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Quelques notes sur l’insurrection qui vient

« Le culte du rebelle se présente comme la célébration de son impuissance à réaliser et à gouverner un nouvel ordre sociopolitique. »

« Le rebelle populiste qui jugerait que Hegel est trop peu révolutionnaire pourrait toujours en tout cas tenir compte de la mise en garde de Gramsci (...) contre les expressions de « ‘’rebellisme’’, de ‘’subversisme’’, d’‘’anti-étatisme’’ primitif et élémentaire » qui sont en dernière analyse l’expression d’un « apolitisme » fondamental. »

La lutte des classes, Domenico Losurdo, Editions Delga, pages 378 et 385.

J’ai pu lire il y a quelques temps le célèbre livre L’insurrection qui vient du Comité invisible. Paru initialement en 2007, ce livre doit son succès à une affaire fumeuse : l’affaire dite de Tarnac, où les présumés auteurs du livre (mais rien n’a pu être certifié) ont été poursuivis pour un sabotage de caténaires ayant raté et dont on n’a jamais pu prouver qu’aucun des accusés en fût l’auteur. En réalité, et cela fit le succès du livre, l’accusation en vint à les poursuivre... pour être les auteurs présumés du livre ! Il y a plein de raison pour expliquer l’hystérie déclenchée par la bourgeoisie envers l’insurrection qui vient (nous ne les verrons pas ici), mais il suffit d’être un minimum averti en lisant l’ouvrage pour comprendre que cette peur est exagérée, et que la stratégie du Comité invisible ne mène sur rien.

Certes on me dira que le fameux Comité a fait paraître deux autres ouvrages, qu’il a un peu évolué sur ses positions. Sans doute, mais ce n’est pas l’important. L’important c’est qu’une partie de la jeunesse radicale, celle qui se mobilise, est influencée par ce livre, notamment ceux que l’on appelle les Black Blocks. Gageant qu’ils n’ont pas tous lu les autres énormités du Comité et qu’ils se servent tout de même de l’ouvrage pour leur « stratégie », il est au moins important de dire quelques mots sur celui-ci, histoire d’ouvrir les yeux de certains.

Alors quelles remarques ?

1. A la manière de Nietzsche, l’insurrection qui vient se présente comme une grande œuvre poétique disant tout et son contraire. Très bien dans une œuvre poétique décadente, mais dans un essai politique, c’est moyen.

2. Ils critiquent tout, mais de manière déconstruite, sans système, juste une grande détestation de tout ce qui peut faire la vie d’un être humain lambda : individualisme, famille, ville, liberté, le football, etc. Non pas que l’on ne puisse pas critiquer ces catégories, mais ici cela se fait sans perspective de remplacement, on ne fait que détruire. Bref, pas d’émancipation réelle, seulement la déconstruction. En fait, il s’agit juste d’une critique pour une critique et cela permet au livre d’être un parfait objet commercial (trouvable dans toutes les Fnac) pour une certaine gauche bobo (qu’ils critiquent pourtant), celle qui cherche des livres « trop rebelle » écrit par des auteurs « tellement en rupture avec le système ». Certains des prétendus auteurs sont des universitaires...

3. Horreur, malheur, honte à une quelconque règle de conduite ! C’est ce qui les faits détester ces anticapitalistes « qui demandent toujours la permission avant de prendre. » Amis et camarades, allez vous servir dans leurs frigos, c’est permis !

4. Un éloge de l’émeute (la fameuse ‘’insurrection’’) au détriment de la révolution. Cela revient à considérer que le maximum de la subversion politique c’est de cramer des voitures et de se battre avec les flics, sans perspective derrière, sans travail en amont pour créer une perspective révolutionnaire. Ainsi, tout le travail organisationnel et celui de faire passer ses idées ne sont pas abordés et, j’aurai plutôt tendance à dire, sont même refoulés. Il faut dénoncer ici une supercherie du CI : ces auteurs se revendiquent de l’anarchisme, et donc se revendiquent des soulèvements anarchistes ukrainien de 1918 et espagnol de 1936. Le seul problème, peu importe la vision que l’on a sur ces mouvements, c’est qu’ils ont pu démarrer et connaître un certain succès grâce à une activité forte de propagande et d’organisation des masses. Or avec le CI, on a plutôt tendance à croire que cela est arrivé spontanément... On notera aussi que pour le Comité, Mesrine, qui n’a jamais volé que pour sa propre personne, est un révolutionnaire, parce qu’il a enfreint les lois ! En conclusion camarades, arrêtons de nous inspirer de Lénine, allons prendre des conseils chez les grands révolutionnaires Guy Georges et Francis Heaulme !

