Plus efficace encore que les dictatures : le lavage de cerveaux en liberté (entretien avec Daniel Mermet).








Le Monde Diplomatique, août 2007.


Rachats de grands journaux - le « Wall Street Journal » aux Etats-Unis, « Les Echos » en France - par des hommes fortunés habitués à plier la vérité au gré de leurs intérêts (lire aussi, dans ce numéro, « Prédateurs de presse et marchands d’influence », par Marie Bénilde), médiatisation outrancière de M. Nicolas Sarkozy, cannibalisation de l’information par les sports, la météo et les faits divers, le tout dans une débauche de publicités : la « communication » constitue l’instrument de gouvernement permanent des régimes démocratiques. Elle est, pour eux, ce que la propagande est aux dictatures.


Dans un entretien accordé au journaliste de France Inter Daniel Mermet, l’intellectuel américain Noam Chomsky analyse ces mécanismes de domination et les replace dans leur contexte historique. Il rappelle, par exemple, que les régimes totalitaires se sont appuyés sur les ressorts de la communication publicitaire perfectionnés aux Etats-Unis au lendemain de la première guerre mondiale. Au-delà , il évoque les perspectives de transformation sociale dans le monde actuel, et ce à quoi pourrait ressembler l’utopie pour ceux qui, malgré la pédagogie de l’impuissance martelée par les médias, n’ont pas renoncé à changer le monde. (...)

On vit dans ce monde, pas dans un univers imaginaire. Dans ce monde, il existe des institutions tyranniques, ce sont les grandes entreprises. C’est ce qu’il y a de plus proche des institutions totalitaires. Elles n’ont, pour ainsi dire, aucun compte à rendre au public, à la société ; elles agissent à la manière de prédateurs dont d’autres entreprises seraient les proies. Pour s’en défendre, les populations ne disposent que d’un seul instrument : l’Etat. Or ce n’est pas un bouclier très efficace, car il est, en général, étroitement lié aux prédateurs. A une différence, non négligeable, près : alors que, par exemple, General Electric n’a aucun compte à rendre, l’Etat doit parfois s’expliquer auprès de la population. (...)

- Lire l’ article www.monde-diplomatique.fr


[Avram Noam Chomsky (7 décembre 1928), linguiste américain, est professeur au Massachussets Institute of Technology (MIT), l’un des principaux centres de recherches aux Etats-Unis. Ils est l’un des principaux critiques de la politique et des médias de son pays et a écrit plus de 60 livres, parmis lesquels 23 sur la politique des Etats-Unis.]






Reporters Sans Frontières. La liberté de la presse et mon hamster à moi, par Viktor Dedaj.



Interventions (1000 articles), par Noam Chomsky.



- Il n’y a pas de guerre contre le terrorisme, interview de Noam Chomsky, par Geov Parrish + vingt et un articles de Noam Chomsky.






COMMENTAIRES  

29/11/2007 20:07 par à -nos-amis

L’analyse de M Chomsky sur les media, que je trouve très superficielle et bourrée de mythes (ou hélas poncifs), échoue précisément parce qu’elle ne sait pas expliquer pourquoi :
"Chaque fois qu’on demande à un journaliste vedette ou à un présentateur d’un grand journal télévisé s’il subit des pressions, s’il lui arrive d’être censuré, il réplique qu’il est entièrement libre, qu’il exprime ses propres convictions."
Et qu’elle ne prend pas en charge la principale composante qui vaille : "Edward Herman et moi n’aborde pas la question des effets des médias sur le public( )" Nb : bien sur il s’agit d’une intervention orale, mais ici de même il s’agit d’un message improvisé.

Or, précisément le premier point est inexplicable si l’on ne considère pas l’homogénéïté essentielle (éthique, affective, imaginative et intellectuelle pour la partie humaine) entre le modèle idéologique véhiculé par le médium et son présentateur de chair et d’os, signe d’un totalitarisme plus éminent (que ceux des dictatures), d’un absolu réalisé par la création d’un nouveau réel dans lequel l’individu est plongé comme homme nouveau (encore un).

