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Mises à pied et poursuites judiciaires en rafale

Air France : colère chic, colère sociale choc

Alors que l’intersyndicale de Air France appelle à manifester ce jeudi 22 octobre devant l’Assemblée nationale, que la direction et le gouvernement font mine de plaider en faveur du « dialogue », tout en continuant à « actualiser » par voie de presse les licenciements, la traque se poursuit : après les cinq salariés arrêtés la semaine dernière comme de dangereux terroristes puis mis à pied tout comme deux pilotes, onze autres sont convoqués à la police des frontières depuis mardi . Allons-nous les laisser criminaliser cette colère sociale qui vient ?

Le jour même où les policiers arrêtaient à l’aube six salariés d’Air France ( l’un d’eux « par erreur »), un billet paru dans « Les Échos » titrait « la colère le nouveau chic politique ». On y lisait que « après le Pen, François Hollande, Nicolas Sarkozy et même Alain Juppé n’ont plus que ce mot à la bouche (...) comme si monter le volume sonore était devenu pour les hommes politiques le seul moyen de se faire entendre. Comme si le ressentiment des Français était tel qu’ils étaient obligés d’entonner les mêmes notes pour ne pas paraître déconnectés ».

Il doit y avoir de nouveaux coachs, embauchés ici et là, pour leur apprendre à hausser le verbe, à user d’effets de manche, sans dégringoler de la tribune, renverser leur verre ou couvrir la caméra de postillons. Mimons la colère et restons chics entre gouvernants menteurs, politiciens de cénacles et de salons.

Dans le pays, la colère sociale est maîtrisée mais elle est immense et ils le savent. Elle mijote. La course est engagée. Il leur faut la capter, la détourner, la dévoyer. Marine Le Pen n’a de cesse de désigner, vieille recette, un bouc émissaire, autrefois le protestant ou le Juif, aujourd’hui l’immigré et le fils d’immigré. La droite se demande s’il est - même pas politiquement correct - mais bien électoralement rentable que de parler de la France comme « d’un pays de race blanche ».

FLINGUER LE CODE DU TRAVAIL

La violence sociale s’affiche partout. Dans les chiffres du chômage, dans les agences de pôle emploi (où l’on ne pourra même plus s’inscrire dorénavant. Chômeurs, achetez-vous un ordinateur), dans toutes les études et statistiques : pauvreté, souffrance au travail, galère et humiliation des jeunes.

La violence faite au pays est immense : celle d’un pays qui a voté en faveur d’un gouvernement élu pour une politique de gauche et le voit s’enfoncer à droite et renier toutes ses promesses. Celle d’un Medef qui a déclaré la guerre à toutes les conquêtes d’autrefois, qui affiche sa volonté d’en finir avec le programme de la Résistance. Et quand, dans les locaux de la SNCF de Lyon, un cadre s’affiche flinguant le code du travail, on dit aux syndicats et salariés qui s’insurgent que c’était pour rire et que, franchement, ils manquent d’humour.

La seule colère permise, feinte et frauduleuse, serait la leur. Celle du pays, ils prétendent l’usurper pour la dénaturer. Nous transformer en meutes derrière des individus style Menard qui s’en va frapper à la porte des « indésirables » : « vous n’êtes pas les bienvenus ». Cela ne vous rappelle rien ? Cela ne mérite pas quelques heures de garde à vue quand on porte une écharpe de maire ? Les salariés devraient eux attendre au garde à vous, sous peine de garde à vue, l’annonce, la date et les modalités de leur sacrifice. Au moindre pas de côté, l’arsenal législatif est prêt pour faire exemple. Vont-ils traiter la colère sociale comme délit de droit commun, la criminaliser, tenter de l’assimiler au terrorisme ? L’entreprise est en marche dans les quartiers et entreprises. Elle s’applique en gros et en détail.

LEUR LANGUE VENIMEUSE

A Air France, fleuron national, ce qui se passe est inouï. Les faits on les connait. Des salariés qui avaient appris par voie de presse, comble de l’arrogance, l’ordre du jour du comité central d’entreprise : 2 900 licenciements. Succédant à d’autres milliers déjà intervenus. Annoncés, comble de la perversion, sous prétexte que les pilotes refusent cent heures de vol supplémentaires à salaire égal. Si seulement la colère avait dérapé contre les pilotes.... Au contraire, elle a visé juste et s’est retournée contre la direction. Elle a débordé, forcé les portes pour se faire entendre jusque dans la salle du CCE. Pour comprendre la frustration et la rage de tous, il suffit de voir la vidéo où Erika, hôtesse au sol, qui participe à un conflit pour la première fois, tente de nouer le dialogue.

Des phrases courtes, des accusations hachées, l’indignation l’étouffe : « Quatre ans que nos salaires n’ont pas évolué ; Quatre ans que l’on travaille pour rien. Nous on les a faits les efforts. Et c’est nous qui trinquons ? ». Et regardez-les, en groupe lui lançant des regards dégoûtés ou méprisants ou l’autre le « responsable des relations sociales » qui laisse tomber« pas habilités ! » et puis, cul appuyé à la table, la contemplant comme s’il voyait une extra-terrestre.

