Qu’est-ce qui se joue aujourd’hui dans le conflit des interprétations autour des attentats subis par les Etats-Unis le 11 septembre 2001 ?

Deux courants s’opposent, nous serions même tentés de dire deux camps, au vu de la violence de l’affrontement. Pourtant on y retrouve des intellectuels d’horizon très divers, dont les interprétations sont elles-mêmes très diverses, et qui ne se rejoindraient probablement pas sur d’autres sujets. Il y a un effet de cristallisation, que nous nous proposons ici d’éclaircir.

D’un côté, des intellectuels qui, sans faire preuve d’aucune complaisance à l’égard du terrorisme aveugle, cherchent, à partir d’un éclairage des circonstances de ces attentats, d’interpréter les événements, dans le but non de les relativiser, d’en diluer l’horreur dans un discours sur les pratiques politiques violentes des Etats-Unis et plus généralement occidentales, mais afin de déterminer leur signification historique, c’est-à-dire le contexte large qui peut expliquer leur éclatement si soudain. Leur longue préparation, la continuité dans les actions terroristes de Ben Laden, le déchaînement des passions que les événements ont déclenché doivent nous donner à penser.

De l’autre côté, des penseurs, écrivains, artistes qui mettent en avant le caractère absolu de l’événement, et qui de ce fait le rapportent, ainsi que les opérations militaires en Afghanistan qui en sont la suite, à la guerre entre les démocraties et le nazisme. Ils opposent les principes idéologiques du terrorisme islamiste aux principes démocratiques (égalité des sexes, refus de la violence, liberté d’entreprise, et plus particulièrement d’un point de vue historique, mémoire de la Shoah et donc défense de l’Etat d’Israël) dont les Étasuniens sont présentés comme les défenseurs et les porteurs. Tout débat autour de la question du « sens des attentats » leur paraît contribuer, par surcroît, à dédouaner les terroristes de leur responsabilité. Qualifiant ainsi « leurs adversaires » de « néopétainistes », d’ « anti-impérialistes », les accusant de « fantasmes totalitaires », de défendre le droit à la légitime défense et de faire le jeu de guerre sainte (en particulier dans le conflit israëlo-palestinien) ou de renoncer à la pensée critique, ils posent un interdit absolu sur ce débat.

Ce non-débat nous paraît pourtant pouvoir céder la place au dialogue. Mais pour cela il doit être fait « justice » de deux points de vue, à notre sens, erronés.

Tout d’abord de celui selon lequel il y aurait de la complaisance à vouloir comprendre les attentats (comme jadis le génocide des Juifs). En effet comprendre ne signifie ni excuser, ni relativiser, ni surtout refuser toutes formes de réactions politiques et militaires. Il s’agit seulement de percevoir la complexité du monde, la « permanence » de pensées et d’actions violentes, par-delà les croyances optimistes et idéologiques à une démocratie mondiale et son contexte (la duplicité des sociétés libres dans le jeu politique mondial, leur lenteur à le faire évoluer dans le sens de la démocratie, leur refus d’écouter et d’entendre les souffrances des peuples).

Ensuite du point de vue selon lequel les attentats sont les armes du pauvre et de l’exploité. On sait d’expérience que la violence « terroriste » (et le sens de ce terme est peut-être l’un des moins bien déterminés de la pensée contemporaine, puisque les résistants à l’occupant nazi étaient aussi qualifiés de « terroristes ») sert rarement les peuples, particulièrement quand elle est aveugle et ne fait pas de différences entre les militaires et les civils. On sait par ailleurs que la pensée anti-impérialiste a pris parfois la forme d’une défense elle-même aveugle de courants antidémocratiques.

Le dialogue est possible, étant donné qu’aucun des intellectuels en conflit n’a justifié les attentats ou condamné a priori toute réaction internationale aux attentats. D’un côté comme de l’autre, des voix s’élèvent pour critiquer l’intervention américaine. L’histoire a ici porté ses fruits, puisque progressivement une place a été faite à la reconnaissance de l’ambiguïté des dernières interventions occidentales (en Irak, en Somalie, au Kosovo).

