Quelle gueule faut-il avoir pour paraître honnête en Macronie ?

Je rentre, en voiture, de faire des courses dans la zone commerciale de la petite ville où j’habite.

Sur le trajet de mon domicile, je vois, sur le bas côté de la route, un trio : un couple de jeunes et une seconde femme. Le couple porte à bout de bras et avec difficulté, un chariot à roulette (sorte de caddy) qui sert à faire les courses. Celui-ci semble encombrant, très lourd pour eux. Je ne comprends pas tout de suite.

Au premier rond-point, je fais demi-tour et viens me garer à leur hauteur de façon à les accoster. J’ai mes explications : le chariot de la dame est cassé (la tige qui supporte les deux roues est cassée) et le jeune couple s’est proposé pour l’aider à porter son fardeau jusqu’au prochain arrêt de bus. Je demande où se rend la propriétaire du caddy. Dans un quartier du centre ville où j’avais projeté d’aller après être passé chez moi chercher un paquet. Je propose à la dame de la mener à destination. Elle accepte. Les jeunes chargent son lourd fardeau dans le coffre de ma voiture et nous quittent. Je démarre et nous partons. En route, je lui explique que je la mène bien à destination, puisque c’est aussi dans ce quartier que j’avais prévu de me rendre, mais après être passé chez moi pour récupérer un paquet. Elle ne comprend pas trop cette volonté de faire un crochet. Je lui répète mon explication, et lui dis que chez moi, j’en profiterai aussi pour essayer de réparer son chariot. Sa méfiance ne tombe pas. Je lui dis alors que je suis marié, père de famille et aussi grand-père et que, chez moi, je lui présenterai ma femme. Je lui propose encore de lui montrer/de lui donner ma carte d’identité… pour lui prouver ma bonne foi, mon honnêteté. Rien n’y fait.

Nous approchons de ma maison, je quitte la route principale pour une autre, beaucoup plus petite.

Sa méfiance repart au galop. Je lui répète que je suis un type honnête, connu dans mon quartier…, que mon arrêt ne va durer que quelques minutes, qu’elle va voir ma femme. Rien n’y fait. Dans un virage, elle essaye d’ouvrir la portière. J’arrête aussitôt la voiture et sort avec elle. Panique maximum ! Je lui demande si elle a un téléphone pour appeler ma femme. Elle ne répond pas. Je comprends que la situation est alors irrécupérable. Elle ne remontera pas dans la voiture. J’ouvre le coffre pour sortir son chariot. Je regarde l’essieu cassé : irréparable de façon rapide. Elle veut partir et prend son chariot à bout de bras. Je lui conseille la route à prendre pour regagner le centre ville et sa destination, en lui disant que très bientôt j’allais emprunter cet itinéraire et que je lui proposerai alors de la conduire chez elle, après avoir fait le crochet chez moi, puisque telle était aussi ma destination.

Elle ne répond pas et se précipite sur son paquet.

Je fonce chez moi (j’étais tout près), récupère les affaires qui me manquaient et reprend la route du centre ville. Cette femme encombrée avec un lourd caddie dans les bras disparu a.

Je refais l’itinéraire une seconde fois, en essaye un autre, passe devant des arrêts de bus. Peine perdue !

Encombrée comme elle était, comment sera-t-elle rentrée chez elle ? Je me culpabilise : habitant à l’extérieur de la ville, avec mon « crochet », j’ai, involontairement, allongé son trajet !

Qui lui réparera son caddy ?

L’image, forcément négative, qu’elle a pu se faire de moi disparaîtra-t-elle de son esprit ?

Je crains que non.

Pourquoi est-ce si difficile, aujourd’hui en Macronie, d’être honnête, de vouloir rendre service à son prochain ?

J’enrage…

Jean Marga,

qui s’est déjà trouvé plusieurs fois dans des situations semblables, dans lesquelles il n’a pas pu rendre service.

COMMENTAIRES  

16/11/2019 17:30 par JC

Le fait de dire "Macronie" laisserait entendre que notre président actuel y est pour quelque chose alors qu’à mon avis, cet état de fait s’aggrave mais remonte déjà à loin. Cette panique est celle qu’on a lorsqu’on se sent vulnérable et qu’on ne veut pas "tenter le diable" car on a la perception qu’il y a des chances non négligeables pour que ça tourne très mal (perception très déformée par la surinformation, les faits divers et tout). D’un autre côté, on se dit qu’il ne suffit que d’une fois, et que vraiment on ne veut jamais que cette fois-là n’arrive, ce serait trop bête.

Donc on ne peut pas répondre à votre question puisque vous ne montrez pas "votre gueule" pour qu’on vous dise ce qu’elle dégage (et c’est politiquement incorrect de juger au physique n’est-ce pas, même si Disney et autres nous éduquent sur ce qu’est un visage de gentil et un autre de méchant). Mais en tout cas vous montrez un exemple de société malade (par rapport à notre niveau de vie), tellement rongée par le mal, les divisions, et surtout la marchandisation, qu’un geste bienveillant et gratuit suscite forcément une grande méfiance, tellement c’est fou et contraire à tout ce que notre culture inculque et véhicule. Et comme on s’échine à susciter la peur des hommes pour les femmes, cette division jusque dans le langage exclusif (ben oui, qui rend exclusif le masculin au sexe masculin alors qu’en français, c’est neutre et donc inclusif), on en arrive à ces situations sexistes extrême où juste parce que vous êtes un homme, vous pouvez faire paniquer une femme.

Vous auriez eu un pin’s d’une association quelconque, portant le message "je fais ça en tant que membre de cette association bienfaisante", je pense que ça serait beaucoup mieux passé (même si je ne veux pas donner de mauvaises idées aux prédateurs).

Ça me fait penser à la peur panique que certains ont de la Police dans certains quartiers, ayant déjà eu de douloureuses expériences inconnues à beaucoup avant les GJ, et qui du coup suscitait l’incompréhension des gens normaux (Pourquoi ils s’enfuient en courant, s’ils n’ont rien fait ? Les signes visibles de cette institution ne sont-ils pas rassurants pour les gens honnêtes ?).

18/11/2019 20:57 par Assimbonanga

Je comprends tout à fait la réaction de panique de cette dame. Pour rendre service, il ne suffit pas d’être rempli de bonnes intention, il faut aussi se mettre à la place d’autrui. Rendre service exige davantage que de se faire plaisir par une bonne action. Des fois, vaut mieux s’abstenir pour pas mettre l’autre dans l’embarras.
Et ça n’a rien à voir avec l’époque. Ça a toujours existé. Un certain... tact. En supplément de la grosse bonne action.

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