Il cherchait ses mots, a-t-il dit ensuite. On le comprend : dressé à projeter et commenter flyers et statistiques on en perd le langage articulé, le b a b a de l’humain. Ces hauts cadres robotisés ne connaissent que les chiffres. 2 900 pour eux c’est une abstraction, une ligne dans un rapport d’activité. Quand on leur dit que c’est 2 900 vies, cela les stupéfie. Ils n’y comprennent rien, cela ne les regarde pas et ils en font des yeux de merlan frit. « Le facteur » ou « le paramètre humain » est une incongruité rayée depuis longtemps de leurs logiciels.

Le seul vocabulaire qu’ils connaissent est insupportable pour qui n’est pas de leur monde. Dans une interview récente consacrée à leur dernière enquête sur l’évasion fiscale, Monique et Michel Pinçon-Charlot expliquent « Cette violence symbolique qui émerge de ce langage purement technique, très anglo-saxon, renvoie à un pragmatisme qu’il n’est pas question de remettre en question. (…...) Cette langue venimeuse de l’expertise empêche la critique par sa puissance d’intimidation incroyable et elle vous oblige à croire que le réel n’est pas négociable ». Les ramener au réel des vies relève de la prophylaxie sociale.

UN CARNAGE : LA VIE DES CONTI

Ce que vivent les salariés d’Air France « nous l’avons vécu »a déclaré Xavier Mathieu, ex représentant CGT des ouvriers de continental. Lui et tous ses camarades ont aussi été traités de voyous. Il a rappelé « le carnage » des vies que signifient les licenciements : 500 travailleurs encore au chômage depuis 2009, 200 au RSA, 400 divorces, cinq suicides « le dernier s’est jeté sous les rails ». La justice a condamné cinq fois ces licenciements , « on attend la sixième » mais le directeur n’a pas fait une heure de garde à vue.

Et sur les chantiers de Saint Nazaire, en casque blanc et bleu de travail, un représentant de la classe ouvrière (le dernier puisque celle ci n’existe plus paraît-il ? ) a refusé de serrer la main à François Hollande en solidarité avec Air France et parce que « nous nous parlons emploi. »

MALHEUREUSE VICTIME

Les autres images qui ont tourné en boucle et occupé les unes, vite qualifiées de « lynchage » et qui font à tort l’unanimité sous le terme de « violences », ressemblent, si l’on enlève badges et banderoles, à une mêlée dans le métro à l’heure de pointe ou à une bousculade sur un marché. Elles présentent même une certaine ressemblance avec les affiches des Galeries Lafayette où Laetitia Casta, dépenaillée, convoque sous forme d’empoignades et échauffourées, les prochaines soldes.

Mêlée, bousculade, tiraillements, crocs en jambes et sans doute force noms d’oiseaux oui, sans doute, il y en eut. De quoi crier au lynchage ? De quoi traiter des salariés en terroristes, les arrêter comme s’il s’agissait d’une dangereuse bande organisée et de conspirateurs patentés ?

La principale victime est une chemise. Victime de qui et de quoi ? le doute subsiste : de la main qui tirait en avant ou de celle qui tirait en arrière ? La main de qui d’ailleurs ? D’un salarié, d’un vigile ou celle du délégué CGT, Abdelahafed Errouihi, qui a aidé le DRH Xavier Broseta à s’extraire de la foule avant de rappeler que ’On a tout donné et il y a encore des suppressions d’emplois. Imaginez-vous l’exaspération !’

Sur le dos nu que couvrait la malheureuse chemise quelle éraflure ? Quelle égratignure ? La seule violence est celle d’une colère légitime qui a sauté à la figure de deux cadres. On leur concède le droit de réclamer, à leur direction et devant la justice, une prime pour préjudice moral. En leur souhaitant les mêmes années de procédure infligées à ces milliers de salariés qui ont mis des décennies à l’obtenir enfin, les travailleurs mourants de l’amiante. On leur souhaite la même endurance que celle des mineurs licenciés en 1948 par un pouvoir socialiste, pour fait de grève, et qui ont du attendre janvier 2015 pour obtenir leur réintégration symbolique et, eux ou plutôt leurs familles …..30 000 euros en réparation du préjudice. Cela suffit-il à effacer la vieille inscription qui couvrait encore les murs des corons jusqu’à la fin des années 70 quand la fermeture des mines et des usines battait son plein dans le Nord et l’Est :« haine éternelle à Jules Moch ».

LES VA-NU-PIEDS, LES GUEUX, LES VOYOUS

Une explosion de colère a suffi pour que Valls sonne l’hallali : « Voyous ! » Et les médias sont partis à la curée. Violences, vous dit-on. Par ici les sondages, voyons l’avis du sociologue, celui du philosophe, vite un micro-trottoir puis un grand débat.

