Arrêtée le 29 août 1936 par les fascistes qui tendirent une embuscade à la voiture qui la conduisait...

Ne fusillez pas la mémoire de Renée Lafont

(Cet article a été publié le 25 janvier et remis en ligne ce jour avec un complément- LGS)

Le corps de la journaliste française Renée Lafont, fusillee le 1er septembre 1936 par les franquistes, doit être exhumé et rapatrié en France, avec les hommages dus à son engagement antifasciste.

Adresse au président Emmanuel Macron suivie d’une pétition).

Monsieur le Président,
La journaliste française Renée Lafont, intellectuelle de gauche, romancière (L’appel de la mer, Les forçats de la volupté...), polyglotte et traductrice (notamment du grand romancier espagnol Vicente Blasco Ibañez, auteur lui-même en 1925 de l’essai Ce que veut la République espagnole, et de Alphonse XIII démasqué, la terreur), était également l’une des meilleures hispanistes de son époque. Fusillée par les franquistes au lieu-dit cordouan « Arroyo del moro » le premier septembre 1936, alors qu’elle avait 58 ans ; selon des témoignages convergents, elle gît dans une fosse commune de l’un des cimetières de Cordoue où sont ensevelis plusieurs centaines de républicains « disparus » (plus de 2 000), que leurs noms soient répertoriés ou pas, essentiellement des ouvriers agricoles, des prolétaires, assassinés par les franquistes dans le cadre de leur « croisade » d’extermination contre « l’anti-Espagne ». Que fait le gouvernement français pour sortir de l’oubli et de sa fosse Renée Lafont ? Imaginons une seconde que le corps ne soit pas celui d’une « rouge », ou se trouve dans des pays « amis de la France », violeurs des droits de l’homme, et avec lesquels vous entretenez pourtant des relations fort amicales... Vous seriez déjà en campagne de « comm’ ».
 
Monsieur le Président,
L’exhumation du corps de Renée Lafont devient aujourd’hui un enjeu humain et politique incontournable pour la France tout comme pour l’Espagne. Vous ne pouvez cautionner plus longtemps l’oubli délibéré de ce symbole de valeurs humanistes universelles, ainsi que les plus de 115 000 républicains encore recouverts de terre et d’amnésie imposée... S’agirait-il pour les gouvernements français et espagnol d’étouffer un cas « encombrant », parce qu’il rappelle les origines sanglantes du régime espagnol actuel ? Et, au passage, celles du Parti populaire, héritier du franquisme, et d’une monarchie illégitime, poutre maîtresse d’une « transition » sans rupture avec la dictature ? Renée Lafont dérangerait-elle les uns et les autres ?
 
Un collectif, des associations en France et en Espagne, à Bordeaux(animé par José Garcia), à Cordoue, et ailleurs, des militants des droits de l’homme, de la mémoire, entendent faire de l’exhumation de Renée Lafont un puissant symbole de féminisme, de liberté, d’exigence de justice, de vérité, de réparation, et au-delà, un symbole collectif d’engagement antifasciste. Ils multiplient les initiatives, les appels... Ils frappent aux portes de la France... mais sans être entendus. Les gouvernements français successifs semblent avoir d’autres « priorités ».
 
Monsieur le Président,
Renée Lafont est née à Amiens, le 04 novembre 1877. Son père, professeur, était originaire de Bayonne. Encartée à la SFIO (Paris), journaliste au « Populaire » de Léon Blum, elle se trouvait en reportage pour le compte du journal socialiste français. Elle est considérée comme la première femme journaliste assassinée lors d’une guerre. Elle fut arrêtée le 29 août 1936 par les fascistes qui tendirent une embuscade à la voiture qui la conduisait. Elle couvrait alors les combats de Cordoue ; les franquistes la traduisent, blessée, devant un « tribunal » militaire qui la condamne à mort pour avoir fait seulement son travail, et manifesté, selon l’accusation, des « sympathies républicaines ». On trouva sur elle des documents portant la faucille et le marteau. Elle était, selon certaines archives, en contact avec Marcel Martinet, qui fut dans les années 1920, l’un des responsables de l’Humanité. D’après des versions mensongères, « elle n’aurait pas survécu à ses blessures ». Or, on sait aujourd’hui qu’elle fut bel et bien fusillée.
 
Monsieur le Président,
Ne fusillez pas sa mémoire. Prenez sans délai les dispositions nécessaires pour que son corps soit exhumé du cimetière cordouan de « La Salud » et rapatrié en France avec les honneurs qui lui sont dus.
 
Recevez, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

Jean ORTIZ

Chroniques Latines dans l’Humanité. Jeudi, 25 Janvier, 2018.
« Les chroniques Latines de Jean Ortiz portent un regard loin des clichés sur les luttes de libération du continent sud-américain... Toujours un oeil vif sur l’Espagne et les enjeux sous-jacents du quotidien... » (L’Humanité).

LA PETITION :
https://www.mesopinions.com/petition/politique/journaliste-francaise-fosse-commune-espagne-1936/39169

 https://www.humanite.fr/blogs/ne-fusillez-pas-la-memoire-de-renee-lafont-649355

COMMENTAIRES  

26/01/2018 11:46 par Ellilou

Merci Monsieur Ortiz de m’avoir présenté cette femme remarquable. Des femmes dans la guerre d’Espagne il y en a eu beaucoup et des courageuses, des fortes qui pourraient être des modèles fantastiques pour toutes nos filles aujourd’hui (bien plus que les pseudo-féministes hollywoodiennes dont je me garderai bien de citer les noms...). Jusqu’à présent j’avais un immense respect et une grande tendresse pour la photographe Gerda Taro, morte à 26 ans près de Brunete le 26 juillet 1937 en couvrant la bataille. Grâce à vous Renée Lafont la rejoint. Quant aux suites que donnera le président à cette belle lettre, je doute fort qu’elles seront positives, mais allez savoir, histoire de teinter d’un bien opportuniste rosâtre son action il serait bien capable d’y accéder.
Je profite de cette occasion pour bien modestement vous dire toute ma reconnaissance pour votre magnifique livre "Vive Le Che !"

06/02/2018 15:09 par Fald

Même Wikipédia s’en est aperçu :

"Mais son nom sera cependant beaucoup moins médiatisé que ceux de ses homologues masculins. La raison a parfois été avancée qu’il s’agissait d’éviter une crise diplomatique franco-espagnole, Renée Lafont écrivant dans le journal de Léon Blum, alors chef du gouvernement français."

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