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Sophie Bessis. La civilisation judéo-chrétienne : anatomie d’une imposture

Sophie Bessis. La civilisation judéo-chrétienne : anatomie d’une imposture. Paris, Les Liens qui libèrent, 2025.

Sophie Bessis. Un esprit universel tourné vers le monde qui souffre. Citons, parmi d’autres ouvrages, L’arme alimentaire, La faim dans le monde, Les enfants du Sahel, L’Occient et les autres, Je vous écris d’une autre rive.

L’imposture dénoncée dans ce bref ouvrage méritait de l’être depuis quelque temps. L’expression « civilisation judéo-chrétienne » ne repose scientifiquement sur rien mais elle est « saturée d’idéologie ». Elle trompe bien un monde qui serait partagé entre elle et toutes les autres. Elle n’a pourtant pas rallié tous les chrétiens puisque dans l’Amérique du Centre et du Sud, dans l’Afrique centrale et australe, elle est quasi inexistante. En revanche, elle est très vivace en Israël, en particulier depuis que Benjamin Netanyahou l’a utilisé pour se poser en défenseur de la civilisation contre la barbarie musulmane.

Sophie Bessis rappelle la formule de Paul Valéry pour qui l’Europe était un « petit appendice de l’Asie. », et elle convoque Champollion : « Il est évident, pour moi comme pour tous ceux qui ont bien vu l’Egypte,n que les arts ont commencé en Grèce par une imitaion servile des arts de l’Egypte. »

Après le nazisme, tout a théoriquement basculé : « l’antisémitisme a été remplacé par une judéophilie officielle qui dicte en partie aux dirigeants leur politique et qui semble en être l’inquiétant miroir. »

Il est vrai que les persécutions des Juifs ne datent pas d’hier. En 1546, Luther suppliait les magistrats « d’exercer une pitié sévère contre ces misérables » et il leur demandait d’incendier les synagogues, de les forcer à travailler, voire de les « expulser comme des chiens enragés ». On imposa aux Juifs des vêtements spécifique, on leur interdit les emplois publics, on les enferma dans des quartiers qu’ils ne pouvaient plus quitter. Le terme et la pratique de ghetto fut imposé aux XVIème siècle aux Juifs en Italie. Il impliquait une séparation d’avec la population non juive et l’autorisation d’exercer certaines activités sous le contrôle de l’Etat., dans un environnement d’autant plus dégradé qu’il était ségrégué. A l’origine, le mot ghetto se prononçait jetto car on y jetait les scories de cuivre d’une ancienne fonderie du ghetto de Venise. Bessis rappelle fort opportunément que « le paroxysme antisémite du nazisme n’aurait pu advenir sans ces siècles de tradition antijuive.

Après la Seconde Guerre mondiale, comment l’Occident exterminateur a-t-il retrouvé « l’innocence perdue » ? Il a non seulement porté Israël sur les fonds baptismaux (sic) et il a ensuite « défendu inconditionnellement la politique expansionniste jusqu’à cautionner la colonisation systématique de ce qui restait de Palestine après la fondation de l’Etat et la guerre de 1948. »

Et pourtant, selon Bessis, l’islam y a mis du sien. Dans le Coran, Abraham apparaît à 67 reprises contre 51 fois pour Mahomet. Marie est la femme la plus citée et la plus vénérée. L’islam se situe donc « dans une évidente continuité avec les courants spirituels du temps de sa naissance. » Et l’on sait que, à partir du XIIème siècle, les universités européennes ont été « profondément influencée »s par l’Andalou Averroès, de son vrai nom Ibn Rochd, fin connaisseur de l’oeuvre de celui en qui beaucoup voient le « précurseur de la pensée de la Renaissance ».

Pour Sophie Bessis, la différence entre le judaïsme et les deux autres religions du Livre est qu’il est demeuré une « religion tribale réservée au peuple que Dieu aurait élu. Il a eu un moment prosélyte entre le Ier le IIIème siècle mais il a vite été confiné, ou s’est autoconfiné, dans un habitus communautaire dont il n’est pas vraiment sorti. A l’inverse, le christianisme puis l’islam ont d’emblée affiché une prétention universelle, s’adressant à tous les hommes sans distinction d’appartenance. » Et puis, en Europe, la stigmatisation de l’islam est devenu « un véritable genre littéraire, comme dans la chanson de Roland où les Basques ont été opportunément transformés en Sarrasins. » Mais on verra François Ier faire alliance avec le sultan Soliman contre Charles Quint.