Dès lors nous croyons possible le retour à une pensée politique, par-delà les rejets de toute forme de débat autour d’un événement considéré comme absolu. Nous nous rappelons ici l’époque de la publication par Hannah Arendt de ses articles sur la « banalité du mal » au moment du procès d’Eichmann à Jérusalem. Arendt fut violemment critiquée, accusée de banaliser le nazisme et le génocide. Pourtant, loin de vouloir tempérer les fautes nazies, de vouloir relativiser l’incomparable, Arendt cherchait à s’interroger sur ce qui l’avait rendu possible, une fois abandonnée l’idée de mal absolu. En effet il n’y a pas de différence de nature entre victimes et bourreaux (ce qui permet d’expliquer que certains aient été l’un et l’autre). Cette interprétation est la condition à laquelle on peut chercher à comprendre qu’un événement n’est pas isolé, même s’il est inédit et unique. Autrement dit qu’il a des origines, qu’il est donc intelligible.

De la même manière, nous croyons possible le retour à une action politique au vu des réactions étasuniennes. D’un côté l’engagement militaire des EU a été immédiat et on comprend aujourd’hui qu’il est aveugle, au vu de la catastrophe humaine qu’il annonce. Permanence d’une pensée non-politique, puisque les problèmes du monde ne peuvent être résolus par la seule force, en dehors de tout contrôle international, et de toute visée claire et délimitée, ni de l’extérieur, par un bombardement systématique et aveugle, sans égard pour les populations qui vivent sur ces territoires et sont prêtes, si on leur en donne les conditions, à se tourner vers une vie démocratique.

De l’autre côté, les Étasuniens ont tout de suite mis en avant la nécessité de relancer le processus de paix entre Israël et la Palestine. Démarche politique puisque l’opposition des deux nations n’est pas présentée comme l’affrontement du bien et du mal, de la civilisation et de la barbarie, de la démocratie et de l’Islam ou de la terreur, mais comme l’expression du droit des nations à disposer d’un territoire. Ce conflit-là n’est pas simple, mais il est au moins une chose dont on puisse être sûr, c’est que Yasser Arafat est un homme politique, qu’il a renoncé à la violence comme seul moyen de parvenir à son but, la création d’un Etat palestinien. Qu’il est donc prêt, à ce titre, à faire des concessions, qu’il les a déjà faites, et que ce n’est pas parce qu’il ne cède pas immédiatement sur toutes les revendications israëliennes qu’il est engagé dans la politique du pire.

Nous croyons que l’interrogation sur la violence n’est pas vaine, qu’elle n’est pas une renonciation à la pensée critique, mais qu’elle exprime au contraire l’espoir que la vie politique internationale soit capable de rationalité. Mais cet espoir est teinté de crainte, puisqu’il ne s’accompagne d’aucun angélisme à l’égard des protagonistes. Les Étasuniens ne sont pas les hérauts de la démocratie, les populations des pays musulmans sont tiraillées par plusieurs possibilités, la haine, la crispation nationaliste, comme l’espérance d’une amélioration de leurs conditions de vie et de la paix, les Israéliens ne sont pas les simples héritiers de la Loi et du refus du meurtre, ils sont des hommes pris dans les contradictions du siècle. La source de l’espérance, l’avenir est dans le retour à la pensée politique, à la pensée de la complexité du monde.

COMMENTAIRES  

02/12/2021 21:23 par Maitre Kha

Bien à son contraire, je pense que" l’interrogation sur la violence" de l’auteur est vaine...et surtout crédule pour ne pas dire simpliste. Comment débattre sur un tel sujet quand on reprend la narrative officielle comme postulat inamovible !!?...Le même verrouillage postulatique si j’ose ce néologisme, s’applique au "vaccin" qui n’en sont réellement pas. Mais on continue à faire comme si... La stratégie est la même sur tous les sujets mais on continue à vouloir "séparer" l’inséparable... Article de psittacidé sans importance aucune à mon humble avis...
Psss ; Un déroulé logique n’aboutit pas à une vérité si son hypothèse de départ est fausse...Mais on fait toujours comme si...The show must go one...

03/12/2021 18:49 par CAZA

Bonsoir
J’ai essayé d’arriver au bout de l’article mais échec .
Pas étonnant car j’ai rarement dépassé le chiffre de 5/20 en philo et que Florent Bussy semble exceller en cette matière .
le Maître Kha a commencé l’explication de texte . D’autres érudits peuvent ils continuer .
Les avions de morts vendus par la France vont sans doute amener un peu de réflexion genre philo à Florent par là bas .

04/12/2021 14:41 par barbe

Merci à maître K et à Kasa
Personnellement, j’appelle cela la bêtise de l’intelligence. Parfois on ne veut pas voir les faits.
Rien que le titre : le subi en dit long, comme si l’auteur n’envisageait pas la possibilité d’une fausse bannière.

