RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

L’Expert et le Citoyen

Au Moyen Age le prêtre disait au bon peuple quels étaient le « vrai Dieu » et la « vraie foi ». Il n’était pas question à l’homme du peuple d’avoir la moindre initiative dans ce domaine. Les « docteurs de la foi » pourvoyaient à toutes les situations et répondaient à toutes les interrogations.

Aujourd’hui les choses ont-elles si radicalement changé ? On est en droit de se le demander…

LE REGNE DE L’EXPERT

L’expert ! Ah l’EXPERT ! Mais qui est l’EXPERT ?

Comment ça,… vous en êtes encore à poser cette question ? Mais enfin, vous n’y pensez pas… L’expert ne se défini pas,… IL EST !

L’EXPERT c’est comme la cellule d’aide psychologique,… il existe, et ne saurait ne pas exister. Il est plus qu’une mode, il est une institution. De même que la cellule d’aide psychologique est censée réparer les dégâts, l’expert est celui qui va expliquer ce qui les a produit.

S’il ne s’en tenait qu’à cette fonction, encore aurait-il, dans un certain nombre de domaines, une réelle utilité… Mais l’expert aujourd’hui, c’est plus que ça. Son champ de compétence a largement dépassé celui de la technique stricte. Son champ d’intervention a accompagné en réalité l’élargissement de celui de celle-ci.

La « technique », en effet, à l’image de la religion autrefois a pénétré tous les domaines de la vie sociale. Il s’agit d’une explication des phénomènes, parfaitement extérieure aux êtres humains. Alors que les voies du Seigneur sont impénétrables, les secrets de la technique ne sont pénétrables que par les experts.

L’expert, est le « sésame ouvre toi » de tous les phénomènes car lui seul a la clé… ou sait où la trouver.

L’expert ne connaît qu’un seul égal,… le « contre-expert », lui-même expert, et lui seul habilité à aller à l’encontre du premier…. Ce qui est généralement le cas.

L’un et l’autre vont d’ailleurs de concert, sinon aux mêmes conclusions,… la vérité serait multiple ( ?).

TECHNIQUE ET MARCHANDISE

La marchandise a tout envahi, ou du moins est en passe de tout envahir, la technique prend le même chemin… et les deux font la paire.

Ainsi aujourd’hui, nous avons des experts en tout, y compris là où on les attend le moins. Certes, dans les domaines techniques, ce qui n’est pas choquant, et même logique ( encore que ! voyez la catastrophe AZF !), mais on en trouve aussi, et c’est beaucoup plus problématique dans les sciences moins exactes, en particulier dans les sciences sociales… Et c’est actuellement en économie que les experts « excellent ».

L’économie, cette branche de la science sociale qui a toujours nourri un complexe d’infériorité à l’égard de ses « soeurs », les sciences exactes, a trouvé avec l’économie de marché le champs inespéré de la réalisation de ses fantasmes originels : la rationalité, l’objectivité,… bref la scientificité ( ?).

Le marché a fourni le substrat théorique, et pratique, de cette mutation inespérée. Ses mécanismes ont été érigés en lois universelles, incontestables et auxquelles chacun doit fidélité. Les experts sont les gardiens du temple de la marchandise, ils officient dans les médias et guident le « bon peuple » dans la juste voie. Leur parole est incontestable et ne saurait être contestée par le vulgaire,… entendez, vous et moi.

ET LA CITOYENNETÉ DANS TOUT CA ?...

Là est la vraie question.

Soyons clairs ! Si l’économie, se réduit aux mécanismes du marché et aux réflexes purement rationnels de l’homo économicus, alors, il n’y a plus place dans notre société pour le citoyen… C’est un peu comme si on demandait au peuple de se prononcer régulièrement sur l’intensité de la gravitation ou les fluctuations du champ magnétique terrestre.

Pourtant c’est exactement cela qui se passe.

D’un côté nous avons les experts porte paroles des économistes « officiels », et politiciens, qui expliquent doctement ce qui est, et ce qui devrait être. Leur qualité d’ « expert » interdit à quiconque de remettre en question leur diagnostic et leurs prévision. Ils savent, eux…

D’un autre côté nous avons le citoyen à qui on demande d’exprimer son opinion sur les mêmes questions traitées par l’expert.

Question : quel sens peut avoir l’opinion du citoyen face à la parole de l’expert. ?

De deux choses l’une, ou bien le citoyen et l’expert sont d’accord sur le diagnostic et les mesures à prendre,… et dans ce cas pas de problème ; ou bien ils ne le sont pas, et là se pose la question : « lequel des deux a raison ? ».

En principe, dans une démocratie, c’est le citoyen qui a le dernier mot. Or ce n’est pas du tout ce qui se passe dans la réalité.

Des exemples ? Le Traité Constitutionnel Européen rejeté par les citoyens manipulé par les experts et politiciens pour le faire adopter. Le système des retraites déclaré inadapté par les experts. Les services publics, déclarés non rentables par les experts. Les banques en faillites, sauvées par les experts financiers… etc,…etc

Autrement dit, toute décision importante, engageant l’avenir de la vie sociale, les conditions de vie actuelles et celles des générations futures, sont entre les mains des politiciens et de leurs experts. Le citoyen qui n’est pas d’accord passe pour un imbécile et un incompétent. Son opinion est nulle et non avenue. Son opinion n’a de sens que si elle est conforme à l’avis des experts.

Autrement dit, ce ne sont pas les citoyens qui décident, mais les experts,… les élections n’étant qu’un prétexte pour donner l’illusion de la démocratie.

Ainsi, la réalité sociale est mise en « coupe réglée » par les experts. L’avis du citoyen n’a aucune espèce d’importance, puisqu’il ne sait pas,… seul l’expert sait. Or l’expert raisonne suivant les lois du système marchand : rentabilité, compétitivité et non bien sûr en fonction des besoins et aspirations de la population. De toute manière lui seul sait quels sont les besoins et les aspirations… à quoi bon les exprimer puisqu’elles sont intégrées dans les modèles mathématiques des experts ?

On peut désormais en conclure que la citoyenneté est morte, victime de la technicisation de la vie sociale, de la prise de pouvoir de fait de l’expert au détriment du citoyen et de la démission politique de celui-ci. La société, et ses mécanismes de fonctionnement, sont beaucoup trop complexes pour les laisser à l’appréciation du peuple. Celui-ci a besoin de personnes compétentes, d’experts qui sauront lui dire quels sont ses besoins et leurs limites et qui sauront prendre les décisions adéquates.

La démocratie est morte,… place au règne d’une aristocratie d’experts, de gens « compétents » qui sauront dire au peuple ce qui est bon pour lui… C’est d’ailleurs, exactement ce qui est entrain de se passer.

Mais surtout n’oubliez pas d’aller voter pour cette « élite »,… dans un système qui se veut démocratique les apparences de la légitimité doivent être sauves.

Patrick MIGNARD

URL de cet article 10399
  

Même Thème
La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui au libre débat (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Sous une dictature, il y a une chose pour laquelle nous avons plus de chance que vous en Occident. Nous ne croyons à rien de ce que nous lisons dans la presse, à rien de ce que nous voyons à la télévision, parce que nous savons que c’est de la propagande et des mensonges. Contrairement aux Occidentaux, nous avons appris à voir au-delà de la propagande et à lire entre les lignes et, contrairement à vous, nous savons que la vérité est toujours subversive.

Zdener Urbanek

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.