Un "deal" russo-américain pour mettre fin au conflit syrien

De Londres où il se trouvait, le secrétaire d’Etat américain John Kerry avait quelque peu désarçonné les « va-t-en-guerre » jusqu’au-boutistes en déclarant que le « président syrien pourrait éviter des frappes en mettant sous contrôle son arsenal chimique », en ajoutant tout de même « qu’il (B. Assad) n’est pas près de le faire et il ne le peut pas ».

La grande surprise a été néanmoins que presque aussitôt dans la même journée son homologue russe Sergueï Lavrov a annoncé de son côté que son pays avait appelé la Syrie à « placer sous contrôle international son arsenal chimique ». Il s’en est suivi presque instantanément une cascade de réactions internationales quasiment toutes favorables à l’initiative russe, dont celle du président américain Obama qui a estimé « potentiellement positive » la proposition de Moscou, et celle du régime syrien dont le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem qui se trouvait précisément dans la capitale russe (est-ce un simple hasard ?) a « salué la proposition » de l’allié russe.

Damas n’en est d’ailleurs pas restée au salut de la proposition russe puisqu’elle a fait savoir peu après qu’elle l’acceptait. Depuis, l’amorce d’une détente s’est produite dans la gestion internationale de la crise syrienne. Barack Obama a décidé de différer sa décision d’ordonner des frappes en Syrie, le Sénat et la Chambre des représentants américains ont fait de même concernant leur vote sur la question.

Manifestement l’initiative russe a réussi à bloquer l’engrenage dont le déclenchement était en train de conduire à l’intervention militaire en Syrie et au risque d’une conflagration qui s’étendrait au-delà des frontières de ce pays. Il est mal venu de réagir comme le font les médias français qui ne voient dans cette initiative que « ruse dilatoire du Kremlin et de Damas » pour les uns, de « reculade de Moscou » pour d’autres et de « victoire pour ceux qui ont exercé la pression militaire » pour le reste. Moscou a tout simplement fait preuve de réalisme dans le bon sens du terme. Poutine a appliqué en l’occurrence le conseil des grands stratèges politiques et militaires qui veut qu’il faut laisser une porte de sortie honorable à l’adversaire. Il l’a d’autant suivi qu’il a eu conscience que le président américain s’est engagé à reculons dans la voie de l’action militaire contre la Syrie et qu’il ne pouvait y renoncer sans que lui soit offerte l’opportunité convaincante de le faire.

Il est plus que probable que la déclaration à Londres de John Kerry et celle peu après de Lavrov à Moscou, de même que la présence opportune du ministre syrien Walid Mouallem dans cette capitale résultent d’un plan de règlement de la crise syrienne sur lequel Obama et Poutine se sont secrètement entendus à travers une négociation souterraine et indirecte. Les deux présidents ont le même intérêt à stopper la dangereuse escalade de la surenchère guerrière que connaît le conflit et ont dû convenir qu’il leur fallait en sortir leur pays par le haut sans que ni l’Amérique ni la Russie n’en soient humiliées.

Un pragmatisme qui semble avoir désarçonné Paris qui en la circonstance n’a vraisemblablement pas été consultée et tente déjà de faire capoter l’initiative russe. Ce à quoi vise son empressement à vouloir soumettre au Conseil de sécurité un projet de résolution qui va plus loin que la seule exigence pour la Syrie de placer sous contrôle international son arsenal chimique. Paris veut qu’il en soit non seulement ainsi mais que soit aussi condamné le régime syrien pour l’usage des armes chimiques, ce qui n’a été en aucune façon démontré. Hollande et Fabius jouent aux durs et inflexibles avec le pathétique espoir que leur posture vaudra à la France de ne pas être écartée du tête-à-tête russo-américain qui est devenu la réalité déterminante dans la crise syrienne.

Kharroubi Habib

http://www.lequotidien-oran.com/

COMMENTAIRES  

11/09/2013 18:25 par Dwaabala

Obama et Poutine se sont secrètement entendus

A ce train, il ne restera plus, dans quelques jours, qu’à établir qu’en fait l’initiative venait d’Obama qui aurait fait pression sur Poutine en brandissant la menace du vote du Congrès et que, pour

laisser une porte de sortie honorable à l’adversaire,

il lui a laissé le soin d’annoncer la proposition.

11/09/2013 22:16 par Antar

@Dwaabala

Au Canada, le train est déjà là... Les journalistes (radio/télé/journaux) francophones comme anglophones l’ont attrapé au vol... Genre : ’’ la pression franco-américaine et les bruits de bottes ont infléchi l’intransigeance de Bachar El Assad, ce qui a amené son parrain russe à reculer et consentir à des concessions...’’ Un journaliste a même avancé que ’’avec ce dénouement, OBAMA mérite bien son Prix Nobel de la paix...’’ C’est dire si on vit sur la même planète...

12/09/2013 00:58 par Quidam

Je partage tout à fait l’analyse de Kharroubi Habib … si ce n’est qu’il me semble assez curieux de prétendre voir une entente secrète russo-américaine au G20 quand on vient juste de reprocher – à très juste titre – aux parties bellicistes d’avancer des allégations sans la moindre preuve !

Il s’agirait d’être un minimum rigoureux intellectuellement parlant tout de même & de commencer par balayer devant sa porte, non ?

Ça me semble d’autant plus curieux que la sortie de John Kerry n’avait de toute évidence rien de préparé sachant qu’elle se situait dans le cadre d’une conférence de presse à Londres où des journalistes lui posaient des questions à brûle-pourpoint.

Quiconque a suivi attentivement cette séance de questions-réponses n’a pu qu’observer que John Kerry n’était pas spécialement à l’aise pour répondre à cette question lui demandant ce que les autorités syriennes pourraient bien faire pour éviter cette guerre, ce qui soulignait clairement que nul n’ignorait que pour des raisons obscures les USA et leurs valets avaient décidé de s’attaquer à la Syrie & que les dés étaient jetés quoiqu’il arrive.

Cela ne cadre pas franchement non plus avec le fait qu’à peine John Kerry avait-il décollé de Londres pour rejoindre Washington ses propres services aux USA se sont fendus d’un communiqué tentant de minimiser ses propos en indiquant qu’il ne s’agissait pas d’une proposition formelle mais d’une simple formule rhétorique.

John Kerry ce n’est pas n’importe qui aux USA, c’est le N°1 en matière de diplomatie & de relations extérieures, l’équivalent dans d’autres pays du ministre des Affaires étrangères, & il est directement placé sous la seule autorité de Barack Obama, vu qu’il n’y a pas de premier ministre & que le vice-président n’a aucune autre autorité que celle de pallier le cas échéant à la disparition ou l’incapacité du président à gouverner.

Dans ces conditions n’est-ce pas curieux tout de même qu’un sous-fifre de ses propres services se soit fendu de ce communiqué & ne serait-il plus probable qu’il ait été fait suite à injonction de la Maison blanche s’agaçant de propos inattendus dont elle ne serait pas à l’origine ?

Ce n’est que le lendemain matin, quand John Kerry était rentré à Washington, que Barak Obama a déclaré considérer sérieusement la proposition russe que Sergueï s’était très adroitement empressé de reprendre au bond.

Enfin - sauf à s’appeler Thierry Meyssan bien sûr – rien ne semble indiquer qu’il s’agirait d’une entente secrète ou je ne sais quel autre délire complotiste, bien au contraire.

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