Mardi 28 octobre au soir, des dizaines de milliers de manifestants ont pris possession des rues de la capitale hongroise, Budapest. C’est la deuxième manifestation massive en trois jours (dimanche 26 plus de dix mille personnes avaient manifesté également). Les manifestants s’opposent à un projet de loi du gouvernement conservateur de Viktor Orban qui prétend mettre en place une taxe sur l’utilisation d’internet. La contestation de cette loi semble être en train de jouer un rôle de canalisateur d’un mécontentement social plus profond contenu depuis des années au sein de la société hongroise.
D’après cette nouvelle loi, les fournisseurs d’internet et leurs clients devront payer une taxe de 0,50 euros par gigaoctet téléchargé. Cela a provoqué la rage de la population, notamment parmi les jeunes. C’est comme ça que l’on a organisé rapidement une manifestation dimanche dernier devant le ministère de l’économie et le siège du parti d’Orban, la FIDESZ.
Plus de 10 000 personnes y ont pris partie. Les manifestants scandaient « Internet libre, Hongrie libre » mais aussi des slogans contre le gouvernement.
Face au mécontentement populaire, le gouvernement avait essayé de désamorcer la mobilisation en annonçant quelques concessions : la taxe serait limitée à 2,3 euros par mois et par internaute. Mais cela n’a pas été suffisant et les manifestants ont repris la rue mardi soir, encore plus nombreux. Certains parlent de près de cent mille participants. Des manifestations ont eu lieu également dans 8 autres villes du pays. Ils exigent l’abandon du projet de loi. Regrettablement après la manifestation de mardi soir, aucune prochaine date de manifestation n’a été prévue dans les prochains jours.
D’après Orban, cette taxe est fondamentale pour combler les trous du budget 2015. En effet, la Hongrie est l’un des pays de l’UE les plus endettés et avec cette nouvelle taxe le gouvernement compte récolter 65 millions d’euros.
L’UE et les Etats-Unis contre Orban
Dans les manifestations on n’a pas seulement noté la présence de responsables de partis politiques bourgeois d’opposition, on a aussi remarqué la présence de hauts fonctionnaires impérialistes comme Andre Goodfriend, chargé d’affaires de l’ambassade étasunienne en Hongrie. L’UE de son côté a dénoncé le projet de loi à travers de sa commissaire aux nouvelles technologies, Neelie Kroes.
En effet, depuis quelques années les relations entre Viktor Orban et l’impérialisme sont pour le moins « compliquées ». Ses politiques économiques « hétérodoxes » ne plaisent pas vraiment aux fonctionnaires de l’UE et du FMI. En outre, depuis qu’Orban est arrivé au pouvoir, il a mis en place toute une série de réformes politiques qui, entre autres choses, limitent certaines libertés démocratiques.
Evidemment, ces mêmes fonctionnaires ne déploient pas la même énergie pour dénoncer les attaques contre les travailleurs et les classes populaires (restriction du droit de grève, travail forcé pour les chômeurs, stigmatisation du peuple rrom, criminalisation des SDF).
Ce qui a provoqué ces nouvelles tensions entre le gouvernement hongrois et les dirigeants impérialistes, c’est le rapprochement politique et économique de la Hongrie avec la Russie, ce qui au milieu des frictions avec Poutine ne plait pas à l’impérialisme. En effet, Viktor Orban déclarait en août dernier que la démocratie libérale « avait fait faillite » et qu’il voulait transformer la Hongrie en un régime « illibéral » prenant comme modèle la Turquie et notamment la Russie et la Chine.
Des brèches dans « l’orbanisme » et des opportunités pour les classes populaires
Malgré cette tentative des impérialistes et des politiciens bourgeois locaux de contrôler la contestation, cette mobilisation commence à révéler peut-être certaines brèches dans le régime « orbaniste ». En effet, malgré son écrasante victoire aux dernières élections municipales, la forte abstention (57%) montrait déjà certaines faiblesses.
Depuis quelques années, V. Orban a effectué un tournant bonapartiste, avec un discours droitier et nationaliste, qui dans certains aspects rentrait en contradiction avec des intérêts impérialistes. Son discours sur la défense des « intérêts nationaux », avec l’objectif de créer une sorte de « capitalisme magyar », se combine avec une orientation politique et économique profondément antipopulaire.
Face à la crise politique de l’opposition bourgeoise, qui quand elle était au pouvoir a dirigé le pays d’une façon non moins antipopulaire, et au manque d’alternatives propres, c’est plutôt le désenchantement avec la politique officielle et l’apathie qui se sont répandus parmi la société hongroise. Les taux élevés d’abstention et la croissance du parti xénophobe et ultraréactionnaire Jobbik sont, à leur manière, une expression de cela.
Cependant, ces mobilisations pourraient être en train de marquer un début de nouvelles perspectives pour les classes populaires à travers la lutte directe dans les rues. Un recul du gouvernement pourrait en effet donner une nouvelle force à l’action directe des masses en Hongrie et leur redonner confiance en leurs forces.
28/10/2014.