Le fascisme du XXIème siècle

Ali Ben Dris

Texte de Ali Bendriss, camarade algérien de France, retraité, ancien syndicaliste du secteur du bâtiment de la CGT qui a fini par l’exclure.

GAZA : l’humanité dans les griffes des animaux-humains.

Par-delà les ruines fumantes de Gaza, un effroi muet et un sentiment d’impuissance étreignent ceux qui refusent encore de céder à l’indifférence. Ce n’est pas une guerre. Ce n’est même plus une punition collective. C’est un écrasement programmé, un effacement méthodique, une entreprise d’éradication rendue lisible par la transparence de ses méthodes et la cohérence de ses justifications.

Un génocide rationalisé et médiatiquement digéré.

Il faudrait peut-être inventer un autre mot que « génocide » tant celui-ci, à force d’usages protocolaires, semble incapable de rendre compte de la barbarie nue qui s’abat sur les Gazaouis.

La bande de Gaza n’est plus une prison à ciel ouvert, selon la formule souvent répétée. Elle est devenue une réserve, non pas au sens écologique, mais au sens colonial. Une zone d’exception où l’extermination de l’Autre ne soulève plus que lassitude diplomatique, indignation ritualisée et reportages aseptisés.

Car comment dire autrement l’horreur lorsque les bombes ciblent les hôpitaux, les ambulances, les camps de réfugiés ? Lorsque l’électricité est coupée, l’eau contaminée, les denrées bloquées ? Lorsque les enfants sont mutilés et que leurs mères sont réduites à ramasser leurs membres calcinés dans des sacs plastiques ?
Et surtout : lorsque tout cela est justifié, légitimé, rendu intelligible par un appareil politico-médiatique occidental qui, sous couvert de défense de l’entité sioniste, couvre un projet colonial jusqu’au-boutiste ?

À ce degré de violence, ce n’est plus seulement l’armée israélienne qui agit. C’est un État animalisé, mû par une volonté d’anéantissement qui défie autant les lois internationales que les lois humaines, voire divines.

Benjamin Netanyahu et ses alliés n’en sont plus à gérer un conflit. Ils s’inscrivent dans une temporalité messianique, où l’élimination de Gaza devient l’aboutissement d’un fantasme colonial inscrit dès les origines du projet sioniste : « un territoire sans peuple pour un peuple sans territoire ».

Dans cette réserve, la hiérarchie anthropologique est inversée : ceux qui tuent, mutilent, rasent des quartiers entiers conservent le privilège de l’humanité, de la rationalité, de la sécurité. Ceux qui pleurent, hurlent, fuient, meurent (femmes, enfants, vieillards) sont relégués hors de l’humain. On ne tue pas des hommes, dit-on : on élimine des terroristes, on neutralise des cibles, on réduit les « dégâts collatéraux ».

Le langage lui-même participe de cette déshumanisation planifiée.

Dans cette logique, la référence au règne animal n’est pas une provocation. Elle devient une grille d’analyse. Mais elle aussi exige d’être renversée. Les lions du Serengeti, les hyènes du Masai Mara ne tuent que pour se nourrir. Ils n’exterminent pas leur propre espèce. Ils ne bombardent pas les tanières. Ce que nous voyons à Gaza, c’est l’émergence d’un nouveau type de figure : l’animal-humain, cet être biologiquement semblable mais moralement altéré, qui tue sans nécessité, sans remords, avec la froideur d’un algorithme militaire et la conviction d’une croisade.

La monstruosité ici n’est pas instinctive. Elle est rationnelle. Calculée. Programmée.

Mais que seraient ces tueurs sans les systèmes qui les rendent possibles, voire nécessaires ? Il serait trop simple (et trop confortable) de ne voir dans ce carnage que le résultat de la brutalité israélienne. Les complices sont nombreux. Ils siègent dans les chancelleries, écrivent dans les grands quotidiens, enseignent dans les universités. Ils sont les éditorialistes qui disqualifient toute critique d’Israël comme une suspicion d’antisémitisme. Ils sont les diplomates qui s’abritent derrière l’ambiguïté du droit. Ils sont les intellectuels qui relativisent, contextualisent, anesthésient.

