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« Nous aurions pu éviter la montée de Daech »

Mohsen Abdelmoumen : Dans votre livre « Staat van terreur, De jihadistische revolutie  » vous évoquez entre autres le printemps arabe et la genèse du conflit en Syrie avec l’émergence de différents groupes terroristes. Pourquoi, d’après vous, ceux qui ont profité du chaos qui a prévalu après le printemps arabe sont-ils les groupes terroristes ?

Dr. Pieter Van Ostaeyen : Dans les pays qui sont sortis des révolutions arabes dans le chaos absolu (Libye, Syrie), les groupes djihadistes ont profité de l’absence totale de contrôle par un gouvernement central et ont utilisé l’anarchie et le chaos pour constituer un réseau de soutien. En Syrie, on ne peut nier le fait que des djihadistes de longue date et bien connus ont été libérés des prisons d’al-Assad. Rappelez-vous qu’Assad a toujours dit qu’il combattait les terroristes, pas les rebelles. Ces djihadistes ont rapidement pris la tête de la rébellion avec pour conséquence la situation actuelle.

Vous avez écrit “The role of Belgian fighters in the Jihadification of the Syrian war from plotting early in 2011 to the Paris and Brussels attacks”. Pourquoi les djihadistes belges ont-ils eu un rôle aussi important dans le conflit syrien ?

Parce qu’il y en a tellement. Certains d’entre eux sont partis pour le Liban et/ou la Syrie avant même que les manifestations ne commencent en Syrie. D’autres hommes ont joué un rôle crucial dans le recrutement via les médias sociaux par exemple. Ensuite, nous avons la majorité du réseau derrière les attentats de Paris et de Bruxelles qui consistaient en des combattants belges.

Depuis les attentats de Bruxelles et de Paris, les services de renseignement ont-ils pris des mesures préventives pour contrer d’autres actes terroristes ou peut-on dire que le risque zéro n’existe pas ?

Des mesures ont été prises mais le risque zéro n’existe pas vraiment, j’en ai peur.

Qu’en est-il de la coopération des services de renseignement des pays européens entre eux et de leur coopération avec les services de renseignement hors Europe comme la Russie, la Syrie, l’Algérie, etc. ?

La coopération intereuropéenne est plus ou moins ok. La coopération avec le gouvernement syrien est inexistante à ma connaissance et je ne sais pas comment nous coopérons avec les Russes.

Vous êtes l’un des meilleurs experts européens en matière de terrorisme dont vous avez bien étudié le phénomène, à votre avis, comment régler le problème des returnees ? Faut-il juger les terroristes des pays occidentaux sur place dans les pays où ils ont commis leurs crimes, ou faut-il les rapatrier pour les juger ?

C’est un peu un dilemme. D’un point de vue humanitaire, nous devrions les rapatrier et les juger en tant que citoyens européens. D’un autre côté cependant, s’ils sont jugés en Syrie ou en Irak, nous en sommes débarrassés comme tout le monde le préfère.

Les mass-médias ne parlent pas beaucoup des djihadistes femmes ni des enfants soldats de Daech. Ne pensez-vous pas que ces deux catégories constituent des bombes à retardement, notamment ceux qui sont présents sur le sol européen ?

Oui, ils le sont en effet. Comme chaque combattant revenu.

Des sources évoquent le redéploiement massif des troupes de Daech vers la Libye. D’après vous, n’y a-t-il pas un risque d’embrasement et un déplacement des actes terroristes à court ou moyen terme dans tout le Sahel ?

Non seulement le Sahel restera le théâtre des groupes djihadistes, mais il est très probable que les restes de Daech retourneront dans les déserts d’Irak et de Syrie et reviendront à la tactique de l’insurrection terroriste.

Les pays occidentaux ont-ils appris les leçons de la lutte antiterroriste qui a été menée par le peuple algérien dans les années ‘90 et plus récemment par les peuples irakiens et syriens ?

Clairement non. La guerre en Syrie aurait pu être arrêtée il y a des années et nous aurions pu éviter la montée de Daech. L’exemple irakien n’est pas la meilleure vitrine d’ailleurs, car la montée de Daech a été facilitée en raison de la suppression des minorités sunnites par le gouvernement chiite.

Comment voyez-vous l’utilisation en toute impunité des réseaux cryptés comme Telegram ou des réseaux sociaux comme Twitter et Facebook par des groupes terroristes comme Daech ? Les réseaux sociaux ne sont-ils pas coupables de donner des espaces de communication à des groupes terroristes ?

D’une certaine manière oui, cependant je crois qu’il est préférable que nous sachions ce qui se passe réellement.

S’il y a une nécessité de combattre Daech et les groupes terroristes militairement, le combat n’est-il pas avant tout idéologique ? Comment voyez-vous le fait que des manuels de djihadistes circulent librement dans des pays européens ?

Il devrait être de nature idéologique, mais si l’idéologie de Daech n’est pas comprise, à quoi cela sert-il de la contrecarrer ? La propagande, comme les manuels djihadistes, sera toujours là. Je ne pense pas que nous puissions faire quoi que ce soit pour arrêter cela.

N’est-il pas nécessaire de s’attaquer aux sources financières du terrorisme en général et de Daech en particulier sachant que leur butin de guerre, d’après certaines sources, se trouve actuellement en Europe ?

Qu’entendez-vous par leur butin de guerre en Europe ? Daech a déjà considérablement perdu des ressources financières en raison de la perte de terres et d’influence.

