour aider l’opposition dès ses jeunes années d’étudiant.

L’activité de Cohen au sein de Google Ideas lui a valu jusqu’aux inimités de Stratfor, l’officine privée très influente et proche du pouvoir dont les e-mails avaient fuité en 2011 sur Wikileaks, valant au pirate-informateur pas moins de 10 ans de prison. Ils voyaient l’activité diplomatique de Google comme une forme de concurrence.

Dans un courriel interne cité par Julian Assange, daté du 27 février 2012, le responsable aux renseignements de Stratfor avait parlé en ces termes d’un projet confidentiel de Jared Cohen de se rendre dans les semaines suivantes à la frontière entre l’Iran et l’Azerbaïdjan :

Google a le soutien et la protection aérienne de la Maison Blanche et du Département d’Etat. En réalité, ils font des choses que la CIA ne peut pas faire. Mais je suis d’accord avec toi. Il va se faire kidnapper ou se faire tuer. C’est ce qui pourrait arriver de mieux pour exposer le rôle secret qu’a Google pour faire mousser les soulèvements, pour être franc. Le gouvernement US pourra prétendre qu’il ne savait rien, et c’est Google qui tiendra le sac de merde.

Dans son livre, Julian Assange décrit par ailleurs toute une galaxie de fondations et associations qui sont directement ou indirectement liées à Google Ideas et à la diplomatie américaine, fondées ou rejointes par Jared Cohen. Parmi elles figurent Movements.org, créé par Cohen, qui a fusionné avec Advancing Human Rights. Or ce choix n’est pas neutre. AHR a été fondé par Robert Bernstein, qui a démissionné en 2010 de la prestigieuse association Human Rights Watch qu’il avait pourtant fondée. Il reprochait à HRW d’avoir été trop critique contre les violations des droits de l’homme par Israël. Par opposition, Advancing Human Rights ne s’intéresse donc qu’aux "sociétés fermées", fermant les yeux sur des régimes critiquables aux apparences plus démocratiques.

Un pouvoir d’influence sans précédent ?

De là à dire que Google Ideas protège aussi les intérêts israéliens en aidant à déstabiliser les puissances arabes voisines, il n’y a qu’un pas que Julian Assange prend garde de ne pas franchir. Il met toutefois en garde contre le pouvoir d’influence politique de Google, qui joue aussi bien sur des faits de société que sur des enjeux beaucoup plus stratégiques.

"Google est perçu comme une entreprise essentiellement philanthropique", écrit Assange. Mais, fait-il remarquer, si une entreprise militaire privée comme Academi (anciennement Blackwater) "avait un programme tel que Google Ideas, ça lui vaudrait un examen critique intense" auquel Google échappe, grâce à son image de bienfaiteur de l’Internet.

"Les aspirations géopolitiques de Google sont fermement mêlées dans celles de l’agenda des affaires étrangères de la plus grande superpuissance mondiale. A mesure que le monopole de Google sur la recherche et les services Internet s’accroît (...), son influence sur les choix et les comportements sur la totalité des être humains se traduit en un véritable pouvoir d’influer sur le cours de l’histoire".

Guillaume Champeau

»» http://www.numerama.com/magazine/31048-le-role-diplomatique-secret-de-...
URL de cet article 27265
  

Même Thème
Google contre Wikileaks
Julian ASSANGE
En juin 2011, Julian Assange reçoit un visiteur inhabituel dans sa petite maison de campagne anglaise en résidence surveillée de Ellingham Hall : le président de Google en personne, Eric Schmidt, venu tout droit de la Silicon Valley. Le général assiégé de WikiLeaks, la plus audacieuse entreprise d’édition insurrectionnelle connue à ce jour, et l’empereur d’Internet vont croiser le fer : du Printemps arabe aux bitcoins, et des solutions technologiques aux problèmes politiques, tout les oppose. La (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"La seule et unique raison pour laquelle certaines parties de la classe dirigeante n’aiment pas Trump, ce n’est pas parce qu’il ne défend pas leurs intérêts (il le fait), mais parce qu’il gère mal les événements et les récits d’une manière qui expose à la vue de tous la laideur de l’empire."

Caitlin Johnstone

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.