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Les « Faits Fumeux » ne sont plus les cheminées d’usines

Dans son roman policier« Le Bibliothécaire », le romancier étasunien Larry Beinhart, définit « les Faits Fumeux » comme connus sans être connus. C'est à quelques-uns de ceux-ci qu'un simple amateur en économie, qui s'évente au milieu des microparticules médiatiques, s'intéresse ici.

Qu’est-ce que le capital financier ?

Le capitalisme a conduit à la concentration de la production avec, comme conséquence, les monopoles et à la fusion ou interpénétration des banques et de l’industrie. C’est là l’histoire primitive de la formation du capital financier et le contenu de cette notion.

Le capital financier n’est donc pas une valeur virtuelle, il a sa réalité enracinée dans la production.

L’idée de la « démocratisation » du capital financier

Il suffit de posséder une minorité des actions pour gérer les affaires d’une grande société anonyme (une très petite comprend au moins 7 membres et avance 37 000 euros de capital), car un certain nombre de petits actionnaires disséminés n’ont pratiquement aucune possibilité de participer aux assemblées générales.

La "démocratisation" de la possession des actions, dont les sophistes bourgeois et les opportunistes pseudo-social démocrates attendent (ou assurent qu’ils attendent) la "démocratisation du capital", l’accentuation du rôle et de l’importance de la petite production, etc., n’est en réalité qu’un des moyens d’accroître la puissance de l’oligarchie financière. C’est pourquoi, soit dit en passant, le législateur permet l’émission de titres d’un montant réduit.

L’état de fait

Mais le "système de participations" ne sert pas seulement à accroître immensément la puissance des monopolistes, il permet en outre de consommer impunément les pires tripotages et de dévaliser le public, car il existe des tas de possibilités de manœuvres et de manipulations par le biais des « filiales » pour que d’un point de vue formel, au regard de la loi, les dirigeants de la "société-mère" ne soit pas responsables de la filiale, considérée comme "autonome" et par l’intermédiaire de laquelle on peut tout "faire passer". Filiale dont dépendent une cohorte de sous-traitants.

Les « restructurations », ou pourquoi la « crise » n’est pas vécue par chacun de la même manière

Si, dans les périodes d’essor industriel, les bénéfices du capital financier sont démesurés, en période de dépression les petites entreprises et les entreprises précaires périssent, et les grandes banques "participent" soit à leur achat a vil prix soit à de profitables "assainissements" et "réorganisations". Dans l’"assainissement" des entreprises déficitaires, "le capital-actions" est abaissé, c’est-à-dire que les bénéfices sont répartis sur un montant moindre du capital, et calculés par la suite en conséquence. Ou encore, si les revenus sont tombés à zéro, on fait appel à un nouveau capital ; celui-ci, associé à l’ancien qui est de moindre rapport, devient dès lors suffisamment rentable.

La dette

La dette publique est la somme des déficits accumulés depuis des années.
À la fin du troisième trimestre 2012, la dette publique s’établit à 1 818,1 milliards d’euros. L’État seul accumulait 1 421,1 milliards d’euros de dette à cette date (78,1 % du PIB). Rappelons que les critères européens incitent les pays membres à ne pas dépasser 60 % du PIB.

Elle a été évaluée à la fin du quatrième trimestre 2013 à 1 925,3 milliards d’euros, soit 93,5 % du PIB. Elle dépasse officiellement les 2 000 milliards au deuxième trimestre 2014. Elle représentait 663,5 milliards d’euros à la fin de 1995, ou 55,5 % du PIB et avait atteint 1 211,6 milliards d’euros (64,2 % du PIB) à la fin de l’année 2007.

L’interpénétration du pouvoir de l’État et du capital financier

Pour rembourser la part de sa dette arrivant à échéance, l’État emprunte de l’argent sur les marchés financiers notamment par le biais d’obligations du Trésor (OAT) pour financer son déficit. L’argent nécessaire pour couvrir ces besoins est appelé le besoin de financement. C’est l’Agence France Trésor (AFT) qui gère la dette de l’État français.

En 2010, le besoin de financement de l’État était de 177,9 milliards d’euros dont 78,7 milliards d’euros pour le seul déficit budgétaire.

La France va emprunter 173 milliards d’euros (un déficit budgétaire de 70,6 milliards d’euros et rembourser 103,8 milliards de dette arrivant à échéance en 2014) sur les marchés à moyen et long terme en 2014, après une année 2013 au cours de laquelle ses coûts de financement ont atteint un plus bas historique.

La banque, la finance et la crise

Dans la crise des finances publiques, les banques sont mises en accusation ; à juste titre, car sans elles – et sans les politiques menées par les banques centrales – la dictature des marchés financiers n’aurait jamais pu s’instaurer. Bref, il est inutile de gémir, le pouvoir est là et nous rappellerons plus bas (bis repetita...) la vraie nature du capital financier.