Aujourd’hui, dans le monde musulman, la présence des Juifs se fait de plus en plus rare. Il reste quelques milliers de Juifs au Maroc, en Tunisie, en Turquie ou en Iran. Selon l’argumentaire de l’autrice (p. 66), l’Algérie se distingue par un véritable antisémitisme d’Etat "qui ne s’est pas démenti depuis l’indépendance". Par ailleurs, l’entrée des élites juives dans la modernité européenne à partir du XIXème siècle s’est opérée de concert avec la « répudiation de la part orientale ». Pour Theodor Herzl, le sionisme était « exclusivement européen ». Israël fut dirigé, pendant les premières décennies de son existence, par des intellectuels européens qui n’avaient de la Palestine qu’une connaissance livresque. Aujourd’hui, l’Etat hébreu a aidé à la « généralisation du couple judéo-chrétien ». Pour Netanyahou, « l’Europe se termine en Israël », en poste avancé de la civilisation judéo-chrétienne. Et il ira même jusqu’à affirmer, sur la chaîne d’information LCI, à l’adresse des Français, que « notre victoire c’est votre victoire contre la barbarie. »

Sophie Bessis insiste conséquemment sur le danger de la confusion entre Juifs et Israéliens : « si Israël représente tous les Juifs, ceux-là deviennent comptables des crimes commis en leur nom, alors que l’Etat hébreu est en train de glisser du statut de victime à celui de bourreau.

PS : lire un entretien entre Pascale Boniface et Sophie Bessis.

COMMENTAIRES  

18/08/2025 20:53 par kabouli

Tous ces gens oublient que si le judaïsme fut pourchassé, il ne fut pas interdit en occident et il est le premier rejeton de la "liberté d’opinion" qui allait se développer en Europe.Le christianisme est un judaïsme, les premiers chrétiens sont juifs et le christianisme est une aventure juive qui commence avec la secte juive des esséniens qui a l’époque cohabite avec les pharisiens dont se réclame aujourd’hui les juifs et les saducéens dominant le monde juif dominant, mais aujourd’hui .
D’après Marx, le christianisme est grec, ses apports orientaux sont accommodés par les grecs, faut-il rappeler que les grecs occupaient le moyen orient depuis plusieurs siècles après la conquête de cette partie du monde par Alexandre. Le judaïsme actuel a accaparé la Palestine de cette époque comme il s’en est emparé aujourd’hui. Le christianisme est à l’origine une secte juive comme une autre, mais qui a réussit à répandre la philosophie grecque sous une forme populaire, c’est-à-dire comme une religion. Le terme religion lui-même est un terme chrétien qui sépare la communauté de la croyance. On est chrétien non par la naissance mais par un acte de foi.
Le judaïsme a été la seule secte autorisée dans le totalitarisme chrétien et même protégé par les nobles et le clergé les persécutions si elles existent ne résument pas du tout les rapports du judaisme et du christianisme, le judaisme européen d’ailleurs se constitue avec le talmud et postérieurement au christianisme. L’anti-judaisme n’a rien a voir avec l’antisémitisme qui se constitue avec les Lumières et la Science comme idéologie totalitaire remplaçant le christianisme attaqué par la bourgeoisie naissante. Pour le juif est contrairement au chrétien laïc l’argent n’est pas un but , mais un moyen pour se livrer aux discussions débridées sur les textes révélés. Le mot "dieu" n’existe pas dans le judaisme. L’antisémitisme sous sa forme extrême, le nazisme est lié à la colonisation du monde par les commerçants européens et a sa justification pseudo-scientifique. Le judaisme a accompagné le christianisme comme les commerçants juifs ont accompagné les commerçants occidentaux.

19/08/2025 01:30 par Smaïl HadjAli

L’Algérie se distingue par un véritable antisémitisme d’Etat.

Monsieur Gensane, pourriez-vous étayer votre affirmation sur l"’antisémitisme d’État de l’Algérie, en citant les dispositifs juridiques et les lois qui le codifient, comme ce fut le cas avec les nazis et la France pétainiste et leur antisémitisme d’État.

19/08/2025 06:27 par lou lou la rien du tout

A Kabouli,

Vous avez quelque chose contre la "liberté d’opinion" ??

19/08/2025 09:48 par kabouli

lou lou etc...
Qu’est-ce qui vous fait supposer que j’aurais quelque chose contre la liberté d’opinion ?

19/08/2025 11:33 par lou lou la rien du tout

A Kabouli,
Réponse :
Ça, et la suite de votre commentaire et ses prétentions historiques quelque peu fantasmées :
"Tous ces gens oublient que si le judaïsme fut pourchassé, il ne fut pas interdit en occident et il est le premier rejeton de la "liberté d’opinion" qui allait se développer en Europe."

19/08/2025 22:42 par kabouli

Il est évident que si le judaïsme fut la seule religion tolérée dans l’espace chrétien d’occident - pour celui de l’Orient , je l’ignore - c’est la prémisse d’une expression différente de la pensée dominante. Si cela ne vous a jamais effleuré le fait et là, les premiers à bénéficier d’une liberté d’expression dans le totalitarisme chrétien furent les juifs. Les chrétiens eux-mêmes, ne bénéficiaient d’aucune liberté individuelle, sauf celle d’obéir aux idées dominantes ou.... de se révolter ce qu’ils faisaient souvent tout au cours du M-O..quant à mon histoire "phantasmée" elle tente d’expliquer ce que l’on sait sur cette question, il est évident qu’il faut écouter autre chose que BFM. Je cite même Marx qui fait du christianisme une idéologie grecque de la période finissante, c’est-à-dire semble-t-il d’Alexandre le grand et le pouvoir grecs de ses généraux sur l’Orient pendant plusieurs siècles. La Palestine est au coeur de la question puisque l’on sait que les palestiniens sont les descendants des premiers chrétiens et ceux des auteurs de la Bible...

