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Nelson Mandela : le bal des faux-culs (ou l’art de pisser sur les tombes).

Il y a des scènes qui m’ont toujours parues insupportables. Une meute de hyènes qui poussent des glapissements autour d’une carcasse. Une bande du Ku-Klux-Klan qui encercle un malheureux noir. Une parade de clowns hystériques qui chaussent du 62.

Alors imaginez l’effet produit sur mon psychisme fragile par une meute de clowns hystériques qui poussent des glapissements autour du corps d’un noir.

En arrière plan, je me dis qu’ils ont de la chance que « Nelson Mandela » soit facile à prononcer et claque comme le nom d’un acteur américain. Je me demande ce que seraient devenus tous ces hommages s’il s’était appelé M’Bélé M’Bélé Kokonafumaleko (*).

Vous imaginez Laurent Fabius en train de tweeter « J’admirais d’autant plus M’Bélé M’Bélé Kokonafumaleko que la lutte contre l’Apartheid a été l’un des grands et constants engagements de ma vie. » ? Risible, n’est-ce pas ? D’abord parce que ça ne tient pas en 144 caractères (je viens de vérifier). Ensuite parce que personne de mon entourage n’a le moindre souvenir d’avoir croisé le dit Laurent Fabius dans les couloirs de la lutte contre l’Apartheid.

C’est marrant, mais je me souviens plus de son goût prononcé pour les carottes râpées et les pantoufles que pour son combat contre l’Apartheid. Mais pour être honnête, c’est déjà vieux tout ça et la mémoire peut faire défaut, d’autant plus que Laurent est typiquement le genre de mec qu’on a tendance à oublier. Malheureusement, il est aussi du genre à s’incruster, à insister, à revenir, à rappeler, à tirer sur ta manche pour attirer ton attention. Mais il est bien serviable. Ah ça, oui : lorsqu’il y a une énorme connerie à dire, Laurent se porte toujours volontaire. « Moi, moi ! Je peux la dire ? ». Oui, vas-y Lolo. « Eh ben, moi, ministre des affaires étrangères de la France, je pense que Assad ne mérite pas d’être sur terre ». Gentil, Lolo, gentil.

Et puis avec l’âge, on mûrit. On jette un œil attendri sur ses engagements naïfs du passé, et on passe à autre chose. C’est ainsi qu’en 1986, alors qu’il était Premier Ministre, Laurent Fabius a accordé l’asile politique à un certain Bébé Doc, dictateur fou et sanguinaire de Haïti, qui venait de faire tirer sur des écoliers. C’est d’ailleurs peut-être lui que Fabius confond avec Mandela. Oui, Laurent, ils étaient tous les deux noirs, je comprends ton désarroi.

Se déclarer admirateur de certaines valeurs incarnées par untel est une chose ; être porteur de ne serait-ce que quelques bribes de ces valeurs en est une autre.

En Juin 2003, dans le Nouvel Observateur, Laurent Fabius s’en était pris à Cuba en termes virulents et a cru bon de conclure par ceci : «  (…) Il faut que cesse l’étrange mansuétude envers Castro. (…) A Cuba aujourd’hui, comme hier au Chili et en Afrique du Sud, pays pour lesquels nous avons lutté, nous devons agir pour la solidarité et les droits de l’homme. La gauche - la vraie - en sortira grandie.  »

Ma réponse en 2003 avait été celle-ci :

« Mon très cher Laurent.

Tout d’abord, félicitations pour t’en être sorti sans encombres d’un des plus beaux scandales de la Vème République Française : celui du sang contaminé.

Félicitations aussi pour tes copains à la tête du Crédit Lyonnais qui viennent aussi d’être blanchis de tout soupçon de malversations dans un des plus grands scandales de la Vème République Française.

Ah, et félicitations aussi pour tes copains de parti dans l’affaire ELF, qui s’en sortent merveilleusement bien dans un des plus grands scandales de la Vème République Française.

(...)

Pour ton "come-back" politique, tu as choisi, comme toujours, d’arpenter une corde raide qui démontre ton sens du risque. Tu es un homme de convictions, Laurent, ne le nie pas. Tu as choisi, au lendemain de l’attaque en règle contre Cuba menée par l’Union Européenne, de nous pondre une petite pique contre Fidel Castro publiée par le Nouvel Observateur. Quel courage ! Quelle originalité ! Cherchant désespérément à te donner une image de ce que tu n’es pas et n’a jamais été, tu te lamentes de la "mansuétude" dont Fidel Castro fait l’objet. Sans doute pour essayer de te faire passer pour un courageux politicien qui "ose".

Critiquer Fidel est une chose, et c’est ton droit, mais affirmer que celui-ci fait l’objet d’une mansuétude relève d’un petit délire. Et pour te donner bonne conscience, tu t’attribues indirectement les luttes pour le Chili et contre l’Apartheid en Afrique du Sud. Deux pays en trente ans de métier ? Pas terrible, mon pote.

Cela dit, t’as raté là deux occasions, parmi d’autres, de fermer ta grande gueule.

Concernant l’Apartheid, ta connaissance de l’histoire semble être à la hauteur de tes connaissances économiques. La première visite effectuée à l’étranger par Nelson Mandela ne fut pas le siège du Parti Socialiste à Paris, mais la Place de la Révolution à La Havane.

Pour le Chili, Salvador Allende vomissait l’Internationale dont tu fais partie. Et l’une des rares avenues débaptisées à la Havane depuis la Révolution Cubaine s’appelle justement Salvador Allende.

