Les angles morts des médias et l’effet Mandela

Ce matin, je suis allé voir ma banquière. Oui, dit comme ça, ça fait Môssieur qui va échanger des amabilités avec sa gestionnaire de patrimoine. Disons qu’il fallait qu’on cause, ma banque et moi.

Au cours de la conversation, j’ai discrètement abordé le problème des transactions financières effectuées vers ou depuis Cuba. Et l’extraterritorialité des lois US. Sa première réaction, en entendant "Cuba" a été de dire "Ah oui, ça doit aller mieux, non, depuis la levée de l’embargo ?". C’est le genre de phrase qui fait sur moi le même effet qu’une pleine lune sur un loup-garou.

Je l’ai civilement (quand même) informé qu’au contraire, le blocus n’avait jamais été aussi sévère. "Et pourtant, m’a rétorqué l’effrontée, j’ai le souvenir qu’il avait été levé sous Obama". D’un geste souple, j’ai aussitôt dégainé un flacon de sels (que je garde toujours sur moi pour ce genre de situation) que j’ai respiré pour éviter de m’évanouir. Ayant repris mes esprits, j’ai rangé le flacon, ajusté ma perruque parfumée, et aussitôt refait son éducation.

Cela pourrait prêter à sourire si le cas était isolé. Mais c’est fou le nombre de personnes qui se "souviennent" que le président Obama avait "levé l’embargo". Archi-faux. Alors, d’où vient ce faux souvenir (appelé "effet Mandela") ?

Peut-être de certains articles de presse, tirés de dépêches de l’AFP, qui parlaient de la situation à Cuba "depuis la levée de l’embargo"... Peut-être d’un silence médiatique général sur les sanctions économiques les plus longues et les plus sévères (en termes d’impact) de l’histoire.

Ne pas voir un blocus - qui est par définition une punition collective donc une violation du droit international - qui dure depuis plus de 60 ans n’est qu’un des innombrables "angles morts" des médias occidentaux. Comme ils n’ont pas vu l’affaire Assange. Comme ils ne voient pas un génocide en cours.

Aux esprits occupés ailleurs, il ne leur reste alors plus qu’à remplir le vide avec... des "souvenirs", des impressions, des machins et des trucs. Des "droit de se défendre" et de "plus grande démocratie du Moyen-orient". Vous voyez ?

Ce qui me fait réitérer que ceux qui voient le monde à travers les médias dominants parlent d’un monde qui n’existe pas. D’où la difficulté de communiquer avec eux.

Lors de ma prochaine rencontre avec ma banquière effrontée, je crois bien que je vais lui parler de la Palestine.

Viktor Dedaj
amateur des faits qui secouent

COMMENTAIRES  

08/03/2025 19:43 par Zéro...

« Ce qui me fait réitérer que ceux qui voient le monde à travers les médias dominants parlent d’un monde qui n’existe pas. D’où la difficulté de communiquer avec eux. »

Ca me semble parfaitement pensé !

C’est particulièrement vrai au niveau international où l’inculture se mêle aux clichés et aux méticuleux bourrages de crânes médiatiques mais commence aussi à se répandre dans "l’analyse" politique de la France dont la vie s’étale pourtant devant nos yeux...

Les gens ont visiblement besoin qu’on réfléchisse pour eux, pourquoi pas si ça les tranquillise, mais ils pourraient reprendre la réflexion devant des évidences bafouées et pour défendre leurs intérêts !!

08/03/2025 21:10 par Vincent

ceux qui voient le monde à travers les médias dominants parlent d’un monde qui n’existe pas. D’où la difficulté de communiquer avec eux.

En effet. Quand je lis (parfois) les commentaires sous les articles du site de France Info, j’ai peur : Le conformisme (le sentiment d’appartenance au groupe) créé des monstres, qui reprennent en chœur la propagande qu’on leur sert, exactement comme une "foule haineuse" lyncherait un innocent sur un quiproquo ou un malentendu, pourvu que quelques-uns aient encouragé à la vindicte populaire.
Au moins Le Grand Soir préserve-t-il un espace où on peut remiser l’autocensure au placard sans trop craindre d’être pris pour un fou.
Chacun ses entre-soi ; et ses malgré-nous.

