auteur Prabhat PATNAIK

La quête d’expansion de l’impérialisme

Prabhat PATNAIK

"L'effort inévitable du capital financier", écrivait Lénine dans L'impérialisme, “est d'élargir ses sphères d'influence et même son territoire réel”. Il écrivait bien sûr dans un monde marqué par la rivalité inter-impérialiste, où cet effort prenait la forme d'une lutte concurrentielle entre des capitaux financiers rivaux qui ont rapidement achevé le partage du monde, ne laissant aucun « espace vide » ; seul un repartage du monde était désormais possible, par le biais de guerres entre oligarchies financières rivales.

Les guerres qui ont été déclenchées ont cependant conduit à un affaiblissement de l'impérialisme et à la séparation de certaines parties du monde de son hégémonie, par le biais des révolutions socialistes et du processus de décolonisation que le socialisme a contribué à mettre en place. La poursuite de la centralisation du capital, qui a conduit à sa consolidation, a, d'une part, atténué la rivalité inter-impérialiste, puisque le capital veut désormais que le monde entier, non divisé en sphères d'influence de puissances rivales, soit le domaine de son libre mouvement ; d'autre part, elle a également conduit à une tentative de la part de l'impérialisme désormais unifié de réaffirmer son hégémonie sur les territoires qui s'étaient détachés de lui auparavant. Les deux armes utilisées par l'impérialisme pour atteindre ce dernier objectif sont : l'imposition d'un ordre néolibéral dans le monde qui annule essentiellement les effets de la décolonisation, et le déclenchement de guerres (…)

Mesurer la pauvreté ou « embellir » le néolibéralisme ?

Prabhat PATNAIK

La nouvelle mesure de la « pauvreté multidimensionnelle » par la Banque mondiale et al. est conceptuellement erronée.

Plusieurs organisations internationales se sont lancées dans la mesure de ce qu'elles appellent la « pauvreté ». La Banque mondiale s'y emploie depuis un certain temps, mais nous disposons désormais d'une nouvelle mesure de la « pauvreté multidimensionnelle » élaborée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l'Oxford Poverty and Human Development Initiative (OPHI). Toutefois, aucune de ces mesures ne mesure réellement la pauvreté ; elles finissent généralement par « embellir » le capitalisme néolibéral. En fait, selon les estimations de la Banque mondiale, la proportion de la population mondiale qui vit dans « l'extrême pauvreté » (c'est-à-dire en dessous d'une dépense quotidienne par habitant de 1,90 $ au taux de change à parité de pouvoir d'achat de 2011) est passée de plus de 30 % à la fin des années 1990 à moins de 10 % en 2022, ce qui laisse entendre que, sous le capitalisme néolibéral, « des millions de personnes ont été sorties de la pauvreté ». (…)

La stagnation de l’économie mondiale

Prabhat PATNAIK

LE fait que l'économie mondiale ait ralenti depuis la crise financière de 2008 est incontestable. En fait, même les économistes conservateurs étasuniens ont commencé à utiliser le terme de "stagnation séculaire" pour décrire la situation actuelle (bien qu'ils aient leur propre définition de ce terme). L'objectif de la présente note est de donner quelques chiffres sur les taux de croissance afin d'établir ce point particulier.

Les calculs du PIB, notoirement peu fiables pour certains pays, le sont encore plus pour l'ensemble du monde. En Inde, de nombreux chercheurs ont mis en doute les estimations officielles du taux de croissance du PIB et ont suggéré que ce taux ne pouvait guère être supérieur à 4-4,5 % par an au cours des dernières années, alors que les statistiques officielles font état d'un taux d'environ 7 %. L'exaltation suscitée par l'accélération de la croissance du PIB dans la période néolibérale par rapport à la période dirigiste semble tout à fait déplacée ; et si le taux de croissance du PIB a à peine augmenté par rapport à la période précédente, alors que les inégalités se sont considérablement creusées, l'affirmation selon laquelle la condition des travailleurs s'est détériorée dans la période néolibérale, comme le montrent clairement d'autres indicateurs tels que les chiffres relatifs à l'apport nutritionnel, serait encore plus solidement établie. Mais malgré la fragilité totale des (…)

Les pièges de la croissance dans un contexte de libre-échange

Prabhat PATNAIK

La stratégie de croissance qu'implique le néolibéralisme est donc fondamentalement inacceptable d'un point de vue éthique ; elle oblige les pays du tiers monde à se battre les uns contre les autres, ce qui est essentiellement une stratégie bourgeoise.

L'économiste français Jean-Baptiste Say pensait qu'il ne pouvait jamais y avoir de problème de demande globale dans une économie, que tout ce qui était produit était ipso facto demandé. Il peut bien sûr y avoir trop de goupilles de sécurité et trop peu de lames, mais en dehors de ces micro-décalages, il ne peut jamais y avoir trop peu de demande pour l'ensemble de la production. Cette affirmation, appelée "loi de Say" en économie, est évidemment une absurdité, car si elle était vraie, il ne pourrait jamais y avoir de crise de surproduction. Marx avait cloué au pilori la loi de Say et, dans les années 1930, James Maynard Keynes et Michal Kalecki, séparément et presque simultanément, en ont également démontré l'infirmité logique. Cependant, l'économie bourgeoise, refusant de concéder la moindre faille dans le fonctionnement du capitalisme, a cherché assidûment à rétablir la loi de Say par toutes sortes de stratagèmes théoriques douteux dépourvus de toute valeur scientifique. La (…)

Le pouvoir de la bourse

Prabhat PATNAIK

On peut penser que le fascisme communautaire n'est pas désidéologisant ; il introduit dans l'esprit des gens une idéologie communautaire, qui est une idéologie comme une autre. Mais c'est une erreur.

Il est communément admis que, quel que soit le nombre de sièges obtenus lors des prochaines élections législatives, le prochain gouvernement au centre sera formé par le parti ayant la plus grosse bourse en attirant dans son camp un nombre suffisant de législateurs nouvellement élus. Cette perception découle de ce qui s'est passé récemment dans plusieurs États, et qui représente la marchandisation de la politique. Cette marchandisation implique que le pouvoir politique revient au parti qui a le plus gros budget ; peu importe qui les gens élisent, puisqu'un grand nombre des élus finissent par se retrouver dans le camp du parti qui a le plus gros budget. L'importance de l'argent dans les élections, dans la détermination de leur résultat, non seulement en Inde mais aussi ailleurs, est un fait bien connu depuis longtemps ; ce qui est nouveau, avec la marchandisation de la politique, c'est que le résultat des élections lui-même n'a plus d'importance. L'expansion de la marchandisation (…)