Il y a de nombreuses manières d’aller pisser sur la tombe de Salvador Allende. Une d’entre elles est de réclamer LE multipartisme, LA liberté de la presse, LA démocratie à 150 km de Miami.

L’autre est de s’appeler Laurent Fabius et de se dire socialiste. »

Comme quoi, rien ne change. La constance dans la médiocrité intellectuelle de ce genre de personnage m’impressionnera toujours. Si seulement ils mettaient autant d’ardeur à s’instruire au lieu de courir après le pouvoir...

Du coup, nous revoilà en 2013, avec le même Laurent Fabius qui se recueille solennellement sur la tombe de Nelson Mandela. En guise d’habits de deuil, il s’est enveloppé du drapeau de l’Apartheid des temps modernes du régime sioniste au Moyen orient. On est membre du Parti Socialiste ou on ne l’est pas.

Peut-être le retrouverons-nous un jour penché sur la tombe d’un "Nelson Mandela" palestinien, en train de tweeter nonchalamment « J’admirais d’autant plus Marwan Barghouti que la lutte contre le sionisme a été l’un des grands et constants engagements de ma vie. » Mais Laurent Fabius n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, une sorte de premier de la classe des faux-culs.

Lorsque Barack Obama « visitait » jadis la cellule où fut enfermé Nelson Mandela, il était difficile de ne pas imaginer la lueur d’espoir (perdu) qui a du illuminer un instant le regard des prisonniers du centre de torture US de Guantanamo. Les Etats-Unis n’ont retiré le nom de Mandela de leur liste de « terroristes » qu’en 2008. A cinq ans près, la Maison Blanche aurait pu proposer de jeter son corps d’un hélicoptère quelque part au-dessus de l’Océan Indien.

Qui d’autre, me demandez-vous ? Ouf... Tous, n’importe lequel, choisissez au hasard, examinez ses prises de positions, ses actions, ses « engagements », ses « révoltes », sa « détermination », passés et présents. Comptez jusqu’à trois, puis explosez de rire.

Certaines vérités sont complexes, d’autres sont simples. En voici une de très simple : l’Apartheid a été soutenu, défendu et armé par tous ces clowns et leurs semblables. Et par l’incontournable état d’Israël, toujours du mauvais côté de toutes les barrières. Oubliés les complaisances, les complicités, les silences, les critiques contre les campagnes de boycott "contre-producives" des mouvements anti-Apartheid...

Oui, tous l’auraient laissé croupir et mourir, lui et la cause qu’il représentait, sans état d’âme particulier – et c’est exactement ce qu’ils avaient l’intention et étaient en train de faire si des hommes d’une autre trempe ne s’étaient pas mêlés à l’Histoire.

Absents de la photo officielle donc, sont les membres du Parti Communiste Sud-africain, de l’ANC, des mouvements anti-Apartheid partout dans le monde, du Parti Communiste et du Mouvement de la Jeunesse Communiste en France. Ou plus simplement du contingent de volontaires cubains (« noirs », car on a le sens du symbole à Cuba) qui se sont rendus dans une région qui n’était pas la leur et où ils n’avaient aucun intérêt mais seulement de l’empathie, pour une cause qu’ils auraient pu choisir d’ignorer. (**)

Puis les Cubains se sont discrètement retirés en n’emportant que leurs morts et le sentiment d’un devoir internationaliste accompli. (***) C’était les années 70 et la notion de guerre humanitaire venait d’être magistralement inventée et appliquée – mais personne n’avait pensé à prévenir Bernard Kouchner ou Bernard-Henry Lévy, clowns déjà célèbres à l’époque.

Alors, comme plusieurs internautes l’ont fait remarquer : prenons-les au mot, tous ces rendeurs d’hommage, et exigeons qu’ils appliquent eux-mêmes l’éthique et la morale dont ils chantent les louanges. Oui, qu’ils s’engagent contre l’Apartheid israélien, histoire de nous donner un avant-goût de ce dont ils sont capables (ou pas). Qu’ils traitent l’Arabie Saoudite et le Qatar selon les mêmes critères que l’Iran. Qu’ils cessent leur discours anti-terroriste doublé d’un soutien aux terroristes lorsque ça les arrange... Mon Dieu, que la liste est longue.

Oui, l’Apartheid est finalement tombé, mais malgré tous nos clowns, et malgré Israël. Oui, malgré eux, et pas grâce à eux.

Pour tous ceux qui se feraient encore des illusions, autant le savoir dès maintenant : ce sera aussi le cas pour tous les combats à venir.

Viktor Dedaj
« La chorale chante à tue-tête, mais elle chante faux »

(*) Cherchez pas, je viens de l’inventer.

(**) Nelson Mandela : "Je dois dire que lorsque nous avons voulu prendre les armes nous avons contacté de nombreux gouvernements occidentaux pour demander de l’aide et que nous n’avons jamais été en mesure de rencontrer plus que des subalternes. Lorsque nous avons visité Cuba, nous avons été reçus par les plus hauts responsables qui nous ont immédiatement proposé tout ce que nous voulions et avions besoin. Ce fut notre première expérience avec l’internationalisme cubain." - Discours du 26 juillet 1991 à la Havane

(***) Nelson Mandela : "Nous sommes venus ici avec beaucoup d’émotion. Nous sommes venus ici avec le sentiment d’une grande dette envers le peuple cubain. Quel autre pays peut se prévaloir de plus d’altruisme que celui dont Cuba a fait preuve dans ses relations avec l’Afrique ?" - - Discours du 26 juillet 1991 à la Havane


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