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La croissance et l’emploi

Pour les économistes le lien entre les deux est évident. Pour les non spécialistes, l’évidence vient de la répétition permanente de celui-ci par ceux là .

Un peu comme dans le cas des retraites, qui fait un lien, absurde, entre paiement des pensions et démographie, le matraquage politique fini par convaincre l’immense majorité à accepter ce que disent les « spécialistes » et surtout à ne pas approfondir la question.

Alors justement, approfondissons !

LA CROISSANCE …

Rares sont celles et ceux qui la remettent en question. Les adversaires de la croissance, les « décroissants » sont considérés comme des personnages exotiques, peu crédibles… et pourtant !

Qu’est ce que la croissance ?

Il s’agit de la variation, sur un période donnée, l’année par exemple, de la production, pour un pays en général, de biens et services. Cette mesure se fait à partir du PIB (Produit Intérieur Brut), lui-même calculé à partir de la valeur ajoutée produite par les unités de production. Le taux de croissance étant l’expression en pourcentage de cet accroissement.

Autrement dit, et dit plus simplement, il s’agit de l’accroissement de la richesse, de l’accroissement des biens et services qui peuvent satisfaire les besoins. Plus le taux de croissance est important et plus de richesses ont été produites, par rapport à la période précédente.

La persistance de la croissance est donc, dans un système qui se réclame de l’expansion, de l’accroissement de la production et de la consommation, un facteur fondamental. « Tout pour la croissance » tel est le mot d’ordre.

Pourtant, cette vision apparemment évidente et très simpliste, pose deux questions fondamentales :

- la croissance est-elle simplement liée à des capacités de production ?

- le bonheur, le bien être, sont-ils dans la croissance ?

A la 1er question, il faut répondre non car, si en principe il y a un lien entre capacité de production et production, dans le cadre concurrentiel du capitalisme, l’existence des capacités de production est conditionnée par leur compétitivité au regard des concurrents. Par exemple, si la France a perdu une grande par de sa production industrielle, c’est parce que des concurrents ont pu produire dans de « meilleures conditions » économiques, plus rentables, et ont entraîné la désindustrialisation du pays. Le mythe de la croissance volontariste , s’il a pu correspondre à une réalité, celle où l’on avait sous la main les capacités de production, n’existe plus aujourd’hui.

A la 2e question - difficile - on doit répondre également non. Il paraît qu’ « abondance de biens ne saurait nuire »,… encore faut-il mesurer dans quelle proportion…

A court terme et individuellement, ce ne sont pas les « mieux » lotis qui sont les plus heureux… ce qui n’est pas un hymne à la pauvreté et au dénouement, mais à la mesure et à l’expérience. Entre aussi en jeu la conception que l’on a de la vie. On peut être heureux avec peu et malheureux avec le superflu.

A long terme et socialement, l’abondance permanente et illimitée de bien et services est, à l’échelle sociale, planétaire, une catastrophe et une aberration écologique : déchets, pollution, destruction des ressources naturelles,…

On pourrait imaginer une proportion « raisonnable » entre croissance et augmentation de la population, donc des besoins,… mais nous savons bien que ce n’est absolument pas le cas. On produit pour produire et pour vendre avec des gaspillages colossaux et des inégalités flagrantes dans un système qui ne respecte par l’être humain en tant que tel.

Alors finalement pourquoi ce culte de la croissance ?

… ET L’EMPLOI.

Là est probablement la vraie raison de l’impératif de la croissance. Pas pour les profiteurs du système qui vivent - encore que le financier l’a emporté sur l’économie réelle - sur l’illusion de l’enrichissement par l’extension illimité des marchés. Pour les responsables politiques - de droite/extrême droite comme de gauche - garants du système, l’emploi représente une condition nécessaire - quoique pas suffisante - de la stabilité sociale.

A contrario, une société dans laquelle une grande partie de la population est sans emploi, est en voie de délitement et ce pour une raison simple : l’individu n’existe socialement dans le système marchand que s’il a une utilité économique, autrement dit si sa capacité de travail est reconnue selon les critères de fonctionnement du système.

En effet, le système marchand, ne peut concevoir l’individu comme simplement un être humain, mais comme un facteur de production. Ce statut a l’ « avantage » de procurer à chacune et chacun les moyens de subsistance : le salaire. Mais le revers de la médaille c’est que chacun n’existe qu’en fonction des lois du système et qu’il lui impose.

Le seul sous emploi, chômage toléré - tolérable - pour le système c’est celui qui permet de faire pression sur les salaires… l’ « armée de réserve ».

