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Pétition pour la nomination d’un « ambassadeur de choc » en Libye : Bernard-Henri Lévy

Photo : Un char percute son égo : BHL indemne.

Le 17 février 2015, décrivant devant le Conseil de sécurité des Nations unies un pays qui pourrait devenir une menace pour l’Europe comme pour l’Afrique, le ministre libyen des affaires étrangères Mohammed Al-Dairi a appelé « à ne pas rester silencieux face au terrorisme en Libye ». Comme en écho, et évoquant le même pays lors d’une réunion de dirigeants sociaux-libéraux européens tenue à Madrid le 21 février, le Premier ministre français Manuel « 49-3 » Valls a estimé que le « djihadisme terroriste » était aux portes de l’Europe.

De fait, depuis la fin de 2011 et l’élimination de Mouammar Kadhafi au terme de ce que l’OTAN présenta en 2012 « comme un modèle d’intervention », la « Libye libre » a quelque peu sombré dans le chaos. Partition, « somalisation », seigneurs de la guerre, clans mafieux… Livré aux milices, le pays est dirigé par deux Parlements et deux gouvernements rivaux. A la multitudes de groupes sanguinaires aux alliances changeantes – Ansar Al-Charia, Majlis Shura Shabab al-Islam, Fajr Libya (Aube de la Libye), etc. –, regroupés pour certains dans le Conseil consultatif de la jeunesse islamique (MCCI), s’est ajouté depuis peu l’Etat islamique (EI), qui s’est récemment distingué par la décapitation de vingt et un travailleurs – il est vrai égyptiens et coptes de surcroît. C’est également dans cet arsenal à ciel ouvert, qu’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) a pu faire son marché, ce qui lui a permis de porter la bonne parole entre autres au Mali. Pays d’où, depuis l’intervention française, le mouvement djihadiste Mujao s’est replié … dans le Sud libyen – tout étant dans tout et vice-versa.

Nul n’a oublié l’éblouissant rôle de la France, de son aviation et de ses forces spéciales dans cette spectaculaire démocratisation de la Libye. En stratège semi-intégral – son expérience militaire se limitant jusque-là à un service national effectué en 1978 à la « Base aérienne 117 Paris », où il appartenait au Groupe rapide d’intervention (GRI), chargé tous les matins, de 6 à 9 heures, du nettoyage des locaux – le président Nicolas Sarkozy a par chance bénéficié en 2011 de l’expérience de son ministre des affaires étrangères par interim, Bernard-Henri Lévy, un familier de la Control Room, l’état-major de la Libye libre. On n’en est malheureusement plus là…

Dans cette nouvelle terre de Jihad, devenue sans qu’on sache trop pourquoi incontrôlable et incontrôlée, toutes les chancelleries occidentales ont fermé leurs ambassades et ont lâchement abandonné le terrain – la France le 30 juillet 2014 ; les Etats-Unis treize jours plus tard, le 27, lorsque leurs quelque soixante-dix diplomates, dont l’ambassadrice Deborah Jones, ont quitté Tripoli par la route, en direction de la frontière tunisienne, escortés par quatre-vingts « marines », sous la protection de 2 F-16 survolant le parcours et de plusieurs Osprey M22 (des avions capables de se poser au sol comme des hélicoptères). Une attitude interprétée comme un signe de faiblesse, et que les djihadistes ont tournée en dérision.

Alors que les combats ne connaissent aucune trêve et que la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader, multipliant le nombre des victimes au sein de la « société civile », peut-on se satisfaire d’un tel « OTAN en emporte le vent » ? La réponse est évidemment non. Paris doit donner l’exemple. Paris doit s’honorer en montrant aux Libyens qu’ils ne sont pas abandonnés aux égorgeurs. Et comment incarner mieux cet esprit de résistance qu’en rouvrant l’ambassade de France, en se tenant campés, solidaires, lucides, courageux, déterminés, comme lors de la glorieuse expédition de 2011, au milieu d’eux ?