Pour justifier un peu mon propos disons qu’il y a quelque chose de paradoxal à désigner d’un côté une : "( ) liberté d’expression () protégée (aux Etats-Unis) à un degré que je crois inconnu dans tout autre pays du monde( )" et d’un autre côté en évoquant les journalistes "( )s’ils prenaient des positions contraires à la norme dominante, ils n’écriraient plus leurs éditoriaux." Cette contradiction ne pouvant dès lors servir seule d’explication à l’adhésion spontannée du commentateur politique qui se dit libre, car elle qualifie de mythe l’absolue liberté d’expression américaine, qui n’est qu’une adhésion simple ou adéquation. Le paradoxe est le suivant :
- si cette liberté existait le journaliste ne s’exprimerait pas ou peu et n’adhérerait pas (comme Chomsky)...
- si cette liberté n’existait pas le journaliste ne pourrait s’exprimer ni adhérer librement.

Il y a toujours un des deux termes de la contradiction en trop pour satisfaire aux conditions d’une expression spontanée du commentateur. La structure du paysage médiatique de Chomsky n’explique rien à ce propos. En fait une contradiction même investie en paradoxe a des conséquences.

Il y a peut-être quelque chose de pire à concéder la libre expression en sachant nécessairement quelles sont les aspirations des peuples et ne pas en tenir le moindre compte, puisque le seul droit démocratique réel en politique est nécessairement celui de déterminer les choix, les règles et les évolutions de la société. Dans le cas contraire les expressions réitérées d’objectifs politiques ou de refus contestataires perdent dans l’abstrait de leur non-réalisation toute densité véritable, représentant au mieux pour la conscience qui se les répète une sorte d’utopie délirante, et favorisant in fine la constitution de ce réel nouveau, totalisant et parfaitement articulé que le miroir des média nous renvoie.

M Andissac

21/01/2008 07:53 par Anonyme

LA LIBERTÉ DE FAIRE « COMME ON DOIT »

Derrière la subjectivité des journalistes

Alain Accardo

POURQUOI le discours médiatique semble-t-il converger spontanément vers la légitimation de l’ordre établi et apporter ainsi une contribution indispensable à la pérennité du système social ? Nul complot là -dedans. L’aspect concerté semble en effet minoritaire. Le recrutement social des journalistes et leur capacité à s’imprégner de l’idéologie des classes dirigeantes créent entre eux une communauté d’inspiration. Il leur suffit souvent de travailler « comme ils sentent » pour travailler « comme ils doivent ». C’est-à -dire comme ils ne devraient pas
Par Alain AccardoL’observateur du système médiatique devrait poser en principe que les journalistes ne sont pas, dans leur grande masse, machiavéliquement préoccupés de manipuler le public pour le plus grand profit des actionnaires des entreprises de presse. S’ils se comportent en « conditionneurs » de ceux à qui ils s’adressent, ce n’est pas tant qu’ils ont la volonté expresse de les conditionner que parce qu’ils sont eux-mêmes conditionnés, à un degré que la plupart ne soupçonnent pas. Chacun en faisant spontanément - ou en ne faisant pas - ce qu’il a envie de faire, s’accorde spontanément avec tous les autres. A la manière du poète Robert Desnos, on pourrait dire qu’ils obéissent à la logique du pélican : « Le pélican pond un oeuf tout blanc. D’où sort, inévitablement/ Un autre qui en fait autant. »

Les financiers et les marchands qui ont fait main basse sur l’essentiel des médias n’ont pas besoin de dicter aux journalistes ce qu’ils ont à dire ou à montrer. Ils n’ont pas besoin de violenter leur conscience ni de les transformer en propagandistes. Le sens de la dignité journalistique ne s’en accommoderait pas. Il vaut bien mieux laisser le personnel journalistique faire librement son travail (sauf circonstances et cas particuliers), ou plus exactement il faut lui laisser le sentiment que son travail n’obéit pas à d’autres exigences, à d’autres contraintes que celles qu’imposent les règles spécifiques du jeu journalistique acceptées par tous. Il faut s’en remettre à la « conscience professionnelle ».

