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Syrie : Amnesty International, le changement de régime et un ambassadeur (Dissident Voice)

L’absolutisme trempé dans le meurtre - Ernst Munster, 1766-1839

Allons, les amis, il est temps de passer à autre chose ! Il n’y a plus rien à voir ici. Un homme du pétrole qui a passé de nombreuses années aux Etats-unis a reçu le titre de "premier ministre intérimaire" de Libye. Le moment est venu d’aller renverser un autre gouvernement.

Ne parlons pas des morts, des désespoirs, des destructions, des charniers et des assassinats de masse dont l’OTAN est responsable, ni du nettoyage ethnique perpétré au sol par les forces dirigées par ses services spéciaux. Il faut extraire le pétrole, se partager les contrats de reconstruction, se livrer un peu au pillage - et quasiment aucun compte ne sera demandé pour tous les avoirs libyens gelés qui sont rendus au compte goutte. Vous vous souvenez de la disparition des milliards irakiens ? Chaque jour on crée un précédent, chaque jour une nouvelle spoliation.

Et la propagande habituelle, battue au point d’en être écornée mais toujours efficace, est de retour.

Elle nous ramène 20 ans en arrière - en août 1990 pour être exact. A l’époque où les bébés koweitiens étaient arrachés à leurs incubateurs, jetés par terre et abandonnés à la mort par les soldats irakiens, aux dires d’une "infirmière" prétendant travailler au Koweït dont le témoignage était garanti par Amnesty International. C’était complètement faux mais ça n’en a pas moins constitué sans doute le point critique qui a servi de prétexte aux 42 jours de bombardement et à la première destruction de l’Irak sous le nom de "Opération tempête dans le désert". (1)

En août dernier, on racontait que les bébés syriens étaient morts dans des incubateurs après que le président syrien Bashar al-Assad ait coupé l’électricité. Une photo montrait de pauvres petits êtres, serrés les uns contre les autres, et bizarrement couverts de sang.

Cependant une méticuleuse enquête de Ali Abunima a soulevé des questions. La photo était en fait une photo trafiquée ; elle venait d’une revue égyptienne publiée antérieurement pour illustrer les conditions de surpopulation des unités de pédiatrie du pays - mais dans la photo originale les bébés étaient roses et un bonne santé.

Puisqu’on voit s’épaissir le brouillard de la désinformation, il est utile de rappeler que le président Assad a fait des études de médecine, qu’il a exercé pendant des années comme médecin avant de se spécialiser en ophtalmologie au prestigieux hôpital St Mary de Londres. Sa carrière dans la médecine a été interrompue par la mort de son frère, Bassel, qui devait succéder à leur père, dans un accident de voiture à Damas en 1994.

Quand un homme, qui a consacré sa vie à la médecine, est accusé de s’en prendre à des bébés, il faut quand même se poser des questions. De plus, en période d’agitation, un tel comportement aurait peu de chance de rallier les opposants.

Le 25 octobre, Amnesty a publié un rapport de 36 pages qui était constitué principalement d’articles de journaux et de vidéos anonymes qui "prouvaient" que d’horribles exactions étaient commises dans les hôpitaux syriens ; on y trouvait une version des bébés arrachés aux incubateurs, "...on a enlevé son appareil respiratoire à au moins un patient inconscient... " avant de l’emmener, selon un "agent de santé" anonyme.

Quatre jours après la parution du rapport, Amnesty a organisé une manifestation à Londres : "Plus de sang - Plus de peur", à l’extérieur de l’Ambassade de Syrie.

Chris Doyle, le directeur du Council for Arab British Understanding, a dit aux manifestants que "même les ânes sont devenus les cibles de l’armée syrienne" et qu’on avait coupé l’eau parce que le gouvernement disait qu’elle avait été polluée par des drogues hallucinogènes. Faut-il être cynique pour penser que ça ne tient pas plus debout que le Viagra que le Colonel Kadhafi a donné à ses troupes - ou que les armes de destruction massive de l’Irak ?

Mais Doyle a éclairé un peu les choses en demandant que "les organisations des droits de l’homme" puissent entrer en Syrie. Si Amnesty s’est servi d’informations de seconde main pour rédiger son rapport, peut-on lui apporter plus de crédit qu’aux bébés du Koweït arrachés aux incubateurs ?