Mais les banques ne détiennent qu’une partie des titres de la dette publique : les plus gros détenteurs d’obligations, publiques ou privées, sont les compagnies d’assurance et les fonds de pension (1 085 milliards d’euros pour les seules institutions françaises fin 2010), bien avant les banques (720 milliards d’euros pour les établissements de crédit français).

Les deux grands modes d’investissement, 1) la banque

En réalité, lorsqu’une entreprise veut réaliser un investissement en faisant appel à des ressources externes, elle a deux solutions pour se financer : auprès des banques, avec des emprunts à plus ou moins long terme.

Lorsque l’entreprise fait appel à une ou plusieurs banques, elle devra alors rencontrer leurs représentants, donner toutes les informations qu’elles demanderont sur sa situation financière, sur son marché, ses concurrents, ses perspectives de chiffre d’affaires, ses « coûts de production », bref tout ce qui permettra à la banque d’apprécier si le prêt qu’elle sollicite risque ou non de ne pas être remboursé.

Il en ira de même si l’emprunteur est une collectivité publique (un État, une région...). Il devra donner au banquier toutes les informations disponibles sur le potentiel économique de son territoire, l’évolution prévisible de l’activité économique qui s’y exerce, les facteurs qui influeront sur les recettes, les dépenses et donc l’ampleur du besoin d’emprunt qui comblera la différence entre les deux.

Ainsi, que l’emprunteur soit privé ou public, le métier du banquier est de bien connaître chacun des clients auxquels il aura à décider de prêter ou de ne pas prêter.

Les deux grands modes d’investissement, 2) Les marchés financiers

Sur les marchés financiers ( achat/vente de titres), en contrepartie des liquidités obtenues, l’entreprise « émet » des titres (actifs financiers), qui sont, soit des titres de propriété (des actions pour les sociétés), soit des titres de créance...

Sur les marchés financiers, la règle est d’acheter et de vendre des titres instantanément en fonction des perspectives de hausse ou de baisse de chacun d’eux, telles qu’elles ressortent des tendances du marché : pas question de passer du temps à étudier la situation de chaque émetteur de titres. Cela, c’est le travail des agences de notation que l’on paye précisément pour donner aux marchés l’information qui leur manque sur le risque de défaut des emprunteurs.

Cette façon de procéder répond à une exigence très précise : sur les marchés financiers, aucune considération ne doit interférer avec le seul critère qui intéresse le capital, à savoir la rentabilité de chaque placement, c’est-à-dire le profit attendu pour chaque dollar ou euro investi.

Le régime du capital financier, ou des marchés

C’est ce mécanisme qui fait des marchés de titres un outil si puissant pour imposer le règne de ce critère dans toute la vie économique et sociale. Il en est ainsi parce que les fonds qui circulent sur les marchés financiers sont, d’emblée, du capital préalablement accumulé à la recherche de taux profits records.

Les traders ont pour mission de placer, là où ils seront le plus rentables :
. soit des profits réalisés par des entreprises ou des institutions financières,
. soit des fortunes privées (résultant elles-mêmes d’une accumulation préalable de capital),
. soit une épargne que des organismes financiers (fonds de placement, fonds de pension, banques...) transforment en capital à la recherche de la rentabilité maximale.

Louange (modérée) des banques et exécration des marchés financiers

Il ne faut pas confondre les banques et les marchés financiers – sinon il devient impossible de trouver des moyens d’échapper aux griffes de ces derniers. C’est l’objectif que se sont fixé certains stratèges.

Les banques ne se contentent pas de transférer une épargne préalable vers des placements.

Elles ont le pouvoir de créer, à partir de rien, la monnaie qui figure sur les comptes de leurs clients. Dès que la décision de faire crédit à une entreprise, à un particulier ou à un État est prise, la somme correspondante peut être dépensée.

La monnaie ainsi créée sera détruite quand le crédit sera remboursé, mais entre-temps elle aura servi, si tout va bien, à payer des équipements, des matières premières, des salaires, et donc à créer des richesses. C’est-à-dire, rappelons-le, à tirer la plus-value du travail salarié.

Ou bien elle aura seulement servi spéculer, à acheter des titres financiers et à faire gonfler leur prix : c’est là la source de la crise financière actuelle. C’est dire l’importance cruciale du pouvoir des banques, et les conséquences énormes des décisions qu’elles prennent lorsqu’elles sélectionnent les bénéficiaires de leurs crédits.

Dans le premier cas l’extorsion de la plus-value est considérée aujourd’hui comme « normale », dans le second cas elle est plus rapide, à risque accru, considérée comme « pathologique » par les mêmes... mais en attente d’un profit supérieur.