Pour cela il faut et il suffit de confier les rênes du pouvoir journalistique dans les rédactions à des personnes qualifiées de « grands professionnels » , ce qui veut dire en particulier qu’elles n’ont cessé de donner des gages de leur adhésion à une vision du monde dont elles partagent les croyances fondamentales avec leurs employeurs. Une fois les postes supérieurs d’encadrement occupés par des professionnels idéologiquement fiables, il n’y a plus qu’à laisser jouer le mécanisme de la cooptation, qui assure, là comme ailleurs, un recrutement évitant, dans la plupart des cas, de faire entrer des renards au poulailler et des hérétiques à la messe. Ce mécanisme commence à jouer dès l’entrée dans les écoles de journalisme et il se poursuit continûment dans les rédactions.Ainsi les médias sont-ils solidement tenus en main par un réseau à qui il suffit de travailler « comme il sent » pour travailler « comme il doit » , c’est-à -dire pour défendre les normes et les valeurs du modèle dominant, celui sur lequel s’est réalisé le consensus entre une droite en panne d’idées et une gauche en rupture d’idéal.

Mais l’efficacité d’un tel système repose fondamentalement sur la sincérité et la spontanéité de ceux qui s’y investissent, même si cet investissement implique un certain niveau d’automystification. On est en droit de faire à l’information journalistique beaucoup de critiques et de reproches bien fondés, y compris celui d’enfermer les esprits dans la pensée unique. Mais il y a un reproche qu’on ne peut pas faire aux journalistes, sauf cas particulier, bien sûr : celui de ne pas être de bonne foi dans leur travail. Ayant bien intériorisé la logique du système, ils adhèrent librement à ce que celle-ci leur commande de croire. Ils agissent de concert sans avoir besoin de se concerter. Leur communauté d’inspiration rend inutile la conspiration.

Pour résumer leur croyance fondamentale, on pourrait dire qu’ils croient sincèrement au bilan finalement positif d’un capitalisme à visage humain, et ils croient que cette croyance n’a rien d’idéologique ni de dépassé.

Bien entendu, comme chez tous les acteurs de tous les champs sociaux, leur vision des choses se caractérise par un mélange à doses variables, selon la position occupée dans le champ, de lucidité et de cécité, de vu et de non-vu ou de bévue.

Ils voient bien, par exemple, les innombrables manifestations d’inhumanité de l’ordre capitaliste partout où il a libre cours ; mais ils se refusent à y voir un trait consubstantiel, inhérent à l’essence même du capitalisme, pour en faire un simple accident. Ils parlent de « dysfonctionnements » , de « dérives », de « bavures », de « brebis galeuses », condamnables certes, mais qui ne compromettent pas le principe même du système qu’ils sont spontanément enclins à défendre.

Une forme d’imposture
AINSI, ils réprouvent sincèrement les « excès » entraînés, en matière de recherche et de traitement de l’information-marchandise, par la concurrence, l’obligation de rentabilité, l’Audimat, bref par la logique du marché. Mais que cette même logique entraîne un développement massif de l’emploi précaire dans les rédactions, avec un contingent croissant d’année en année de jeunes journalistes sous-payé(e)s et jetables, exploité(e)s de façon assez indigne par leurs employeurs, ce qui est compréhensible, mais aussi par nombre de leurs chefs et collègues, ce qui l’est moins, voilà un « dysfonctionnement » qui n’a provoqué jusqu’ici aucune mobilisation de la profession comparable à la défense des 30 % d’abattement fiscal, et il est significatif qu’au cours de la grande grève qui a affecté, en 1999, les chaînes du service public, grandes consommatrices de travail précaire, pas un mot n’ait été prononcé en public à ce sujet.

Le champ journalistique, comme beaucoup d’autres, ne peut fonctionner qu’au prix de ce qu’il faut bien appeler une forme objective d’imposture, en ce sens qu’il ne peut faire ce qu’il fait, à savoir contribuer au maintien de l’ordre symbolique, qu’en faisant comme s’il ne le faisait pas, comme s’il n’avait d’autre principe que l’utilité publique et le bien commun, la vérité et la justice. S’agit-il d’hypocrisie ou de tartuferie ? Non. Aucun système quel qu’il soit ne peut fonctionner sur le mode de l’imposture intentionnelle et permanente. Il faut que les gens croient à ce qu’ils font et qu’ils adhèrent personnellement à une idéologie socialement approuvée.