Franklin Lamb ne le pense pas et il a écrit un article détaillé sur ce qui se passe dans les hôpitaux syriens, à partir d’informations qui semblent récentes, libres et de première main. Il a aussi les numéros de téléphone de plusieurs membres du personnel médical qui veulent inviter Amnesty à venir se rendre compte par eux-mêmes.

On dirait qu’on prépare l’opinion pour le changement de régime en Syrie. Aujourd’hui, "un diplomate de haut rang... et un ancien enquêteur de l’ONU" qui bien sûr "parlent tous deux sous condition d’anonymat" ont révélé que la Syrie a une installation nucléaire secrète.

"On soupçonne" que la Syrie a utilisé des services de Abdul Qadeer Khan, "le père de la bombe atomique pakistanaise pour acquérir la technologie des armes nucléaires".

Les installations ressemblent "beaucoup" à celles de la Libye à l’époque où ce pays essayait de développer des armes nucléaires. Cependant, avant de vous précipiter dans un abri atomique ou d’attraper une bombe à charge pénétrante de 2000lb (909kg), lisez la suite :

Le complexe, situé dans la ville de Hasakah, semble être maintenant une usine de filature de coton et les enquêteurs n’ont trouvé aucun élément permettant de confirmer que ce site ait autrefois été utilisé à des fins nucléaires.

Israël a bien sûr bombardé une installation "soupçonnée" d’être nucléaire en 2007, la question de la légalité d’une telle action étant comme d’habitude hors de propos.

La Syrie est aussi souvent accusée de poser des mines le long de la frontière libanaise pour empêcher les infiltrations. C’est peut-être vrai, qui sait ? Si c’est vrai, le meilleur moyen de décourager cette entreprise serait de tendre la main à la Syrie. La plupart des gens prennent des mesures de protection quand ils se sentent menacés.

C’est sûrement une coïncidence que les troubles qui ont mis la Syrie au coeur de l’actualité surviennent peu de temps après l’arrivée en Syrie du premier Ambassadeur étasunien depuis 2005.

L’Ambassadeur Robert Ford est arrivé à Damas le 16 janvier de cette année. Le 31 janvier, une "journée de la colère" a été annoncée pour le 4 février. Comme l’a fait remarquer Michel Chossudovsy, l’Ambassadeur a un CV intéressant - dans lequel la diplomatie ne figure pas en tête de ses capacités. On ne le plus depuis qu’il a été bombardé de tomates.

La Syrie est sous embargo depuis 2004. Les Etats-Unis ont gelé tous les avoirs du pays. Pourtant la Syrie a ouvert ses frontières à 2 millions de réfugiés irakiens après l’invasion de 2003 sans aucune contre-partie. La Libye en a accueilli 100 000. Les gens ne cessent de fuir et de mourir, les pays de la région vivent dans la peur constante d’être la prochaine cible. Mais ce sont les diplomates syriens que Kate Allen, la directrice d’Amnesty International, qualifie de représentants de "la répression et l’injustice".

Peut-être qu’il faudrait plutôt balayer devant notre porte.

Incidemment, le 31 octobre, le jour où la libération de la Libye a été annoncée et où la "mission" de l’OTAN a pris fin, c’était l’anniversaire du bombardement par les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France, de l’Egypte en 1956 pour les forcer à rouvrir le canal de Suez. Le même jour en 1968, Lyndon B. Johnson a annoncé la fin des bombardements du Vietnam du nord.

D’interminables années de mensonges sous couvert de libération, et autant de détournements de fonds sous couvert de tyrans qui terrorisent leur population.

Felicity Arbuthnot

photo du logo : Robert Stephen Ford, Ambassadeur US en Syrie. Ancien chef de mission adjoint à Bahrein (2001-2004) et ancien conseiller à l’ambassade US à Bagdad (2004-2006) - Wikipedia.

Note :

1. John R. MacArthur, Second Front : Censorship and Propaganda in the 1991 Gulf War, November 1993, Chapitre 2.

Felicity Arbuthnot est une journaliste spécialiste de l’Irak. Elle a écrit avec Nikki van der Gaag : "Baghdad in the Great City" et des séries pour World Almanac books ; elle aussi dirigé les recherches de deux documentaires de John Pilger qui ont gagné des prix sur l’Irak : "Paying the Price : Killing the Children of Iraq" et "Denis Halliday Returns" pour la télévision irlandaise.

Pour consulter l’original : http://dissidentvoice.org/2011/11/syria-amnesty-international-regime-c...

Traduction : Dominique Muselet pour Le Grand Soir

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