09/03/2025 09:52 par xiao pignouf

d’où vient ce faux souvenir (appelé "effet Mandela") ?

Un mensonge dure dans le temps soit parce qu’il a été répété ad nauseam et qu’on a fait taire toute réfutation, soit parce qu’il contient une part de vérité.

Ici, il s’agit de l’épisode dit du « dégel cubain », entre 2015 et 2017, lors duquel les relations entre Cuba et les EU se sont réchauffées et l’embargo s’est — légèrement — assoupli.

Ce que cachait ce revirement était probablement de l’ordre d’un changement de stratégie vis-à-vis du castrisme par la reconnaissance que la politique du blocus n’avait eu aucun effet sur son maintien au pouvoir.

Trump mit illico un terme à ces « gentillesses ».

09/03/2025 11:08 par legrandsoir

Trump mit illico un terme à ces « gentillesses ».

Trump a renforcé le blocus avec plusieurs centaines de nouvelles mesures.
Puis Biden a (re)mis Cuba sur la liste des pays qui "parrainent" le terrorisme - ce qui a des impacts énormes.
Puis Biden l’a retiré de la liste, juste avant la fin de son mandat.
Puis Trump l’a remis.
Puis Trump a ajouté des sanctions contre ceux qui font appel aux médecins cubains...
Un petit pas en arrière, deux pas en avant.

09/03/2025 10:21 par Jérôme Dufaur

"ceux qui voient le monde à travers les médias dominants parlent d’un monde qui n’existe pas. D’où la difficulté de communiquer avec eux." Cette phrase est terriblement juste. Et le pire est que cela vaut très largement.

J’ai pu entendre 2 personnes, de bonne foi, biberonnées aux médias dominants, vivant à 11 000 km l’une de l’autre et qui ne se croiseront jamais, dire exactement la même chose à propos de la situation en Ukraine : "Poutine est un fou dangereux qui a attaqué l’Ukraine sans raison". Autrement dit, recracher le storytelling dominant comme s’il s’agissait d’une parole d’évangile et sans avoir le moindre recul critique.

La question est donc : que faire ? (pour qu’ils ne voient plus le monde à travers les médias dominants et qu’ils commencent à le voir tel qu’il existe).

Apporter une réponse à cette question est très complexe.

Mais à ce qu’y paraît il y a des professionnels de la politique et du syndicalisme (plus ou moins temporairement soustraits à la nécessité de perdre sa vie à la gagner) dont c’est le boulot. Cruel euphémisme de constater que - quels qu’ils soient - ils ne font pas le boulot depuis très, trop, longtemps.

10/03/2025 14:56 par Zéro...

@ Jérôme DUFAUR,

Je me suis toujours interrogé sur l’étonnante constatation de trouver des gens, éloignés géographiquement, avec LEURS problèmes spécifiques et ne se connaissant pas, ayant les mêmes idées sur tout...

Je crois que c’est, naturellement, tout simplement impossible !

Ce ne peut être que le résultat d’un travail de sape, une manipulation de masse !!

Regardez, même ici, malgré un fond commun de Gauche radicale, nous parvenons à ne pas toujours nous entendre ; comment des gens qui n’ont RIEN en commun le pourraient-ils si quelque chose ne se tramaient pas à leur insu pour les pousser à avoir la même approche de tous les problèmes ?!!

11/03/2025 11:55 par CAZA

Déjà ça a été vu sur LGS .
Mais à revoir pour le plaisir des yeux et des oreilles .
Castro et Mandela à la Havane .
https://www.youtube.com/watch?v=i2UkQGTTqlI

Mandela fait la leçon à ceux qui se croient le centre du monde des droits de l’ Homme .
https://www.facebook.com/watch/?v=353825685065530

11/03/2025 15:17 par Ida

Merci pour vos mots justes, comme d’hab un article super.

(Commentaires désactivés)