Notre Tunisie mérite mieux que ce qui est !
Puisse-t-elle, enfin, renouer
Avec le chemin de la justice, de la liberté et de la dignité
Pour lequel elle a fait sa Révolution du 14 janvier
Pour lequel, depuis le jour où elle s’était libérée
Tant de citoyennes et citoyens se sont sacrifiés
Qui, exilé, qui, emprisonné, qui, torturé,...
Qui, dont la vie a été ôtée
Pendant que d’autres, au mieux, se taisaient
Au pire, avec les régimes répressifs, collaboraient
Et dont certains détiennent, aujourd’hui, l’autorité
Et la considèrent comme étant leur propriété privée
Oubliant que son peuple est, politiquement, éveillé
Et que son devenir doit être, par tous, discuté
Chemin dont elle fut éloignée
Depuis le coup d’État du 25 juillet [1]
2021 ; depuis , tout semble s’être figé
Dans les gouvernances, où tout est obscurité
À commencer par celle du droit de s’informer
Qui, constitutionnellement, est assuré
Qui a vu, en matière de la liberté
De la presse, notre classement dégringoler
De 56 places ; et, depuis l’an dernier
C’est exactement de 11 places qu’il a chuté [2]
D’ailleurs, c’est au cœur de la nuit que furent notifiées
Toutes les décisions qui, par suite, ont façonné
Le profil du régime qu’il a institué :
Quand sa prise de tous les pouvoirs a été proclamée
Quand le CSM a été dissous, enterré [3]
Et, par un non-indépendant, non-élu, remplacé
Quand sa constitution a été présentée
Quand ses gouvernements ont été remaniés
Quand, le Procès de la Honte, il a révélé [4]
À partir du siège de l’Intérieur, qui plus est
En condamnant, avant toute enquête, les accusés
Les présentant comme terroristes confirmés
Et de même, quand il promet de « purifier »
l’État des « vipères qui ne font que siffler
Dans les couloirs », et aussi de le débarrasser
Des « corrompus », « vendus » qui l’aurait « infiltré »
Ou de ceux qui refusent de s’aligner
Sur sa « libération nationale » annoncée
« Les cartels et les lobbies liés à l’étranger »,... [5]
Liste qui est loin d’être exhaustive sur le sujet
Bien que les piliers de l’État de droit semblent usés
Érodés par l’arbitraire et pourrait en éclats voler
Bien que la peur soit, dans notre quotidien, intégrée
Pour faire taire toute voix critique, toute voix opposée
En s’appuyant sur son funeste liberticide décret [6]
Qui, des centaines de familles, a déjà affectées
Parce que l’un des leurs a osé, son opinion, exprimer
Sur les réseaux sociaux, et, il s’est retrouvé emprisonné
Du jour au lendemain, sans instruction, ni jugement, ni procès
Qui a déjà, plusieurs pensées libres, fait condamner
Dont, Bsaïes, Dahmani et Zeghidi, on peut citer
Qui furent arrêtés tous les trois un certain 11 mai
Fines fleurs des chroniqueurs radio et télé
À dénoncer les injustices, n’hésitant jamais
Ainsi que les dérives du régime du 25 juillet
Animateurs d’émissions les plus écoutées
Qui croupissent en prison depuis une année
Et cela, pour des analyses, sur antenne, livrées
Dans le cadre de leur médiatique activité [7]
Et, évidemment, pour des fraudes fiscales supposées
Avec des chefs d’accusation qui pourraient entraîner
Un emprisonnement de plusieurs dizaines d’années
Et, plus dune fois, poursuivis, ils se sont retrouvés
Dans d’autres affaires, alors que leur peine est presque purgée [8]
Et, c’est à la veille de leur sortie qu’ils en sont informés
Ce qui fait basculer leur espoir de pouvoir quitter
Finalement leur geôle en déceptions répétées
Cette « rotation » qui vise à maintenir emprisonnés
Les opposants politiques a déjà été dénoncée
Comme stratégie pour que les détentions soient rallongées [9]
Les suspicions entretenues et les morals cassés
Ainsi, la prison, en piège sans sortie, s’est transformée
Devant leur juge, courageusement, ils ont assumé
« Nous n’avons fait que notre métier », ont-ils insisté
Afin que leur public soit normalement informé
Défendant leur travail d’analyste de l’actualité
Et, toute intention diffamatoire, ils ont rejetée
La politologue Hannah Arendt n’a-t-elle pas déclaré
Que « ce qui permet à une dictature de régner
C’est que les gens ne soient pas correctement informés
Un peuple [mal informé], est, non seulement privé
De sa capacité d’agir, mais, aussi, de celle de penser
Et de juger et l’on peut » aisément le manipuler [10]
Ils paient le prix fort d’avoir, une opinion, exprimée
Leur lutte, c’est sur le volet humain qu’elle est centrée
Sans concessions, ni compromis, sans perplexité
C’est pour toi, pour moi, pour lui qu’ils se sont sacrifié.e.s
Soyons-en reconnaissants pour ne pas les oublier
Pour en être solidaires afin qu’ils soient libérés
Leur combat, au-delà de leur personne, apparaît
Être la résistance face à l’érosion des libertés
Leur résilience à toutes épreuves n’est plus à démontrer
D’ailleurs, tout soutien en leur faveur est découragé
Par des mesures floues et arbitraires des autorités [11]
Et, du fond de leurs cellules, ils demeurent déterminés
À poursuivre leur combat avec courage et dignité
Dans des messages empreints d’espoir et de pugnacité