Qu’aurait dit notre premier ministre quand les ouvrières de Grandin forçaient les portes de Françoise Giroud, promue ministre du droit des femmes par Giscard ? Qu’aurait-il dit quand les ouvriers du Parisien Libéré occupaient la bourse et y provoquaient, (on a le cœur fragile à trop boursicoter), quelques crises cardiaques ? Quand Longwy en colère en appelait aux compagnons de colère ? Cette colère sociale qui explosait alors en France, d’une usine à l’autre, au moment de la casse de notre industrie, contribua, en 1981, à porter au pouvoir François Mitterrand et quatre ministres communistes.

C’est un peuple en colère qui s’en fut un jour démolir, pierre après pierre, la Bastille. Qui érigea les barricades de la Commune. Qui sabota les rails et les usines d’armement et lutta contre l’occupation nazie. L’histoire de France est ponctuée de la colère des va-nu-pieds, des gueux, de la racaille, des voyous de Monsieur Valls. Et tout ce qui se réclame « de gauche » depuis toujours les a toujours accompagnés. Si l’on pensait encore au PS, le « voyous ! » de Valls devrait y provoquer l’effet d’un tremblement de terre et lui être retourné comme un boomerang au singulier.

TRAQUE A AIR FRANCE

Depuis une semaine à Air France la traque est lancée et va crescendo. Quatorze plaintes ont été déposées pour ’violences’, ’entrave au CCE’ et ’dégradations’. Une vingtaine de salariés seraient dans le collimateur, menacés de poursuites et sanctions.

Les cinq salariés arrêtés lundi matin à l’aube ont été maintenus en garde à vue trente heures durant puis déférés au parquet pour « violences aggravées ». Ils seront jugés le 2 décembre devant le tribunal correctionnel de Bobigny. Âgés de 35 à 48 ans, quatre sont employés de la branche cargo Air France et un d’Air France Industries. Les conditions de leur arrestation ’apparaissent plus proches de celles employées pour interpeller de potentiels terroristes que des salariés désespérés’, dénonce l’intersyndicale.

On ne connaît pas leurs noms ni leurs visages, ni le traumatisme de leurs familles. Déjà stigmatisés, accusation oblige, les voici interdits de s’exprimer, contraints à la clandestinité. Ils ont déjà été mis à pied sans solde. ’Au cours d’une réunion, le responsable de l’activité cargo a dit que les cinq salariés seraient licenciés’, a affirmé à l’AFP Laurent Dahyot (CGT). ’C’est illégal et dangereux’, a accusé Mehdi Kemoune, du même syndicat.

Deux pilotes soupçonnés d’avoir ouvert ’un accès avec leur badge’ lors de l’envahissement du CCE ont été mis à pied. Pour Véronique Damon du SNPL, le syndicat de pilotes majoritaire : ’Ça nous paraît être une réaction un peu excessive s’ils ont simplement ouvert les portes pour éviter qu’elles ne soient défoncées.’ ( AFP)

La liste s’est encore allongée avec l’annonce que onze salariés de la branche cargo qui semble particulièrement visée, sont convoqués depuis ce 20 octobre par la police aux frontières (PAF) de Roissy. Certains sont suspectés d’avoir ’secoué la grille’ séparant les manifestants de la salle du comité central d’entreprise .

Tant de poursuites et de sanctions pour deux cadres effrayés, une chemise déchirée, deux portes ouvertes et une grille secouée ? Leur grande peur est de voir se répandre la colère qu’ils attisent. Leur volonté est d’intimider et d’en empêcher toute manifestation à Air France comme ailleurs. La violence est de leur côté et il faut l’arrêter en arrêtant les poursuites à Air France.

Protégeons les 5 d’Air France ! - Communiqué n° 3 : https://www.change.org/p/premier-ministre-p%C3%A9tition-lib%C3%A9ratio...

Maïté Pinero

A ROMAINVILLE, UNE EXPULSION ET TRENTE HEURES DE GARDE A VUE

A la résidence Gagarine de Romainville, le 13 octobre, mobilisation des habitants pour empêcher l’expulsion d’une famille de neuf enfants. Policiers et gardes mobiles cernaient le bâtiment mais se heurtaient aux voisins accourus pour empêcher l’expulsion de la famille qui logeait là depuis vingt cinq ans. Parmi eux, Mohamed Boughamni, vice- président de l’association Spoutnik, affiliée à Droit au logement (DAL) : « on se connait tous dans cette cité où il fait bon vivre. Mais les expulsions se succèdent alors on essaye de les empêcher ». Il a levé la main, essuyé un coup de matraque qui lui a fracturé deux doigts, a été menotté et placé en garde à vue trente heures durant avant d’être relâché. Quinze jours d’arrêt de travail. (Une semaine pour les grands blessés d’Air France). Asma Gasri, adjointe de Corinne Valls, maire (PS) de Romainville n’a aucun état d’âme : «  Il y a une question d’équité vis-à-vis des autres locataires qui font des efforts : 1 000 de nos 35 000 locataires ont des retards et nous accordons habituellement des délais. Mais là ce n’est plus possible . » (le monde.fr) Alors, dehors toute la famille, parents et petits enfants. Avis aux mille autres familles sommées de faire des efforts, et gare aux voisins qui oseraient lever la main.

M.P

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