20/08/2025 08:29 par lou lou la rien du tout

A Kabouli,

Juste à titre indicatif veuillez lire :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Conqu%C3%AAte_musulmane_de_l%27Hispanie
Si vous étiez né dans une colonie française du temps de la colonisation, vous auriez appris à l’école primaire que les arabes avaient poussé leur conquête jusqu’à Poitier.

Les musulmans n’ont été expulsés d’Espagne qu’en 1492 (7 siècles plus tard) en même temps que les juifs (ou l’inverse), mais il a dû en rester quelques uns et ils y ont laissé plus de traces culturelles et architecturales que les juifs (je dis ça de façon très grossière, évidemment, il y aurait des choses plus intéressantes à dire sur le sujet ; par exemple que les juifs servaient d’interprètes entre les penseurs de l’Islam et ceux de la chrétienté avides de s’approprier leurs connaissances.)

20/08/2025 10:20 par kabouli

Vos connaissances sont assez sommaires pour ne citer et conseiller que celles de l’ecole primaire et du très superficiel Wikipédia bien mal en point actuellement. Je comprends que le fait que la religion juive ait été la matrice de la "pensée libre" ou au moins différente de la pensée chrétienne ... ne vous dise rien.

20/08/2025 22:40 par Smaïl HadjAli

À l’attention de Monsieur Gensane
Permettez-moi de vous demander de nouveau de bien vouloir argumenter votre lapidaire et très lourde affirmation-accusation sur le" véritable antisémitisme d’État" de l’Algérie". En vous demandant cela, je pense aux militants et patriotes juifs algériens, ou d’autres nationalités, - française, américaine, entre autres- qui ont lutté au prix de leur vie pour l’indépendance de leur pays. Je pense à Jacqueline Guerroudj, née Netter, Djamila Amrane Minne, Henri Alleg, Elaine Mokhtefi, née Klein, William Sportisse, Daniel Timsit, Pierre Ghenaissia, Roland Raïs, Gaby et Roger Benichou, Gilberte Caballero,Georges Hadjadj, Lucien Hanoun, Gilberte Chemouili, Colette Khalfa, née Chouraqui, et bien d’autres.
Pour mémoire, Roger Hanin aurait -il demandé à reposer dans son pays de naissance si celui-ci pratiquait ce " véritable antisémitisme d’État", comme vous l’affirmez dans votre compte rendu. Certes des sentiments et des préjugés anti juifs existent malheureusement, et nous devons les combattre, mais relèvent- ils pour autant d’un "antisémitisme d’État".Si cela avait été le cas, les ennemis colonialistes, fascistes, et autres pétainistes, de l’Algérie, héritiers de ceux qui applaudissaient les fours crématoires, l’auraient non pas crié, mais hurlé sur tous les toits
Dans son livre, Sophie Bessis n’écrit -elle pas que les juifs et les musulmans
 en terre d’islam ont cohabité. « de façon autrement moins violente que dans la chrétienté ».
L’antisémitisme, qui, plus est d’État, est une sinistre invention de la civilisation occidentale.
Les forces fascistes et sionistes convergent aujourd’hui pour coller l’au monde berbéro-arabe, arabe, et musulman un concept et une idéologie qui lui sont historiquement étrangers. À cet effet, n’est-ce pas Netanyahou, révisionnisme sioniste obligé, qui a officialisé, en 2015 lors du 37ème Congrès juif mondial, cette abjection en innocentant Hitler et en accusant le grand mufti d’El Qods, d’avoir été l’instigateur, sinon l’inspirateur de la "solution finale".

19/08/2025 01:30 par Smaïl HadjAli
L’Algérie se distingue par un véritable antisémitisme d’Etat.

Monsieur Gensane, pourriez-vous étayer votre affirmation sur l"’antisémitisme d’État de l’Algérie, en citant les dispositifs juridiques et les lois qui le codifient, comme ce fut le cas avec les nazis et la France pétainiste et leur anti sémitisme d’État.

21/08/2025 08:55 par Bernard Gensane

A Smaïl,
Avez-vous lu le livre de Bessis, à tout le moins les pages 66 et 67 ?

21/08/2025 17:35 par lou lou la rien du tout

« Vos connaissances sont assez sommaires pour ne citer et conseiller que celles de l’ecole primaire et du très superficiel Wikipédia bien mal en point actuellement. »
C’est parce que les vôtres n’ont manifestement pas encore atteint ce niveau-là que j’ai pris la peine de vous communiquer ces informations.

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