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Les super-riches sabotent les révolutions arabes (Countercurrents)

Pendant que les révolutions balaient le monde arabe et s’enflent en Europe, des vieux tyrans ou des gouvernements discrédités s’accrochent au pouvoir de toutes leurs forces. La situation est extrêmement grave : le statu-quo économique et politique vit une crise profonde. Si les mouvements pro-démocratiques et anti-austérité sortent victorieux, ils auront un problème immédiat à résoudre — comment financer leur vision d’un monde meilleur. Ce qui se passe jusqu’ici en Egypte ou en Grèce prouve suffisamment que l’argent a de l’importance. Les nations riches qui tiennent les cordons de la bourse peuvent encore influencer le cours des événements à distance en imposant des conditions humiliantes aux pays qui vivent un profond bouleversement social.

Cette stratégie est appliquée impitoyablement dans le monde arabe. Prenez par exemple l’Egypte où les USA et l’Europe soutiennent discrètement la dictature militaire qui a remplacé le dictateur Hosni Moubarak. Ce sont maintenant les généraux de Moubarak qui dirigent le pays. Le peuple d’Egypte, cependant, veut toujours un vrai changement, pas une simple redistribution des postes au sommet ; Une vague de grèves et de manifestations de masse testent le pouvoir de la nouvelle dictature militaire.

Une vague de grèves signifie que les Egyptiens veulent de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail ; d’ailleurs les opportunités économiques étaient une des revendications principales de ceux qui ont fait tomber Moubarak. Mais les révolutions ont tendance à avoir un effet temporairement négatif sur l’économie d’une nation. Cela est dû en grande partie au fait que ceux qui dominent l’économie, les riches, font de leur mieux pour saboter toute velléité de changement social.

Un des aspects qui caractérise les révolutions est l’exode des riches qui craignent avec raison que leur richesse ne soit redistribuée. On a coutume d’appeler ce phénomène "fuite des capitaux". Par ailleurs, les riches investisseurs étrangers cessent d’investir dans un pays révolutionnaire car ils ne peuvent pas savoir si l’entreprise dans laquelle ils investissent restera privée ou si le gouvernement adoptera la stratégie du défaut de paiement pour ne pas rembourser les investisseurs étrangers. Enfin les travailleurs demandent de meilleurs salaires pendant les révolutions et beaucoup de propriétaires -parmi ceux qui ne se sont pas enfuis- préfèrent fermer leurs entreprises que de faire de petits profits. Tout cela nuit à l’économie dans son ensemble.

Selon le New York Times :

"La révolte [égyptienne] qui a duré 18 jours a stoppé les investissements étrangers et a décimé l’industrie essentielle du tourisme... La révolution a provoqué des nouvelles revendications pour plus d’emplois et de meilleurs salaires qui se heurtent rapidement à la diminution de la capacité économique.... Les grèves des travailleurs qui demandent leur part du butin de la révolution continuent à entraver l’industrie..... Les principaux détenteurs de capitaux du pays ont été arrêtés ou se sont enfuis ou ont trop peur de s’investir dans quoi que ce soit...."

Conscientes de cette dynamique, les riches nations du G8 l’exploitent de leur mieux. Sachant que les gouvernements qui émergeront des révolutions arabes auront un urgent besoin de liquidités, le G8 leur fait miroiter 20 milliards de dollars attachés à une ficelle. La ficelle en questions est l’exigence que les pays arabes continuent les politiques de "libre échange" c’est à dire les réformes favorables aux affaires comme les privatisations, la suppression de subventions sur l’alimentation et l’essence et un meilleur accès à l’économie des banques et entreprises étrangères. Un autre article du New York Times traite de ce sujet sous un titre trompeur : "Promesse d’aide du groupe des 8 pour soutenir les démocraties arabes" :

"La démocratie, ont affirmé les leaders [du G8], ne peut s’enraciner que dans des réformes économiques qui créent le libre échange... Les [20 milliards de dollars] promis ne sont pas un chèque en blanc", a dit le président Obama, mais "une somme maximum qui ne sera entièrement versée que si les réformes |économiques] adéquates sont engagées." (28 mai 2011).

La politique du G8 envers le monde arabe est donc la même politique que le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale ont mené contre les nations les plus faibles qui ont eu des problèmes économiques. Le remède est presque pire que la maladie car les réformes vers le "libre échange" aboutissent toujours au siphonage de la richesse nationale par toujours moins de personnes ; les privatisations des services publics enrichissent sans cesse les plus riches pendant que la destruction des services sociaux appauvrit sans cesse les plus pauvres. De plus la porte ouverte aux investisseurs étrangers se transforme en bulle spéculative qui finit inévitablement par exploser et alors les investisseurs fuient le pays dont l’économie est dévastée. Ce n’est pas par hasard que de nombreux anciens "bénéficiaires" du FMI après avoir remboursé leur dette ont dénoncé leurs bienfaiteurs en se jurant de ne jamais y revenir.