En résumé

Les différences entre les deux formes de financement qui peuvent être obtenues de chacun des deux secteurs du système financier.

1. Les marchés financiers ne mettent à la disposition de l’économie qu’un capital préalablement accumulé, tandis que les banques créent ex nihilo l’argent qu’elles mettent à la disposition de leurs clients.

2. Les marchés financiers mettent en relation des acteurs qui ne se connaissent pas entre eux : les entreprises et les États ne savent pas qui les finance, tandis que les traders n’ont pas de relations directes avec les émetteurs des titres qu’ils vendent et qu’ils achètent.

À l’inverse, les banques, pour se protéger du risque qu’elles prennent en prêtant à leurs clients, mobilisent tous leurs moyens pour échanger avec eux beaucoup d’informations.

3. Ainsi, les marchés financiers sont en quelque sorte des institutions conçues, par principe, pour interagir très peu avec leur environnement économique et social ; c’est tout le contraire en ce qui concerne les réseaux bancaires et leurs centaines de milliers de salariés.

4. Il résulte de tout cela que le capital qui circule sur les marchés financiers ne peut pas fonctionner autrement qu’en réclamant la rentabilité maximale, tandis que les banques peuvent être sensibles à toute la complexité – financière mais aussi économique, technologique, sociale, politique – de la situation des entreprises et des collectivités à qui elles prêtent, et des milieux dans lesquels elles exercent leur activité.

5. Par nature, les marchés financiers ne peuvent donc pas être « moralisés » ou rendus sensibles à des préoccupations autres que la recherche de la rentabilité maximale.

Les banques, elles, peuvent être sensibles à des pressions sociales ou politiques. On peut même dire qu’elles exercent un véritable service public, et c’est pourquoi il n’est pas rare qu’elles soient placées sous un statut public ou mutualiste.

Une « stratégie de transformation sociale radicale » et sa critique en guise de conclusion

Il se dit ici et là, à gauche, qu’il résulte de ce qui vient d’être dit une conséquence importante pour toute stratégie de transformation sociale radicale : si l’on veut s’attaquer au pouvoir des marchés financiers, c’est en s’attaquant aux critères de financement des banques qu’on peut y arriver.

C’est en imposant une autre orientation du crédit, par les luttes, les rapports de forces et leur traduction dans des institutions nouvelles (fonds régionaux, pôle financier public, changement du statut et des missions de la BCE...), qu’on peut ouvrir une brèche dans la forteresse de la finance.

Il s’agit donc d’attaquer la place-forte à son endroit le mieux défendu par le capital.

Il n’importe pas ici de tout rejeter le tout de ce programme, mais d’observer que ceux qui avancent cette idée comme la panacée oublie simplement que la finance est déjà en amont, comme il l’a été rappelé en introduction, la fille de la fusion du capital bancaire et du capital industriel, et que les placements aventureux et spéculatifs des capitaux bancaires dans les marchés financiers ne sont pour eux qu’un retour aux sources.

D’ailleurs, les promoteurs de cette forme moderne de la lutte des classes reconnaissent eux-mêmes que la plus grande partie de la dette publique n’est pas entre les mains des banques, mais des fonds de pensions et des assurances. Que cette dette n’est donc pas concernée par les mesures qu’ils avancent.

Et plus grave, ce qui ne se dit pas, c’est qu’il ne s’agirait que d’une tentative d’aménagement dans le cadre du capitalisme, et non pas d’une prétendue « brèche ouverte » dans le système d’exploitation qui, lui, demeurerait intact et qui aurait tout loisir de repartir de plus belle.

En quelque sorte du rêve d’un retour au capitalisme du XIXe siècle.

C’est-à-dire que c’est la présentation sous une forme qui se voudrait encore révolutionnaire du renoncement des prolétaires à leur objectif fondamental de libération de la société entière au travers de leur propre émancipation : c’est leur tendre le plat de lentilles contre lequel ils sont invités à renoncer à leur droit d’aînesse.

Ce n’est pas sur ces chemins que les pères du socialisme révolutionnaire conduisaient les masses exploitées.

Il n’est pas étonnant que cette perspective n’enthousiasme ni ne mobilise guère ces dernières dans les « luttes » et l’institution de « nouveaux rapports de forces ». Et ceux qui ne mordent pas à l’esche ne sont pas forcément les plus bêtes.

Mauris Dwaabala

Sources :
- Denis Durand, Lettre du Rapse
- Lénine, L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme.
- PCF Seine-Saint-Denis, Economie : Comprendre la crise : la différence entre banques et marchés financiers
INSEE : À la fin du deuxième trimestre 2014, la dette publique s’établit à 95,1 % du PIB.
Les Échos

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