Avec des mots, de la rage de se battre, imprégnés
Leurs voix étant, par leur armée d’avocats, relayées
Malgré une sévère censure qui leur est imposée
Dans un contexte, par les procès d’opinion, marqué
Où les défenseurs des droits humains sont réprimés
Pour avoir, leur droit à l’action civique, exercé [12]
Malgré un climat pesant d’intimidation médiatisé
Par le nombre de manifestations de soutien annulées
Plutôt interdites, « sans justification légale », par les autorités [11]
Malgré leur détention, dans des conditions inhumaines, endurée
Froid extrême, en hiver, moustiques et canicule extrême, en été
Vétusté, insalubrité, surpopulation, promiscuité
Carences sociales, sanitaires et d’activités, absence d’intimité
Fouilles intégrales, touchant la dignité, visites des familles limitées
Confidentialité des échanges avec les avocats non assurée [13]
Il n’y a pas de prise de conscience, ni un débat quelconque sur ce sujet
Une société se juge à l’état de ses prisons », Albert Camus, écrivait
Il est à noter que la classe des prisonniers d’opinion s’est féminisée
En dépit des règles des Nations unies, règles de Bangkok, appelées [14]
Recommandent expressément de laisser les accusées en liberté
Leur donnant la priorité à ne pas, en détention, les placer
Car, elles sont confrontées au manque d’hygiène et, à la violence, exposées
Et elles sont particulièrement, par la vie carcérale, fragilisées
Et leur enfermement est lourd de conséquences pour la société
Probablement, les traitements inhumains que subissent les prisonniers
C’est pour que les potentiels critiques du régime soient terrorisés [15]
Traitements qui, souvent, ont été, par la LTDH, décriés
Ainsi, dans un récent rapport, suite à une enquête qu’ elle a effectuée [16]
Et cela, dans le cadre d’une convention que la Ligue a signée
Avec le ministère de la Justice, elle a fourni des données
Inédites et une analyse argumentée où il est dénoncé
De nombreuses atteintes aux droits des détenus et de leur proche parenté
Enquête où l’on apprend qu’il y a en Tunisie deux fois plus de prisonniers
Environ, qu’en France, en 2023, toutes proportions gardées [17]
La population carcérale, de 10.000 personnes, a augmenté
Durant les deux dernières années, de 23.000, elle est passée
À 33.000, soit un augmentation de 45%, à peu près
Qui, aux « arrestations arbitraires », principalement, est imputée
Le taux de surpopulation carcérale, de 200 %, s’est approché
Données qui risquent de, « en foyers épidémiques, les prisons, transformer » [18]
Surtout que, parmi le personnel soignant faisant fonction d’infirmier
Dans les prisons tunisiennes, uniquement 10% sont diplômés
Ladite enquête de la LTDH fait mention d’une grande saleté
Dans les prisons, souligne que des prisonniers, par la gale, sont infectés
Que, « la situation va de mal en pis, ces deux dernières années
Que de nombreuses violations des droits de l’homme ont été constatées
Et « que tous ses rapports ont été remis aux compétentes autorités »
Et, dans tous les cas, pendant cette période, combien de souffrances sont infligées
Au détenu et à sa famille, à tel point que leurs vies sont transformées
Du jour au lendemain, en un cauchemar difficile à supporter
Surtout pour les enfants - et, il y en a des bébés - qui se sont retrouvés
Privés de l’un de leurs parents, orphelins avant l’heure, traumatisés
Dans un état dont il leur sera presqu’impossible de se relever
Au rang de symbole vivant de la dérive autoritaire, ils sont élevés
C’est notre liberté et notre dignité qu’ils continuent à porter
Et ce, au prix de combien d’épreuves étouffantes, combien de vies brisées
Je me demande comment un juge peut dormir quand des innocents sont broyés
Je disais donc, bien que la peur soit, dans notre vie, intégrée
Et la pensée critique soit, aujourd’hui, criminalisée
Malgré la menace que le populisme fait peser
Sur nos acquis de la Révolution du 14 janvier
Et les dérives auxquelles nous sommes, aujourd’hui, confrontés
Il est encore temps, pour pouvoir agir, de se dresser
Ne t’en fais pas, ma Tunisie, tu seras sauvée
Et notre vivre-ensemble sera refondé
Un peuple, on ne peut continûment le tromper
L’heure de la délivrance approche et va bientôt sonner
La tendance peut être, pacifiquement, inversée
Par tes hommes libres qui continuent à résister
À la condition qu’ils laissent leurs égos de côté
Que les modernistes réalisent leur unité
Et qu’ils comprennent le peuple et sachent lui parler
Afin qu’ils puissent, la bataille de l’opinion, remporter
Sans répéter leurs erreurs commises par le passé [19]
La tendance peut être, pacifiquement, inversée
Surtout, par tes femmes et ta jeunesse non résignées
Derniers remparts contre la peur et le mal qu’on te fait
Pour défendre le modèle social tunisien fondé
Sur l’égalité, les droits de base et la modernité
Et par « les lumières de la justice, de la liberté
Et de la dignité nationale sera illuminé
Chaque recoin de cette chère patrie », dixit qui vous savez !
