Consommation. Casino lance les mini-crédits alimentaires

Pierre-Olivier CHAPUT

À partir du 30 avril, Casino permettra à ses clients de payer leurs courses alimentaires plus tard ou en plusieurs fois. Au risque de créer une dépendance à ces petits crédits.

Dès lundi, les magasins Casino proposeront à leurs clients de régler leurs achats alimentaires en différé ou en plusieurs fois. Cette facilité de paiement doit permettre de régler ses courses en différé à partir de 20 euros ou bien, si le panier dépasse les 50 euros, en quatre fois sur une période d’un mois. Attention, cet échelonnage en quatre versements ne sera toutefois pas gratuit : il y aura des frais, que Casino a décrits comme « très faibles » sur le site du quotidien Le Monde, tout en se gardant d’en préciser le montant exact.

Si ce type de crédit n’est pas nouveau, en grande surface comme dans les autres types de commerce qui proposent depuis longtemps des arrangements de ce type pour l’achat d’objets coûteux, le changement réside ici dans le seuil minimal pour avoir le droit d’y recourir.

« Ce n’est pas une révolution, considère l’association de défense des consommateurs et usagers Consommation Logement Cadre de vie (CLCV), qui précise n’avoir pas encore examiné le dispositif dans le détail. Il s’agit d’une forme hybride de crédit à la consommation. »

La France compte cinq millions de pauvres

Casino a lancé cette nouvelle forme de crédit après avoir constaté que le chiffre d’affaires des magasins pouvait baisser jusqu’à 10 % durant la dernière semaine du mois, alors que les dépenses sont au plus haut après le 1er, dans les jours qui suivent le versement des salaires et allocations. Le dispositif, a annoncé la chaîne de magasins, se trouvera intégré à l’application Casino Max, qui sert également de portefeuille de réductions, carte de fidélité numérique et moyen de paiement par mobile depuis sa mise en service il y a quelques mois.

Interrogée, l’association de consommateurs UFC-Que choisir se dit très perplexe par rapport à cette mesure. « Normalement, un crédit sert pour des événements ponctuels, comme l’achat d’un gros meuble, d’un lave-linge ou d’une voiture. La nourriture, on en a besoin tout le temps, donc la logique de ce type de crédit pose question », explique un représentant de l’association. « On risque de créer une accoutumance au crédit », poursuit-il. Cette accoutumance voudrait dire que, poussées à la consommation à la période où leurs finances sont au plus bas, des personnes se mettraient à dépenser régulièrement plus que ce dont elles ont l’habitude et, surtout, plus que ce qu’elles peuvent. Même si les rentrées d’argent du début du mois permettent de rembourser le prêt tout juste contracté, cela ne fait que fragiliser encore plus la fin de mois suivante. Le type même de cercle vicieux qui conduit tout droit à l’endettement et au surendettement.

L’UFC-Que choisir s’inquiète également des modalités bancaires qui entourent cette avance : « Cette facilité de paiement s’adresse aux personnes les plus précaires. Que se passera-t-il lorsque quelqu’un ne sera pas en mesure de rembourser ses achats ? » en référence aux frais bancaires pour incidents de paiement qui, selon une étude publiée en octobre 2017 par 60 Millions de consommateurs, constituent un véritable matraquage bancaire qui enfonce les plus fragiles.

« Les professionnels essaient toujours de trouver des nouvelles formes de crédit, analyse la CLCV. Nous pensons qu’il faut surtout éviter les solutions chères et inadaptées, comme les crédits renouvelables au taux d’intérêt frôlant les 20 %, qu’on trouvait il y a une dizaine d’années et qui ont depuis été encadrés par la loi, en partie grâce à notre action. » Pour l’association, ce type de facilité d’achat à échéance rapide reste « un mieux » par rapport au crédit renouvelable. « Après, il faut quand même payer, ce n’est pas ça qui va résoudre la situation des gens qui n’ont pas de moyens », conclut-elle.

D’après l’Observatoire des inégalités, la France compte cinq millions de pauvres, lorsqu’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian. Ce chiffre s’élève à 8,9 millions si on élève le seuil à 60 % du revenu médian. Selon ces critères, le nombre de pauvres en France a respectivement augmenté de 600 000 à plus d’un million de personnes, ces dix dernières années.

