Création au Moyen-Orient d’une zone libérée des armes nucléaires et de toutes les autres armes de destruction de masse : c’est ce que demande la déclaration finale de la Conférence sur la révision du Traité de non-prolifération (Tnp), rédigée à New York le 28 mai par les représentants de 189 Etats. A cette fin, ces Etats ont donné mandat au Secrétaire général des Nations Unies pour qu’il convoque en 2012 une conférence des Etats de la région. En même temps, ils invitent Israël à adhérer au Tnp et à permettre des inspections sur ses sites nucléaires par l’Agence internationale pour l’énergie atomique (Aiea).
C’est donc une bombe politique qui a explosé à New York : une conférence qui, dans l’intention de Washington, aurait du mettre en accusation l’Iran, a par contre montré du doigt le seul Etat de la région en possession d’armes nucléaires : Israël.
« Oui » d’Obama, Israël refuse
Alors que l’Iran s’est dit favorable à la conférence de 2012, Israël a immédiatement rejeté la proposition, en définissant comme « hypocrite » la déclaration de la Conférence sur le Tnp, laquelle « ignore les menaces réelles qui pèsent sur la région et sur le monde entier ».
Et il ne semble pas possible que Washington fasse pression sur Israël pour le contraindre à adhérer au Tnp, ce qui reviendrait à admettre clairement qu’il est le seul Etat de la région à posséder des armes nucléaires. Le conseiller de la Maison Blanche pour la sécurité nationale, le général James Jones, avait déjà « déploré » le fait qu’Israël soit nommé, en déclarant que cela mettait « en doute » la conférence de 2012. Plus tard, cependant, la Maison Blanche a assoupli sa position. Le président Obama a déclaré : « Les Etats-Unis saluent un accord qui comporte des étapes équilibrées et réalistes ». Il a ajouté, par contre, confirmant ainsi la position du général Jones, être « fortement opposé » au fait qu’Israël soit mis en évidence dans la déclaration.
S’annonce ainsi une autre, longue, bataille diplomatique. On n’oubliera pas, en tous cas, que pour importante que soit cette bataille (comme l’est la déclaration de la Conférence de New York), ce qui compte ce ne sont pas les paroles mais les faits.
La course se poursuit
Les faits démontrent que les Etats en possession d’armes nucléaires (Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Chine, Israël, Inde, Pakistan et Corée du Nord) n’entendent pas y renoncer mais, tout en en limitant le nombre, continuent à les moderniser. A cet égard le nouveau traité START entre Russie et Usa est emblématique. Il ne limite pas le nombre des têtes nucléaires utilisables dans les deux arsenaux, mais seulement les « têtes nucléaires déployées » : c’est-à -dire celles qui sont prêtes au lancement sur des vecteurs stratégiques d’une portée supérieure à 5.500 Kms : le plafond est établi à 1.500 engins de chaque côté, mais il est en réalité supérieur car chaque gros bombardier est comptabilisé comme une seule tête alors qu’il en transporte vingt ou plus. Nous sommes bien loin du désarmement nucléaire. Chaque partie non seulement conservera prêt au lancement un nombre de têtes nucléaires en mesure de balayer l’espèce humaine de la surface de la Terre, mais pourra continuer à potentialiser qualitativement ses propres forces nucléaires.
C’est dans ce but que se développent des vecteurs de plus en plus sophistiqués pour le lancement des armes nucléaires. Et c’est dans ce domaine que se déplace de plus en plus la course aux armements. Dans le Nuclear Posture Review Report 2010, le Pentagone confirme qu’il est en train de développer de nouveaux types de vecteurs stratégiques (non limités par le nouveau START avec la Russie). Alors que dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale le président Obama répudie la doctrine Bush, en mettant l’accent sur la « coopération globale », le Pentagone accomplit un pas décisif dans un des points clé de la doctrine Bush : la militarisation de l’espace.
De la Terre à l’espace
L’Us Air Force annonce que l’avion X-51 Waverider vient d’effectuer un « vol hypersonique historique ». Propulsé par un moteur ramjet à combustion qui brûle l’oxygène atmosphérique, cet avion sans pilote, lancé à partir d’un bombardier B-52, a volé pendant trois minutes en atteignant Mach 5 (5 fois la vitesse du son). Le test, fruit de sept années de travail, est défini comme un « succès d’importance inestimable » : selon Charlie Brink, responsable du programme, cela équivaut à ce qui fut le passage des avions à hélices aux jets. Cet avion fournit aux Etats-Unis la technologie nécessaire « au futur accès à l’espace et aux armes hypersoniques ».
Quelques jours avant, l’Us Air Force avait lancé le X-37B, un avion spatial réalisé par Boeing semblable au Shuttle mais complètement robotisé, pouvant rentrer à la base après sa mission. Le lancement du premier véhicule spatial sans pilote, a annoncé le colonel André Lovett, « assure à nos combattants les capacités dont ils auront besoin dans l’avenir ». Le X-37B sera utilisé dans diverses missions : il peut mettre en orbite rapidement de petits satellites militaires pour des actions guerrières déterminées ; il peut « inspecter, saisir et faire éjecter hors de leur orbite des satellites, amis ou adversaires » (en aveuglant ainsi l’ennemi avant l’attaque) ; il peut lancer depuis l’espace les « dards de Dieu » ( !, Ndt), armes qui détruisent l’objectif avec un impact cinétique semblable à celui d’un météorite ; il peut en même temps lancer depuis l’espace des missiles nucléaires.
Ces armes et quelques autres, spatiales, qui sont en train d’être expérimentées, sont à la disposition du « Global Strike Command », le commandement de l’aéronautique pour l’attaque globale, activé par l’administration Obama en août 2009, deux mois avant que celui-ci ne reçoive le Prix Nobel pour la Paix (italiques de la traductrice). Situé à la base de Barksdale, avec un personnel d’environ mille spécialistes, le commandement sera complètement opérationnel en août prochain. Il réunit sous un commandement unique les bombardiers d’attaque nucléaire et les missiles balistiques intercontinentaux à tête nucléaire. Sa mission est d’assurer aux Etats-Unis la capacité d’ « attaquer n’importe où, à n’importe quel moment, avec une rapidité et une précision jamais atteintes ». Cette capacité sera potentialisée par les avions spatiaux et les armes hypersoniques, qui, dans cette perspective, pourraient rendre obsolètes même les bombardiers et les missiles intercontinentaux. Ceci fait sauter les bases mêmes du nouvel accord Start, l’accord Usa-Russie pour la réduction des têtes nucléaires, lui-même déjà mis en péril par le projet états-unien du « bouclier spatial ».
Comme la Russie, la Chine et quelques autres pays sont en mesure, même à distance, de suivre les Etats-Unis dans ce type de réalisation, s’ouvre ainsi la course à la militarisation de l’espace, qui brûlera d’autres énormes ressources économiques nécessaires à améliorer la vie sur la planète Terre.
MANLIO DINUCCI, TOMMASO DI FRANCESCO
Edition de dimanche 30 mai 2010 de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio