Emilio ALESSANDRONI
Il s'agit d'une critique d'un livre qui n'a jamais été publié. En effet, ce livre n'a pas encore été traduit en français. Le but de cette traduction est précisément d'intéresser les lecteurs et, espérons-le, un éditeur afin que ce livre puisse également être publié en France.
L'auteur, Emiliano Alessandroni, est l'un des élèves les plus proches de Domenico Losurdo, qui, tant qu'il était en vie (il est malheureusement décédé en 2018), était le plus grand philosophe marxiste vivant et un grand ami de la Chine. Ses livres ont permis de résister à l'avancée du libéralisme après la fin du bloc soviétique et de lutter contre le retour de l'impérialisme et du colonialisme. Avec ce livre, Emiliano Alessandroni poursuit l'œuvre de son maître.
Les thèmes abordés, Démocratie et Dictature, sont d'actualité depuis des décennies. Des guerres « humanitaires » ont été menées pour apporter la démocratie à des peuples vivant dans ce qui était considéré comme des dictatures. C'est peut-être l'exemple le plus clair de la façon dont, dans la pensée actuelle, les deux termes sont opposés et ne se recoupent pas. Ce point de vue extrêmement libéral est démonté par Alessandroni, qui montre, à partir des dialectiques hégélienne et marxiste, qu'il s'agit en réalité des deux (…)
Emilio ALESSANDRONI
par Emiliano Alessandroni, Comité central du PCI
L'un des cas les plus fréquents où la logique binaire prend le pas sur la logique dialectique se trouve dans la tendance commune à réduire l'ontologie marxiste complexe au déconstructionnisme. Lorsqu'un terme est fréquemment utilisé par une force politique avec des connotations idéologiques précises, la force opposée a souvent tendance à nourrir un certain mépris à son égard et à le rejeter d'emblée. Or, le marxisme, qui constitue entre autres une "critique de l'idéologie", ne peut mener une telle opération de démasquage de la "fausse conscience" que dans la mesure où il oppose aux processus d'idéologisation une certaine objectivité.
Le langage lui-même est soumis à des relations de pouvoir, qui agissent non seulement sur le processus de sélection des termes, mais aussi sur leur utilisation.
"Liberté", "progrès", "démocratie" sont des lemmes qui ont connu de nombreuses variantes idéologiques, des usages instrumentaux multiples, (…)
Emilio ALESSANDRONI
C'était en 2016. Ce livre inestimable de Domenico Losurdo venait de sortir, l'avant-dernier avant sa mort (survenue en 2018), qui retrace par étapes l'histoire philosophico-politique de l'idée de " paix " (mais aussi des guerres et des dangers de la guerre) de la fin du XVIIe siècle à nos jours. Voici l'entretien que j'ai réalisé avec lui dans un passé pas si lointain et qui pourtant peut peut-être nous faire comprendre bien des choses sur les conflits armés de notre présent. Je la reproduis ici dans son intégralité en espérant qu'au-delà de la diversité des opinions, elle pourra enrichir le débat actuel d'un contenu nouveau
Entretien avec Domenico Losurdo
Alessandroni - Commençons par un lien immédiat : le thème central de votre nouveau livre (D. Losurdo, Un monde sans guerre. L'idée de paix des promesses du passé aux tragédies du présent, Carocci, Rome) ne peut qu'évoquer, pour les lecteurs qui ont un peu suivi votre parcours intellectuel, un autre thème auquel vous avez consacré de l'attention au cours de vos études : celui de la non-violence (cf. La non-violenza. Una storia fuori dal mito, Laterza, Roma-Bari 2010). Existe-t-il un fil conducteur entre ces thèmes et entre ces deux études ?
Losurdo - Le livre sur la non-violence aboutit à un résultat très surprenant pour le lecteur ordinaire. Au moment du déclenchement de la Première Guerre mondiale, Gandhi s'est proposé comme "recruteur en chef" de troupes indiennes pour l'armée britannique et a lancé un appel à la mobilisation totale : l'Inde devait être prête à "offrir tous ses fils capables en sacrifice pour l'Empire en cette heure critique" ; (…)
Emilio ALESSANDRONI
Emiliano Alessandroni est un jeune philosophe italien, élève de Domenico Losurdo, et militant communiste du PCI. Il enseigne à l'université d'Urbino comme son maître. Alessandroni a repris les principales catégories de Losurdo (sur le libéralisme, la démocratie, l'impérialisme et la lutte des classes) et continue à les développer dans la lignée de Losurdo. Il est l'auteur d'ouvrages très intéressants sur Hegel, Lukacs et Gramsci.
Il y a aujourd'hui 150 ans que Lénine est né. Et comme d'habitude, toute la presse libérale se lance dans une campagne de diabolisation et de criminalisation du leader révolutionnaire.
Une campagne qui prend facilement racine même à gauche, où le léninisme devient souvent synonyme de violence et de penchant autoritaire, à opposer à la pureté du pacifisme gandhien.
Un schéma qui ne convainc toutefois pas Losurdo et qui, dans "La non-violenza. Una storia fuori dal mito" est largement remis en question.
Nous ne reprendrons ici qu'un extrait de ce qui est dit dans ce volume et la grande comparaison faite entre "le parti de Lénine" et "le parti de Gandhi".
Au début de la guerre, bien que partant de positions très différentes, Lénine rend hommage aux milieux du "pacifisme anglais" et en particulier à Edmund Dene Morel, un "bourgeois exceptionnellement honnête et courageux", membre de l'Association contre la conscription et auteur d'un essai démasquant l'idéologie "démocratique" (…)
Emilio ALESSANDRONI
La bataille pour la régularisation des travailleurs migrants (dont ce que nous voyons ces jours-ci ne devrait être par nous-mêmes conçu que comme la première étape d’une longue série de revendications) constitue une bataille de civilisation. Mais aussi une lutte qui marque la lutte entre une culture de droite et une culture de gauche, c’est-à-dire entre particularisme et universalisme.
En effet, dans cette lutte est en jeu le principe selon lequel chaque individu en tant que tel, indépendamment de son appartenance à ce ou cet État, est titulaire de droits.
Ceux qui refusent la régularisation des travailleurs migrants sont en fait en train de rejeter ce principe et de promouvoir des clauses d’exclusion sur la base de la race. Il défend en substance une conception non universelle mais partielle du droit. Et avec elle une conception non universelle mais partielle de l'homme.
L’universalisme doit constituer le terrain conceptuel et de valeur minimum sur lequel peuvent naître ensuite des controverses, des affrontements et des discussions. Déjà ce terrain est à l’intérieur extrêmement problématique et en soi insuffisant pour empêcher le recours à la violence. Le terrain du particularisme, cependant, non seulement n’empêche pas l’avènement de la brutalité, mais constitue de fait le royaume de la cruauté perpétuelle, le règne de la violence devenue loi. (…)