Pierre-Olivier Chaput

 https://www.humanite.fr/consommation-casino-lance-les-mini-credits-alimentaires-654539

COMMENTAIRES  

30/04/2018 23:56 par Assimbonanga

Est-ce dans Germinal que l’épicier fait crédit à un tarif usuraire auprès des clientes ? Mais, au moment de la grève, il en cuira au sale bonhomme. Les femmes, ivres de colère, lui couperont les c... ouilles.
Avec Casino, comment fera-t-on pour se venger lorsqu’on paiera 3 mois plus tard et qu’on aura rien à manger dès le 2 du mois ? L’informatisation rend les responsables inatteignables.
Une telle mesure devrait soulever un tollé, un véto d’état, une obstruction, un interdit. Mais rien à l’horizon...

01/05/2018 09:03 par Ange Lini

Nous sommes dans un raisonnement par l’absurde ! Cette fuite en avant perpétuelle du système, vendue comme un "progrès" par certains me sidèrera toujours autant ! Cela me fait penser aux "enfoirés" qui iront s’égosiller dans la joie jusqu’aux milliards de repas distribués devant un zénith plein à craquer de bonheur ! Victoires chanteront ils en cœur !...Le vital journalier est à crédit et l’enfoiré de service chante que ce n’est pas une révolution ! Effectivement, cela s’appelle une contre révolution gagnée ! Pendant ce temps les "nostalgiques" décortiquent la supercherie de 68 à qui mieux mieux. Finalement nous ne savons qu’étudier (mal) l’histoire, jamais le peuple n’ose l’écrire lui même en temps réel en s’appuyant sur elle. Nous n’écrivons que le passé, jamais le présent... Le "spin doctor" us Karl Rove sous le régime de G.Bush avait cyniquement résumé la situation de l’époque devant un parterre de journaleux attentifs, par ce magnifique pléonasme : "Nous créons une réalité que vous êtes condamné à étudier car nous la précédons" ...Attendons nous à une dépopulation de masse silencieuse et abjecte par tous les moyens qui nous "veulent du bien". Big pharma, big data, big banca etc etc. Le totalitarisme sort silencieusement de ses pantoufles. La première botte est enfilée...et sous un monceau de terreur mal camouflé la majorité non moins silencieuse se pense encore en démocratie (sans jamais l’avoir expérimentée)...vous avez pas dit bizarre bizarre !

02/05/2018 09:49 par J.J.

Quand j’étais petit à la maison, le plus dur c’était la fin du mois... Surtout les trente derniers jours !
Célèbre citation de Coluche et triste réalité pour certains.
Comment feront-ils ceux là avec un crédit supplémentaires (+ les frais) et quel sort leur sera réservé ?
C’est une initiative criminelle.

02/05/2018 21:35 par Daniel BESSON

Cit : [ Une telle mesure devrait soulever un tollé, un véto d’état, une obstruction, un interdit. Mais rien à l’horizon...]
Une telle mesure était pratiquée par des milliers de petits commerçants de la chaîne incriminée , de " L’ Etoile des Alpes " ™ , de " COOP " ™ , de " L’Economique " ™ , ... dans des centaines de villages et de quartiers ouvriers en France et ce jusqu’à la fin des années 70 sans que personne n’y trouve rien à redire .

03/05/2018 12:11 par Ange Lini

@ Daniel Besson : "...dans les années 70 cela se pratiquait sans que personne n’y trouve à redire..." En cinquante ans quel progrès donc !!!!! En fait combien dure le conservatisme ?

03/05/2018 23:28 par Daniel BESSON

@Ange Lini
Je vous ferai remarquer que " marquer " ses courses pour la fin du mois était une pratique demandée par les clients et que le commerçant qui n’était que le gérant d’un fonds qui ne lui appartenait souvent pas prenait tout le risque d’impayé . Sur une communauté de plusieurs dizaines de familles cela représentait tout simplement un encours de crédits qui correspondait à plusieurs mois de ses revenus et la certitude d’être foutu à la porte , lui et sa famille , de l’appartement qu’il occupait au dessus du commerce .Le plus souvent il ne demandait même pas une signature et se contentait d’ajouter le montant des achats à la page du débiteur ,une par famille .
De la même manière ces chaînes proposaient un système de timbres pour , par exemple , financer l’achat d’un cadeau de Noël .
Même ce type de solidarité , vous les gauchistes ne l’admettez pas ! Mais quel monde vous voulez nous construire ?
Dans ce système ce sont les méchants capitalistes actionnaires de la chaîne qui , in fine , assument le risque autrefois pris par le commerçant .

04/05/2018 08:23 par legrandsoir

méchants capitalistes actionnaires de la chaîne qui , in fine , assument le risque

C’est bien connu. Les capitalistes actionnaires de la chaîne ont le fibre "solidaire". Où allons-nous ?

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