On a envie de le ramener à Descartes.
Florent, si tu me lis, relis donc la troisième règle. Où le grand René dit : on pense que c’est plus compliqué que ce qui apparaît. On dit alors comme pour se défendre par avance et masquer son non savoir : "je vais t’expliquer. Tu sais c’est plus compliqué que ça en a l’air..."

04/12/2021 16:13 par Auguste Vannier

Complètement d’accord avec les premiers commentaires...
Un beau paralogisme qui pose une prémisse pour le moins contestable : "ce sont des terroristes arabes dirigés par Ben Laden qui ont percutés les tours et le pentagone".
Tellement d’invraisemblance dans tout cela !
On le sait désormais, les dirigeants US sont capable des plus grossiers mensonges et des pires horreurs (Japon, Vietnam, Irak, Lybie, Syrie, Afghanistan, toute l’Amérique centrale et du sud, assassinat politiques et false flags partout). Des millions de morts directs et indirects, destructions et prédations sans vergogne.
Bef, à la mesure de ce qui précède, le 9/11 n’est qu’une broutille...

04/12/2021 20:32 par Maitre Kha

@ Auguste Vannier
Une "broutille" qui a quand même permis la destruction totale de l’ Afghanistan, L’Irak, la Libye, et en grande partie du Soudan de la Somalie et de la Syrie pour rester court. J’en oublie pour sur, tellement ces semeurs de morts sont sur tous les fronts où œuvre la camarde... Non ce n’était pas une broutille mais bien plus que ça... et les conséquences de ces actes odieux ne sont pas fini, loin s’en faut ...
Psss :La seule chose qui ne peut être discutée dans cette affaire est que la VO est une fumisterie pour collégiens...

05/12/2021 14:31 par CAZA

En considération de mes piètres compétences en philo je me recentre sur mes connaissances de dictons populaires
Qui sème le vent récolte la tempête
L’arroseur arrosé
Le bien mal acquis ne profite jamais
Gare au retour de bâton

J’en invente ;
Les projectiles à combustion explosives tirés à partir de F16 peuvent revenir en avion de ligne sur le créateur qui a retourné sa veste .Ca marche aussi pour L’imbécile heureux, dit Hollande contre le Boucher de Damas , et le Bataclan

Hors sujet . Enfin ça peut se discuter .
Entendu , genre années 2012 , sur radio couillons ( Ranceinfo ou Inter ou ReTeLe )
Le journaliste interpelle l’Imam de Lunel ( Ville d’où sont partis des "" jeunes "" faire le Jihad en Syrie )
Mais Monsieur qu’il répond le mec , le responsable c’est Hollande avec tout ce qu’il raconte sur le président Assad .

https://www.capital.fr/economie-politique/francois-hollande-redit-a-l-onu-que-bachar-al-assad-doit-partir-1073118

05/12/2021 23:26 par Auguste Vannier

Je suis d’accord avec @Maître Kha, mais :
Je voulais dire que pour les dirigeants US le 9/11 est une broutille en terme de victimes directes y compris parmi leurs concitoyens si cela leur permet d’obtenir le prétexte et les éléments de propagandes nécessaires pour aller massacrer d’autres pays.
« Nous pouvons faire sauter un navire américain et en rejeter la faute sur les Cubains. La publication des listes des victimes dans les journaux américains accroîtrait encore l’indignation. Nous pouvons aussi détourner des avions. Dans des endroits bien choisis où l’impact serait énorme, nous pourrions poser des charges de plastic. Nous pourrions également repeindre des B26 ou C46 de nos forces aériennes aux couleurs cubaines et nous en servir pour abattre un avion de la République dominicaine. Nous pourrions faire en sorte qu’un prétendu appareil de combat cubain abatte un avion de ligne américain. Les passagers pourraient être un groupe de jeunes étudiants ou de vacanciers. »
Général Lyman LEMNITZER (1899 – 1988)
Chef d’état-major des armées (1960-62) et Supreme Allied Commander de l’Otan (1963-1969)

Cette citation proposée par LGS atteste de la possibilité que le 9/11 puisse être une opération montée par les CIA ou autre service secret US, n’est pas invraisemblable, pas plus en tout cas que la version officielle dont toutes les failles ont amplement été exposées et analysées par des spécialistes n’ayant pas particulièrement la "fibre complotiste".
On ne le saura probablement jamais car la 3ème tour, dont on parle rarement, abritait d’importantes archives des opérations clandestines des services spéciaux...

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