En l’occurrence, celle-ci ne peut pas consister à crier cyniquement « Vive le règne de l’argent-roi, à bas l’humanisme archaïque, enrichissons-nous et malheur aux pauvres ! » , mais elle consiste à considérer en toute bonne foi, ne serait-ce qu’implicitement, que le bonheur du genre humain exige qu’on reste au sein de l’Eglise libérale, hors de laquelle il n’est point de salut possible.

Pour que la logique économique devienne hégémonique, il faut qu’elle se transmute dans la tête et le coeur des gens en une idéologie philosophique, éthique, politique, juridique, esthétique, etc., relativement autonome, faute de quoi ils percevraient le poids de l’économie sur leur destin comme une intolérable contrainte extérieure, dépourvue de toute légitimité, un épouvantable « matérialisme » . En fait, le propre d’un système, c’est de ne pas rester extérieur aux agents mais d’entrer en eux pour les façonner de l’intérieur, sous forme d’un ensemble structuré d’inclinations personnelles. Et, finalement, sa vitalité repose beaucoup plus sur les dispositions de ses membres en matière de moeurs, de rapport au savoir, au pouvoir, au travail, au temps, et sur leurs goûts et dégoûts, en matière de pratiques culturelles, domestiques, éducatives, sportives, etc., que sur leurs options et opinions expressément politiques. Des esprits bien conditionnés sont d’abord et surtout des variantes incorporées de l’« esprit du temps » . Et celui-ci se flatte de transcender clivages politiques et consultations électorales.

Ainsi, fort heureusement pour les maîtres de l’Argent, ils peuvent peupler les médias qu’ils ont achetés de gens intelligents, habiles et sincères, personnellement conditionnés à transfigurer les lois d’airain du capitalisme en conditions permissives et en postulats indiscutables de ce qu’ils appellent la « modernité » ou, si l’on préfère, la « démocratie de marché » .

Les conclusions qui valent pour les médias valent pour des pans entiers de la structure sociale. Le microcosme journalistique est à cet égard un espace privilégié pour l’observation in vivo de ce qui se passe dans les champs de production et de diffusion des biens symboliques - dont la population professionnelle appartient très majoritai rement aux classes moyennes (professions intellectuelles de l’enseignement, de l’information, du travail social, métiers de conseil et d’encadrement, de présentation et représentation, etc.). C’est principalement la nouvelle petite-bourgeoisie qui a injecté dans ce système, en s’y investissant à fond, la dose d’humanité, d’intelligence, d’imagination, de tolérance, de psychologie, bref le supplément d’âme dont il avait besoin pour passer de l’exploitation barbare du travail salarié, qui sévissait encore avant la seconde guerre mondiale, à des formes apparemment plus civilisées compatibles avec la montée des aspirations démocratiques.

La modernisation du capitalisme a consisté à développer des méthodes de « gestion des ressources humaines » et de communication visant à euphémiser les exactions patronales et à impliquer davantage psychologiquement les salariés dans leur propre exploitation. Bien sûr, cette collaboration comporte des gratifications, matérielles et morales, dont la première est d’assurer la subsistance des intéressés, et la seconde de leur donner le sentiment d’une certaine importance et utilité pour leurs semblables. Et ce n’est pas rien. Il se trouve cependant que, par une de ces ruses objectives dont l’histoire abonde, leur travail profite encore bien davantage au système et aux féodalités qui le dominent, et que croyant servir Dieu ils servent aussi, et parfois surtout, Mammon. Mais ils le font sub specie boni, en toute bonne conscience, parce qu’à peu près tout ce qui pourrait leur donner mauvaise conscience est automatiquement autocensuré ou transfiguré. Ils ont en eux, comme aurait dit Pascal, « une volonté de croire plus forte que leurs raisons de douter » .