Selon vous, quel est le moyen le plus efficace pour démanteler les cellules dormantes qui sont éparpillées entre autres sur le sol européen, surtout en sachant que la méthode d’infiltration est difficile à mettre en place avec des groupes terroristes endurcis et bien structurés ?

J’ai peur de ne pas savoir comment nous pouvons trouver, retracer et éliminer les cellules dormantes. Voyez par exemple ce qui s’est passé à Barcelone l’été dernier, c’est seulement du fait qu’ils ont fait exploser leur propre maison de gardiennage que quelque chose de beaucoup plus grand a été empêché de se produire.

Les médias de masse surtout mainstream jouent-ils leur rôle dans la lutte antiterroriste ou y a-t-il des carences et surtout une difficulté à traiter les sujets relatifs au terrorisme ?

Les médias traditionnels ne s’intéressent à la lutte contre le terrorisme que si des catastrophes surviennent (comme de grandes attaques). La situation sur le terrain dans la région MENA reste désespérément sous-estimée.

Ceux qui ont suivi la naissance de Daech ont remarqué qu’ils ont eu un effectif très important avec de milliers de terroristes issus de plusieurs nationalités. Comment se fait-il que depuis les offensives que ce soit de la coalition internationale ou des Russes, on n’a aucun chiffre des terroristes abattus et que ces milliers de terroristes ont disparu comme par enchantement ? Où est l’effectif de Daech d’après vous ? Sont-ils tous en Libye ?

Excellente question. Je suppose que la coalition internationale ne le sait pas non plus. Beaucoup ont été tués, quelques uns emprisonnés. Mais en effet qu’est-ce qui est arrivé avec le reste d’entre eux ? Est-ce qu’ils sont revenus ? Est-ce qu’ils sont allés en Libye ou au Sinaï ? Personne ne le sait.

Vous liez le phénomène du terrorisme avec l’échec des politiques d’intégration en Europe. On remarque que dans les attentats de Bruxelles comme de Paris, les terroristes sont issus de Molenbeek, quartier connu de Bruxelles. Comment expliquez-vous cela ?

Ce n’est pas seulement lié à l’échec de l’intégration. L’affaire Molenbeek est particulièrement intéressante puisque le réseau derrière les attentats de Paris et de Bruxelles provenait en grande partie du réseau derrière Zerkani, de sorte que ce réseau pourrait être décrit comme un réseau de gangsters-djihadistes. Ce n’est certainement pas seulement leur statut économique ou social qui a joué un rôle.

L’Europe ne doit-elle pas revoir sa politique à l’égard de l’Arabie saoudite et du Qatar qui sont à la fois les bailleurs de fonds et les géniteurs du terrorisme ?

Encore une fois, c’est une situation difficile car nous avons encore d’énormes intérêts économiques dans ces pays.

Quelles sont d’après vous les mesures les plus importantes à prendre en urgence par les gouvernements européens pour contrer le terrorisme ?

Investissements dans les capacités de recherche et de renseignement et tentative d’amélioration de l’intégration des nouveaux arrivants dans nos sociétés.

Certaines sources parlent d’une nouvelle organisation terroriste dont le nom est Khorasan. D’après vous, avec la perte du territoire, Daech est-il en train de se restructurer en se transformant en une organisation terroriste clandestine avec des réseaux dormants, un autre type de communication et des groupes éparpillés dans le monde, comme on le voit avec Al-Qaïda ?

Comme répondu plus haut : oui, en effet, ils reviendront à leurs vieilles tactiques

Vous êtes membre du Centre international pour le contre-terrorisme à la Haye et du European Policy Center. Peut-on connaître les missions exactes de ces organismes et vos rapports d’expert sont-ils pris en compte par les différents gouvernements européens ?

J’ai bien peur que ce soit une question que vous devriez poser aux organisations elles-mêmes.

Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

Qui est Pieter Van Ostaeyen ?

Pieter Van Ostaeyen est un historien belge qui a étudié l’histoire médiévale avec une spécialisation dans l’histoire des croisades (KULeuven 1999) et des études arabes et islamiques, en se concentrant sur l’histoire de Salah ad-Din al-Ayyubi et des Assassins (KULeuven 2003). Pieter Van Ostaeyen analyse le conflit en Syrie depuis le début en 2011. En 2012, il a commencé à faire des reportages sur les combattants étrangers et les groupes extrémistes tels que Jabhat al-Nusra, Ahrar as-Sham, Jund al-Aqsa et l’État islamique. Depuis le 1er septembre 2016, il est doctorant à l’Université de Louvain et étudie l’utilisation des médias sociaux dans le conflit idéologique entre al-Qaïda et l’État islamique. En 2015, il a publié son premier livre «  Van Kruistochten tot Kalifaat » (Des croisades au califat) avec Pelckmans et «  Staat van Terreur : De Jihadistische revolutie » (État de la terreur : la révolution djihadiste) avec Polis en 2018. Pieter Van Ostaeyen est expert auprès de l’ICCT (Centre international pour le Contre-terrorisme) à La Haye et de l’European Foundation for Democracy (Fondation européenne pour la Démocratie).

Published in American Herald Tribune, February 15, 2018 : https://ahtribune.com/world/north-africa-south-west-asia/syria-crisis/2137-pieter-van-ostaeyen.html

In Palestine Solidarité : http://www.palestine-solidarite.org/analyses.mohsen_abdelmoumen.160218.htm

»» https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2018/02/16/dr-pieter-van-ostae...
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