5. En cohérence avec le 4), ils n’aiment pas non plus les organisations qui seraient des mini-Etats (antiétatisme primaire). Et cela va... jusqu’aux autres organisations anarchistes comme la CNT et la FA ! Ils le disent explicitement page 88 : « Tous les milieux sont à fuir. Chacun d’entre eux est comme préposé à la neutralisation d’une vérité. Les milieux littéraires sont là pour étouffer l’évidence des écrits. Les milieux libertaires celle de l’action directe. » Le CI préfère que l’on se constitue en commune, celle-ci se substituant aux institutions de la société comme l’école ou le club sportif... Selon leurs critères, un Etat en miniature !

6. Ils ont comme tactique insurrectionnelle suprême le bon vieux sabotage ! Alors que la classe ouvrière reste attachée à son outil de travail, ces petits bourgeois « insurrectionnalistes » lui proposent de s’en débarrasser plutôt que de s’en servir habilement pour conquérir le pouvoir ainsi que des grandes avancées sociales. Pourtant c’est bien en s’appropriant les moyens de productions que les travailleurs ont pu se défendre. D’autre part, même s’il peut être utile en certain temps, le sabotage n’est pas une fin : il entraîne la plupart du temps des retards et non pas un arrêt total et, en temps de guerre ou de révolution, coupée du reste, le sabotage ne fut jamais décisif pour assurer la victoire. Simplement, c’est plus vendeur qu’un vrai programme révolutionnaire réfléchi...

7. Après le sabotage, la fraude ! En effet, ils proposent pour détruire le système de ne plus travailler, de toucher toutes sortes d’allocations, en fraudant notamment, jusqu’à ce que le système s’épuise et qu’on puisse lui donner le coup de grâce. Le problème c’est que niant le fait que leurs allocations sont créées par du travail humain, ils oublient que ce qu’ils détournent est produit par les travailleurs qui vont être de plus en plus exploités pour payer ces parasites. A mon avis, ces travailleurs ne seront pas forcément partisans de leur insurrection ! D’autre part, je ne pense pas qu’en 2007 on fut plus sympa avec les chômeurs, donc il y a peu de chance que l’Etat eut laissé pratiquer, sans rien faire, une telle fraude massive !

8. Le CI est anti-prise du pouvoir ! Vous trouvez ça incohérent avec ce que l’on a dit avant ? C’est vrai mais c’est la réalité. Ils sont d’ailleurs pour la suppression des AG ! Pourtant, nous ne pouvons pas comprendre comment mener une révolution jusqu’au bout, et arriver à une société sans classe, sans prise du pouvoir. Cette anti-prise du pouvoir n’a aucun sens et elle revient à laisser s’infiltrer les agents de la bourgeoisie qui ramèneront rapidement les choses au calme, à cause du manque de pouvoir de la révolution.

9. On l’aura compris beaucoup de critiques, mais peu de propositions, sauf cet Commune idéalisé mais sans histoire que souhaite le CI. Autre grand absent (ou alors de manière tronqué) : la lutte des classes. On aurait plutôt l’impression ici qu’il n’existe plus de combat entre le prolétariat et la bourgeoisie. Ce serait plus... en fait on ne sait pas. Dominant et dominés ? Le peuple (mais lequel) contre les élites ? L’ennemi semble être partout et n’avoir aucun visage, ce qui est problématique pour définir une stratégie politique.

Encore une fois, les JRCF dénoncent ces « propositions » illusoires, « extrême-gauchiste » dirait-on, d’insurrection désorganisée et appellent la jeunesse militante à ne pas se laisser berner par ces culs-de-sac idéologiques qui ne mènent à rien sinon à l’inactivité et au dépérissement du mouvement révolutionnaire.

Organisons-nous, pratiquons l’action collective et non pas isolée comme le revendiquent certains super-héros autoproclamés de la révolution.

Reconstruisons, sur des bases de classes, le seul parti qui ait pu faire trembler les puissants, le Parti COMMUNISTE Français ainsi que son mouvement de jeunes communistes révolutionnaires !

»» http://jrcf.over-blog.org/2018/02/quelques-notes-sur-l-insurrection-qu...
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