Tant que dans le pays on a pu produire à peu près tout ce qui était consommé et même plus (exportations), le besoin de force de travail (main d’oeuvre), garantissait un emploi pour à peu près tout le monde. Ce furent les années de « plein emploi », l’époque où trouver un travail ne posait pas problème.

Or cette période est terminée : la mondialisation du marché du travail et l’extraordinaire automatisation des tâches, si elles ont permis au Capital de se valoriser d’une autre manière, ont détruit une masse considérable d’emplois locaux. Pas question bien entendu de « répartir » le travail qui restait, au nom de la sacro-sainte rentabilité. On en arrive alors à la situation absurde où une partie de la population active subit un rythme de travail de plus en plus stressant, alors qu’une autre partie est privée d’emplois.

LE DILEMME INSOLUBLE

Pour les gestionnaires du système marchand, l’impératif de croissance et moindre que celui de l’emploi. Le manque de croissance en soi n’est pas catastrophique, ce qui l’est par contre c’est une société comportant une masse conséquente d’exclus du travail, de chômeurs… Or, qui dit « au travail » dit production,… c’est donc par le « bout » de la production que le problème de l’emploi est posé.

Le raisonnement est le suivant : si l’on arrive à relancer la production, cela va impliquer que l’on a besoin de force de travail, donc on réduira le chômage.

Le raisonnement n’est pas, à priori absurde, mais il comporte un défaut : que produire ?. Dans un pays où l’on a sacrifié sur l’autel de la rentabilité marchande mondialisé une bonne partie de l’appareil productif, on ne voit plus très bien comment on peut répondre à cette question. Et même si l’on reproduit des biens que l’on avait abandonnés, encore faut-il les produire dans des conditions de rentabilité compatibles avec le marché pour garantir la pérennité de l’emploi ainsi créé.

On est là au coeur de la contradiction du système marchand, système qui privilégie la réalisation de la valeur produite sur l’existence de l’individu.

Le réponses apportés par les gestionnaires sont dérisoires - aides à l’emploi, emplois protégés, subventionnés,…- bref un rapiéçage qui évite de poser la question de fond : dans l’intérêt de qui fonctionne l’économie ?

On comprend dès lors que, dans ces conditions, aussi bien la Droite (et l’extrême droite) et la Gauche sont incapables de résoudre le problème.

Juin 2012

Patrick MIGNARD

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COMMENTAIRES  

03/07/2012 22:53 par Dwaabala

Plus-value et lutte des classes.

La grande nouveauté, c’est que depuis une dizaine d’années le capitalisme ne fait plus touner ses usines pour faire du profit en exploitant le travailleur.

Non ! maintenant, le capitalisme ne crée plus ses richesses sous la forme de marchandises qui, portées au marché lui permettront de concrétiser la plus-value, c’est-à -dire la part du travail non payée dans la marchandise ; non ! ce n’est plus cela maintenant, puisque tout le monde attend du capitalisme qu’il crée, ou qu’il sauve des emplois. Le capitalisme d’abord créateur d’emploi, subsidiairement de valeurs d’usage (n’importe quelles saloperies), et en catimini de profit.

Tout le monde, c’est le capitalisme d’un côté, et l’esprit révolutionnaire du XXIème siècle de l’autre : ils sont redevenus philantropiques, comme le capitalisme et le proudhonisme le furent au XIXème siècle.

Il faut créer ou sauver des emplois !

Que de pauvres bougres, au lieu d’être brutalement jetés à la rue se raccrochent au mirage d’une Scop se comprend. Il faut même souhaiter le plus grand succès à ce genre d’initiative.

Ainsi que de l’avenir à un mouvement politique qui fonctionne sur cette base théorique.

08/07/2012 21:12 par Depositaire

Article intéressant de Patrick Mignard. Il est bien, effectivement, d’expliquer ces termes que l’on entend dans la bouche des poilticiens de tout bord et des journalistes dont on n’est même pas sur qu’ils savent de quoi ils parlent.

Cependant, une critique est à faire sur cet article, constructive. Il ne va pas assez loin.
Par exemple, il n’explique pas cette absurdité évidente qu’une croissance indéfinie, dans un monde fini est un non sens et une impossibilté pure et simple.
Comment voulez-vous produire toujours plus lorsque toutes les ressources de la planète seront épuisées ? Comment l’humanité va vivre ? Certains disent que dans le futur, la science trouvera une solution et tout pourra continuer indéfiniment. Ben voyons !
C’est bien commode de se défausser vers la science, ça évite de répondre aux questions embarassantes.
Mais même si, par on ne sait quel miracle, la science serait capable de résoudre le problème des ressources de la planète, un autre problème va apparaître et d’ailleurs il est déjà bien là  : La pollution. On va mettre encore à contribution la science...!? Bon, très bien, Et les catastrophes du genre de Bhopal en Inde , (pollution chimique ayant engendré des centaines de morts), Tchernobyl, Fukushima ? sans compter bien d’autres en suspend. Là il faut bien dire les choses comme elles sont : La science n’a pas été capable de prévenir ces catastrophes et encore moins à les contenir. Et si demains il y avait 10 ou 20 Tchernobyl ou Fukushima ? Ce sera la fin de l’humanité.