Il faut oser dire que cette guerre n’oppose pas des forces égales. Elle met face à face une puissance nucléaire (porte-avion des USA et de l’OTAN) et une population assiégée. Elle ne se déroule pas dans une zone grise. Elle a lieu en pleine lumière, sous les caméras, dans un brouhaha d’analyses molles, de condamnations vides, de justifications honteuses. Elle ne suscite pas la réaction internationale qu’elle devrait, non par manque de preuves, mais par excès de complicité et d’habitude.

Alors, ne comptez pas sur le droit international : il est en coma diplomatique. Ne comptez pas sur l’ONU : elle pleure ses rapports dans le vide. Ne comptez pas sur les démocraties occidentales : elles ont troqué leur boussole morale contre des accords militaires.

À Gaza, ce n’est pas seulement la vie qui est détruite. C’est la possibilité même de vivre en tant qu’humain. C’est notre capacité collective à reconnaître la douleur d’autrui comme une douleur semblable à la nôtre. Tant que cette capacité restera étouffée par la géopolitique, la mémoire sélective et le racisme d’État, nous continuerons de vivre dans un monde scindé : d’un côté, les hommes pleinement humains, protégés, entendus ; de l’autre, ceux que l’on peut exterminer sans que le monde ne vacille. Et cette scission-là, elle non plus, l’histoire ne l’oubliera pas.

Voilà pourquoi on ne peut se contenter de larmes tièdes, ni se cacher derrière l’illusion d’un équilibre entre l’oppresseur et l’opprimé. Non. Il faut dire les mots.

Tous les mots.

Ce qui se passe à Gaza est une infamie. Une honte historique. Un génocide, un crime contre l’humanité diffusé en direct, avec sous-titres et bande-son. Et chaque jour de silence, chaque jour d’ambiguïté, est une tache de plus sur notre époque.

Aussi, à l’ère de la surveillance totale, des flux numériques instantanés et des satellites qui scrutent chaque recoin du monde, nul ne peut dire : « je ne savais pas ».

Le silence est donc un choix. Et ceux qui se taisent se rangent délibérément du côté des bourreaux…

Mais il faudra bien un jour un Nuremberg du 21e siècle pour juger les enfants de la Shoah qui ont trahi la mémoire de leurs parents et leurs complices occidentaux qui, par cynisme ou lâcheté, ont laissé faire.

Ali Ben Dris

 https://ancommunistes.fr/spip.php?article7955

COMMENTAIRES  

20/05/2025 17:10 par act

L’auteur a-t-il choisit l’illustration ou est-ce LGS ?
Illustrer cet article du symbole de la secte raëlienne n’est probablement pas le plus indiqué ?
Il y a plus pertinent sur le web....

20/05/2025 21:51 par legrandsoir

C’était l’illustration de la source. Modifié, merci de l’avoir signalé.

20/05/2025 18:10 par Erno Renoncourt

Il me semble important de rappeler que la barbarie nazie s’est inspirée de la barbarie pratiquée au cours de l’esclavage et de la colonisation, deux modes d’exploitation inhumains des hommes et des écosystèmes par l’Occident ; modes d’exploitation qui ont, par ailleurs, fait la richesse et la grandeur des pays occidentaux. Tant qu’on n’apprendra pas à situer la souffrance des Palestiniens, dans le prolongement de la souffrance des peuples déshumanisés, au profit de la grandeur de l’Occident, durant ces âges sombres que les lumières des philosophes humanistes n’ont pas su éclairer, on ne pourra pas faire surgir de nouveaux possibles pour sortir de ce cycle invariant. Car ce qui se joue aujourd’hui dans le monde n’est que la reproduction , sous des formes différents, d’une même déshumanisation des autres au profit d’une minorité qui revendique tous les privilèges blancs.