Les pays qui refusent les conditions imposées par le G8 ou le FMI se privent donc des capitaux dont n’importe quel pays aurait besoin pour subsister et se développer pendant un bouleversement social. Les pays riches sont victorieux dans tous les cas : que le pays pauvre se laisse pénétrer économiquement par les entreprises occidentales ou que le pays pauvre se retrouve économiquement et politiquement isolé, sanctionné et utilisé comme un exemple de ce qui arrive aux pays qui tentent de se développer dans une perspective non-capitaliste.

De nombreux pays arabes suscitent particulièrement la convoitise des entreprises étrangères avides de nouveaux secteurs d’investissement car ils possèdent d’importantes industries étatiques pour aider les populations laborieuses, une tradition qui remonte au président socialiste égyptien Gamal Abdel Nasser et qui s’est répandue dans tout le monde arabe. Si l’Egypte devient la victime d’une folie furieuse de privatisation, les travailleurs égyptiens devront payer plus cher la nourriture, l’essence et autres produits de base. C’est la raison pour laquelle, en plus du pétrole, beaucoup d’entreprises étasuniennes aimeraient envahir l’Iran.

Le tumulte social dans le monde arabe et en Europe a mis en lumière la domination des riches investisseurs et des riches multinationales sur la politique des nations. Partout en Europe on examine des "plans de sauvetage" pour les nations les plus pauvres qui ont des difficultés économiques. Les termes de ces prêts spéciaux sont drastiques et n’ont qu’un seul but, produire le maximum de profit. En Grèce par exemple, tout le monde est conscient que les prêteurs sont motivés par leur seul intérêt quand ils aident a créer un mouvement social qui pourrait atteindre les proportions de celui des pays arabes. Selon le New York Times :

"le nouveau [plan de sauvetage de la Grèce], cependant ne sera mis en place que si davantage de mesures d’austérité sont introduites.... En plus d’une progression plus rapide des privatisations, l’Europe et le Fond [FMI] ont exigé que la Grèce supprime des postes dans le secteur public et ferme les services qui ne sont pas rentables." (1er juin 2011).

Le même phénomène se produit partout en Europe, de l’Angleterre à l’Espagne les travailleurs apprennent qu’il faut réduire drastiquement les programmes sociaux, supprimer les emplois publics et privatiser les industries d’état. Les USA sont aussi en ligne de mire des "détenteurs vigilants de bonds du Trésor" [riches investisseurs] qui les menace d’arrêter d’acheter de la dette étasunienne si la sécurité sociale, Medicare, et autres services sociaux ne sont pas supprimés.

Jamais auparavant l’économie de marché de la planète n’a été si horriblement affectée, détournée et dominée par les super-riches. La prise de conscience croissante de cet état de fait ne peut pas être facilement récupérée par les promesses de "démocratie" des politiciens puisque la démocratie est précisément le problème : une toute petite minorité de super-riches exercent une dictature grâce à leur immense richesse sur les gouvernements et menacent ceux qui ne font pas tout ce qu’ils veulent. Les gouvernements dociles reçoivent de l’argent et les gouvernements indépendants en sont privés et les médias occidentaux ne remettent jamais en questions les soudaines volte-face politiques qui transforment en un instant un allié de longue date des USA en un "dictateur" et vice-versa.

Le renversement des dictateurs du monde arabe a immédiatement soulevé la question "Et maintenant quoi" ? Les demandes économiques des travailleurs ne peuvent pas être satisfaites tant que des multinationales géantes dominent l’économie parce que des salaires plus élevés signifient moins de profit pour les multinationales et de meilleurs services sociaux nécessitent que les riches paient plus d’impôts. Ces conflits fondamentaux sont à l’arrière-plan des soulèvements sociaux partout dans le monde ; ils sont arrivés à maturité avec la récession mondiale et continueront à dominer la vie sociale dans les années à venir. A l’issue de cette longue lutte nous verrons quel type de société émergera de l’agitation politique, nous verrons si elle répond aux revendications des travailleurs ou si elle sert les intérêts des riches investisseurs et des multinationales.

Shamus Cooke

Pour consulter l’original : http://countercurrents.org/cooke200611.htm

Traduction : Dominique Muselet

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