Comme je l’ai mentionné dans un commentaire sur un autre article, la solution est un changement de paradigme. Une autre vison de la société basée sur le fait de mettre l’être humain et son épanouissement au centre. Pas la finance, pas l’économie, pas la politique, pas le "marché" ou la bourse, système incroyablement absurde.

Pour cela, constituons un réseau d’hommes et de femmes de bonne volonté qui réfléchissent et élaborent un autre système, un autre type de société qui ne serait pas basé sur l’exploitation et la domination d’une minorité sur la majorité, sans cette clique de politiciens professionnels corrompus, menteurs, hypocrites et criminels au service d’une oligarchie ploutocrate criminelle mondiale.

Sous quelle forme créer ce réseau ? par Internet, bien sur, au moins au départ. Plus tard, il faudra bien que les gens se rencontrent. Mais Internet est un moyen privilégié pour se contacter, même si nous sommes très éloignés géographiquement. Je laisse à chacun la possibilté de proposer des idées. J’en ai quelques unes pour ma part. Mais plutôt que de les proposer maintenant, je préfère attendre les réactions éventuelles à cette suggestion. Après il sera plus facile de discuter sur les modalités possibles. Pour l’instant, ce serait alourdir inutilement ce commentaire sans savoir comment cette proposition sera accueillie.

03/08/2012 13:56 par schucky

La croissance est un concept definitivement obsolete et il est effectivement necessaire d’inventer de nouveaux schemas economiques. La croissance vertueuse suppose des creations ou ouvertures de nouveaux marchés, nouveaux besoins auprès de consommateurs dont le niveau de vie est à la hausse. Actuellement, nous sommes en société de gaspillage, les nouveaux marchés ne font que se substituer aux existants et le niveau de vie est globalement arrivé à son maximum. Des seuils economiques semblables ont existé par le passé, ils ont tous été résolus par des periodes de guerre, éliminant le trop plein de chomeurs, relançant léconomie par l’armement, la logistique et le batiment et ouvrant dans le meilleurs des cas des nouveaux marchés territoriaux. D’autre part, la croissance a besoin pour ne pas saturer d’une population en expansion. Hors globalement la population mondiale arrive à une crete maximlum. Dans tous les pays développés, l’amorce d’une reduction demographique est deja en place, le Japon va ainsi perdre pres de 1 millions d’habitants par an dans les 30 prochaines années, l’Allemagne perd actuellement pres de 100 000 habitants par an, malgré l’immigration. Les populations vieillissantes ne sont pas des consommateurs de produits manufacturés, les populations jeunes sont moins nombreuses et de plus ont moins de pouvoir d’achat. La croissance devient impossible dans le sens que nous lui donnons à ce jour, elle ne peut plus créer d’emploi de par les gains de productivité potentiels. Enfin, la depense publique va devoir s’adapter à des populations en moins grands nombres, donc moins fournisseuses d’impots.

05/08/2012 21:19 par Fred Barbe

Si ce n’est pas déjà fait, je vous suggère de visionner ce vidéo qui suggère quelques idées pour remplacer le modèle économique que l’on connaît tous. Il résume en d’autres mots la problématique de Patrick Mignard et propose quelques idées très intéressante.

http://www.youtube.com/watch?v=IgjCFP7LYQQ

06/08/2012 00:04 par RogerLapue

Comment dire absolument rien en trop de mots ? Patrick Mignard a la réponse

10/08/2012 16:06 par Réformons

@RogerLapue : merci pour ce petit commentaire expéditif. Aurais tu l’obligeance d’étayer tes propos d’une argumentation un peu plus construite que l’on puisse suivre le cheminement de ta pensé. Pour l’heure il est tout simplement difficile, voire impossible, d’y adhérer...

@Depositaire : Tout à fait d’accord. Nous avons construit un système sur une aberration mathématique et physique qui ne semble pas choquer ces gens si intelligents qui en profitent. Est-ce fait exprès ? On peut se poser la question.
Certaines initiatives sont déjà en marches comme par exemple le projet Venus, The Free World Charter ou le groupe « voter AM » pour ne citer que ceux-là .

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