Probablement parce que les journalistes maîtrisent professionnellement les technologies du faire-voir et du faire-savoir, l’observation de leur milieu permet de voir, mieux que chez d’autres catégories des classes moyennes, que l’imposture objective de ces dernières, qui consiste à n’être et à ne faire jamais tout à fait ce qu’elles-mêmes croient qu’elles sont et qu’elles font, se traduit par une mise en scène constante de soi, destinée à se donner à soi-même en la donnant aux autres, la représentation la plus valorisante de son importance.

S’il est vrai qu’aucun jeu social ne pourrait se dérouler si ses acteurs n’acceptaient pas, peu ou prou, de « se raconter des histoires » , d’en faire accroire à soi-même et aux autres, il faut admettre que les classes moyennes sont particulièrement enclines à « se faire du théâtre » ou « du cinéma » . Cette propension plutôt narcissique à la « dramaturgisation » de son existence est liée à l’appartenance à un espace social intermédiaire, entre les deux pôles, dominant et dominé, de la puissance sociale.

Tous les traits caractéristiques de la petite-bourgeoisie tiennent fondamentalement à cette position en porte-à -faux entre le trop-peu et le trop-plein, entre l’être et le non-être, dans un monde où la valeur socialement reconnue est devenue directement proportionnelle au degré d’accumulation du capital en général, et de l’économique en particulier. « Les plus démunis » , comme on dit pudiquement, ont beaucoup trop peu pour pouvoir même se préoccuper de valoriser ce qu’ils ont et sont. Les plus privilégiés ont beaucoup trop pour avoir besoin de se rassurer en se donnant en spectacle.

Ressentiment et soufrance
MAIS le résultat de cette quête perpétuelle de réassurance est rarement tout à fait satisfaisant. Les petits-bourgeois, à cause de leur position moyenne, sont généralement plus sensibles à l’écart avec les positions supérieures, qu’aux avantages intrinsèques de la position occupée. Comme le notait Stendhal, « la grande affaire est de monter dans la classe supérieure à la sienne, et tout l’effort de cette classe est de [vous] empêcher de monter » .

Il y a là une source de frustration intense et de ressentiment, une sorte de foyer de pathologie de la reconnaissance sociale, qui est à l’origine d’innombrables cas de cette souffrance existentielle qu’on pourrait réunir sous l’appellation de syndrome d’Emma Bovary et de Julien Sorel. Souffrance d’autant plus difficile à réduire qu’elle est structuralement programmée et par là réfractaire à toute thérapie médicale. Une enquête sur le journalisme de base fournit d’éloquentes illustrations de ce rapport ambigu à leur position, à la fois enchanté et exaspéré, amoureux et dépité, suffisant et douloureux, des dominants-dominés de l’entre-deux social.

On est en droit de penser que la seule façon de tenter d’y remédier consisterait rompre avec la logique du système. Entreprise difficile, car elle ne peut aller sans remettre en question tout ce qu’on a personnellement intériorisé au plus profond, tous les liens inviscérés, toutes les adhérences charnelles par lesquels les individus « font corps » avec un système qui les a engendrés et conditionnés à faire ce qu’il attend d’eux, par exemple à s’affronter les uns les autres dans une compétition implacable pour des enjeux factices et dérisoires, dont la poursuite et la conquête ne prouvent rien, sauf précisément qu’on est très bien conditionné.

Jusqu’ici les membres des classes moyennes, parce qu’ils y sont conditionnés, y compris par toute leur socialisation, ont dans leur grande majorité entrepris avec persévérance de cultiver leur rêve d’ascension sociale et leurs espérances de réussite personnelle à l’intérieur d’un univers dont, au demeurant, ils sont nombreux à dénoncer les iniquités. Mais ces opinions critiques, parce qu’elles restent cantonnées dans le seul registre politique (voire politicien), et le vote « à gauche » qui peut s’y associer, loin de mettre la logique dominante en péril, ont pour effet d’optimiser le fonctionnement d’un système qui, non seulement peut se reproduire pour l’essentiel, mais encore peut se glorifier d’entretenir, par médias interposés, un logorrhéique débat public qui ne porte presque jamais sur l’essentiel.

Alain Accardo

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