Je dis bien « qui vous savez » : incroyable, mais vrai !
Mais, en parlant de son propre projet, en vérité [20]
Projet réfractaire à la démocratie et ses avancées
Qui, dès le départ, aux droits et libertés, s’est attaqué
Des signes avant-coureurs d’ autocratisme, a montré
De populisme incarné par un leader incontesté
S’identifiant au peuple qui ne lui a rien demandé
« Peuple » qu’il invoque, à tout bout de champ, à satiété [21]
Avec « les élites » qui, aux gémonies, sont voués
Et les corps intermédiaires qu’il ne cesse de fustiger
Et les ONG, à des agents étrangers, assimilées
Et l’opposition comme danger pour la nation désignée [22]
Une rengaine, un nombre incalculable de fois, répétée
Un discours comme un disque rayé qu’il n’arrive pas à changer
Le repassant sur Facebook, son unique canal pour communiquer
Qu’il qualifie pourtant de « réseau de la trahison, en vérité » [23]
Toujours avec les mêmes mots, les mêmes lyriques envolées
Les mêmes thèmes dont ses opposants libres ou emprisonnés
Qu’il traite de divers noms de son lexique bien particulier
On retrouve dans [23] un, échantillon de sa rhétorique, parfait
Que la répétition tue la substance des mots, il a oublié
Au début c’est drolatique, mais l’on finit par se réveiller
Se rappelant que cela se passe dans une martyre contrée
Dans un pays, par la peur, le soupçon et la prison, gouverné
Qui, l’arsenal répressif des temps révolus, a renforcé
Quant à son affirmation, je laisse le lecteur la juger [24]
En tenant compte de ce qui est exposé dans ce billet
Où tout est sourcé et, solidement, documenté
Salah HORCHANI
[2] https://rsf.org/fr/classement?year=2021
https://rsf.org/fr/classement?year=2025
https://www.facebook.com/FRANCE24.JTAfrique/videos/1839968093509896
[3] CSM = Conseil supérieur de la magistrature.
[5] https://x.com/webdo_tn/status/1920388019388875250
https://www.businessnews.com.tn/zeghidi-dahmani-bssais--un-an-de-prison-et-apres,519,147895,3
Le cas de Sonia DAHMANI est bien expliqué dans la vidéo suivante :
https://www.youtube.com/watch?v=UATdkcgyuMc
[8] https://www.newarab.com/opinion/tunisian-journalists-are-being-imprisoned-doing-their-job?amp
[9]
لعنة "التدوير" و"الاتهامات المستحيلة" تطارد المعارضين في مصر
[10] in Salomé Saqué, Résister, Payot, Paris, 2025, p. 43.
[14] https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/BKKrules/UNODC_Bangkok_Rules_FRE_web.pdf
[16] Voir la vidéo ci-dessous de la minute 2 : 52 : 30 à la minute 3 : 15 : 40 et de la minute 3 : 47 : 00 à la minute 3 : 48 : 55.
https://www.facebook.com/ltdh.tn/videos/1165291561835305
[17] D’après le lien ci-dessous, en France, la barre des 77 450 personnes détenues a été franchie au 1er avril 2023.
https://oip.org/wp-content/uploads/2024/06/rapport-activites-oip-2023-vweb-3.pdf
[20] https://www.facebook.com/photo?fbid=1103223611836238&set=a.247622740729667
https://www.businessnews.com.tn/Le-peuple-attend%E2%80%A6-mais-quoi-exactement-,523,147945,3
[21] Voir, par exemple, le lien suivant où, dans l’intervalle d’environ 6 minutes, le mot « peuple » est cité, explicitement, 15 fois, et, implicitement, des dizaines de fois, et où il est encore question d’identité entre lui et le « peuple », de « cartels », de « lobbies » et d’opposants, « agents de l’étranger », qui manœuvrent pour détruire l’État et asservir le « peuple ».
https://www.facebook.com/Presidence.tn/videos/2385077831864637/
[23] Voir la vidéo suivante de la minute 0 : 45 à la minute 1 : 15, de la minute 1 : 40 à la minute 1 : 45 et de la minute 4 : 00 à la minute 4 : 25.
https://www.facebook.com/Presidence.tn/videos/2385077831864637/
[24] Par « les lumières de la justice, de la liberté et de la dignité nationale sera illuminé chaque recoin de cette chère patrie ».