Un nom s’impose pour une telle mission. Celui du Schwarzenegger de la philosophie : Bernard-Henri Lévy. L’homme est particulièrement doué pour traiter les questions délicates. C’est quelqu’un avec qui il faut compter. Il a le profil nécessaire à une telle fonction : s’il prône le droit d’ingérence, il croit aussi au « devoir de suivi ». Par ailleurs, bien peu bénéficient de son exceptionnelle lucidité. Qu’on se souvienne de cette pensée percutante, publiée le 3 mars 2011, dans son « Bloc-notes » du Point  : « Je ne suis pas naïf, évidemment. A Benghazi comme ailleurs, j’ai passé l’âge de l’idéalisme et de l’angélisme. Et je ne vois pas Mustafa Abdeljalil, ancien ministre devenu patron du Conseil national de transition, s’imprégner, d’ici la victoire, des œuvres complètes de Tocqueville. Mais il y a les faits, tout de même ! On sait par exemple que, parmi les onze membres du Conseil dont les noms ont été rendus publics, il n’y a pas un islamiste. On sait que, parmi les vingt autres, tenus pour le moment secrets pour raison de sécurité, figurent des représentants de toutes les régions du pays et que le danger tribal a été – à dessein ? – surestimé. Et je pense enfin que, même si le Conseil n’instaure pas, du jour au lendemain, un parlementarisme churchillien, il injectera dans ce pays cassé, ravagé par la dictature, ruiné par la corruption et le gangstérisme d’Etat, un peu plus de démocratie – et que cet “un peu plus” sera, déjà, une bénédiction. » Le genre d’analyse qui distingue les Clausewitz efficaces des bateleurs de Café du commerce.

Bien sûr, le risque existe. Quatre Américains, dont l’ambassadeur Chris Stevens, ont été tués le 12 septembre 2012 dans une attaque contre leur consulat à Benghazi. Le 23 avril 2013, une voiture piégée a frappé l’ambassade de France, faisant deux blessés – mais à vingt minutes près, elle aurait pu provoquer un carnage – et amenant le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius à inventer une formule particulièrement pertinente pour dénoncer non pas « une action courageuse et sympathique », mais « un attentat lâche et odieux ». Le 17 janvier 2015, des assaillants ont attaqué à l’explosif l’ambassade d’Algérie à Tripoli – trois blessés dont un policier. Jusqu’à la résidence de l’ambassadeur iranien a été visée, le 22 février, par un double attentat qu’a revendiqué la branche libyenne de l’Etat islamique (EI). Mais, enfin, quoi… Si nous cédons maintenant, il faudra céder constamment, Munich nous l’a appris.

Restera, évidemment, à assurer la protection de la légation. On hésitera ici à préconiser l’envoi de militaires, gendarmes ou policiers. Les politiciens héroïques et les philosophes en chemise blanche de campagne leur demandent déjà beaucoup, qui les ont expédiés du Mali à l’Irak en passant par la Centrafrique, le Niger et le Tchad – sans parler du territoire national depuis les attentats du 7 janvier. Ne serait-il pas plus judicieux d’utiliser des groupes « alliés » aguerris, en transférant par exemple de Syrie en Libye, pour défendre notre ambassade, des combattants de Jabhat Al-Nosra qui, d’après Laurent Fabius, « font du bon boulot sur le terrain [1] » ? Après tout, il y aurait peut-être ou sans doute entre les uns et les autres – défenseurs et assaillants – matière à arrangement…

BHL a toujours offert sa poitrine nue aux offenses du totalitarisme. On l’a vu arpenter courageusement, photographes en bandoulière, les lignes arrière de tous les combats de notre temps. On l’imagine mal se contenter d’un morne va-et-vient entre sa villa de Saint-Paul-de-Vence, son palais de Marrakech et la place Maïdan à Kiev quand le fier drapeau tricolore ne flotte plus sur la Libye et que ses habitants, qu’il a héroïquement contribué à « libérer », se retrouvent seuls, piégés, face aux tueurs et aux drapeaux noirs. Sa place est là-bas, debout, au milieu d’eux ! Comme on peut le lire sur un média on ne peut plus objectif, son propre site Internet, « on connaît trop peu sa fidélité à lui-même et aux autres, son entêtement à défendre ce qui lui semble juste et vrai, sa façon de ne jamais “lâcher”, malgré les années, les batailles auxquelles il s’est trouvé mêlé ; cette vertu, aussi, est rare ; c’est de contraire de l’esprit du temps et de sa frivolité ; c’est Bernard-Henri Lévy [2]. »

MAURICE LEMOINE

Pour demander la nomination de Bernard-Henri Lévy au poste d’ambassadeur de France en Libye, envoyer de toute urgence un courrier (courtois et affranchi) à M. Laurent Fabius, Quai d’Orsay, Paris. Pour convaincre (s’il en était besoin) le ministre du bien fondé de votre supplique, mentionner cette citation de BHL lui-même, dans son ouvrage Eloge des intellectuels (Paris, 1987) : « Je crois que la présence d’intellectuels dans une cité moderne est une clef de la démocratie. »

[1Le Monde, 14 décembre 2012.


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