21/05/2025 12:16 par Assimbonanga

Je rappelle aussi que le servage était pratiqué par les Tsars de Russie, avant la Révolution. Macha Méril, comédienne française d’origine russe, a raconté que sa grand-mère possédait une centaine de serfs avant son exil en France. La nuit venue, ses domestiques asservis dormaient par terre dans la cuisine... C’est un récit qu’elle a transmis oralement à sa petite-fille.
L’asservissement n’est pas donc pas limité à une couleur de peau.

21/05/2025 22:10 par CAZA

Servage , esclavage ,colonisation et statut de l’ indigène , ancien régime ou républiques bourgeoises , l’ exploitation du faible qui existe de toute éternité se pérennise avec les sionistes qui reproduisent avec Gaza les systèmes de camp de concentrations qui existent depuis toujours et pas que nazi .
Les centres de rétentions administrative pour migrants actuels en fRance sont un avant goût du futur avec le front nazional .
Faut pas avoir honte de la république française qui a toujours été en pointe question déportation ,rétention ,bagnes , massacres Etc Etc .
Et , entre les famines , assassinats et massacres on essaye , autant se faire que peut, de rentabiliser en les tuant au travail forcé tous ces internés , idem et même pire que du temps de l’ esclavage de l’ ancien régime .

https://la1ere.franceinfo.fr/robert-badinter-qualifie-bagne-guyane-1940-1943-crime-contre-humanite-535473.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_d%27internement_fran%C3%A7ais

22/05/2025 21:15 par Erno Renoncourt

Merci @Assimbonanga de le rappeler...En effet, il ne m’est guère étranger que l’esclavage n’a pas été un sort réservé à l’Afrique. Et même que les noirs d’Afrique avaient été, pour une bonne part, vendus par des esclavagistes nègres. J’ajouterai aussi que parmi les esclaves de saint Domingue, il y en avait qui admiraient les colons, puisqu’ils recevaient, comme esclaves de maison, un traitement différent des esclaves des champs. D’où les approches différentes sur l’indépendance de la colonie de Saint Domingue entre Toussaint Louverture (esclave de maison) et Jean Jacques Dessalines (esclave de champ). Toussaint, comme esclave de maison, avait bénéficié d’un traitement privilégié, au regard de ce que subissaient les esclaves des champs ; lesquels étaient broyés, écartelés par le supplice de la roue, écorchés, enterrés vifs jusqu’au cou avec du sirop sur la tête pour que les fourmis les dévorent. Il est clair que la perception de Dessalines et de Toussaint de l’esclavage n’était pas la même. D’ailleurs, la France a toujours honoré Toussaint Louverture, quand elle persiste à voir en Dessalines un barbare, massacreur de Blancs.

Je connais aussi la falsification de l’histoire par l’Occident. Certains vont jusqu’à dire que Tout ce qui est écrit par l’Occident est faux, il n’en a jamais été autrement. Selon Jack Goody,

"Il y a une mainmise de l’Occident sur l’histoire du reste du monde. A partir d’événements qui se sont produits à son échelle provinciale, l’Europe a conceptualisé et fabriqué une représentation du passé toute à sa gloire et qu’elle a ensuite imposée au cours du temps aux autres civilisations. Le continent européen revendique l’invention de la démocratie, du féodalisme, du capitalisme de marché, de la liberté, de l’individualisme, voire de l’amour, courtois notamment, qui serait le fruit de sa modernisation urbaine".

Pour en donner un exemple rappelons que les Européens enseignent dans leur manuel de géométrie que c’est Pythagore qui a inventé le fameux théorème qui porte son nom. Or des textes dignes de fois ( entre autres Le papyrus Rhind) attestent que les Babyloniens connaissaient ce théorème un millénaire avant la naissance de Pythagore. Et sans provocation, je gage dans 50 ans , l’Occident gommera définitivement le nom de la Russie des grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Juste une manière de dire, le vol et la réécriture de l’histoire sont des faits à ne pas ignorer quand on écoute les grands récits du monde.

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