La démocratie casino de Ségolène Royal.





Dimanche 29 octobre 2006


Ségolène Royal propose de créer des « jury populaires » dont les membres seraient tirés au sort, pour instaurer « une surveillance sur la façon dont les élus remplissent leur mandat ».

C’est une proposition démagogique. Elle s’appuie, en effet, sur une réelle aspiration populaire mais en dévoie le sens et la conduit droit dans l’impasse.


C’est une proposition qui s’appuie sur une réelle aspiration populaire.

Cette aspiration est tout simplement l’aspiration à la démocratie.

A chaque élection depuis 1995, notre peuple a systématiquement désavoué le libéralisme, de droite comme de gauche : législatives de 1997, présidentielle de 2001 (en raison du caractère mitigé du bilan de Lionel Jospin et de son programme qui n’était « pas socialiste »), défaite écrasante de la droite aux régionales et aux européennes de 2004, victoire du « non » au référendum sur la Constitution européenne en 2005.

Mais, malgré ces désaveux constants, malgré les énormes mobilisations sociales de 1995, 2003 et 2006, le libéralisme a continué à multiplier les dégâts sociaux et les profits des grands groupes.

Que dans ces conditions, bon nombre de citoyens puissent éprouver l’envie de faire passer devant « un jury populaire » les élus et « le mensonge de la parole publique » n’a rien de vraiment étonnant.

Ce qui est étonnant, par contre, c’est qu’une responsable socialiste flatte une telle envie plutôt que de mettre en évidence les véritables racines de la crise très profonde qui frappe la démocratie représentative.

La Constitution de la Vème République, tout d’abord, qui dote de pouvoirs considérables un Président dont l’irresponsabilité politique est totale.

Les institutions de l’Union européenne, ensuite. Aujourd’hui, en effet, plus de 60 % des actes législatifs et réglementaires adoptés en France sont directement issus de l’Union européenne. Mais l’Europe est une démocratie en trompe-l’oeil : la seule institution élue au suffrage universel, le Parlement européen, est aussi celle qui a le moins de pouvoirs.

La concentration, enfin, des médias aux mains de puissances d’argent (Bouygues, Rothschild, Lagardère...). Des médias qui personnalisent la vie politique pour mieux la dépolitiser. Des médias dont les programmes politiques sont toujours soit absents, soit caricaturés.


C’est une proposition qui dévoie l’aspiration à la démocratie.

Ségolène Royal ne propose aucune réforme des trois principaux instruments qui permettent de bafouer, avec une telle constance, la démocratie représentative.

Le lendemain de la nomination d’Arnaud Montebourg comme son porte-parole, elle affirmait, haut et fort, sur France-inter son soutien aux institutions de la Vème République.

Lors de sa conférence de presse sur l’Europe (le 11 octobre) elle n’a apporté strictement aucune précision sur le contenu d’une réforme des institutions européennes dont elle n’a, à aucun moment, indiqué le caractère profondément anti-démocratique.

Elle ne remet pas en question la concentration qui confère un pouvoir aussi disproportionné aux médias. Il est facile de comprendre pourquoi : ce sont quatre hebdomadaires (Paris-Match, l’Express, VSD et le Nouvel Observateur » qui ont simultanément lancé la promotion de son image. Ce sont, aujourd’hui encore, les grands médias qui la désignent systématiquement comme l’adversaire de Sarkozy en 2007 et qui font d’elle la « victime » de DSK et de Laurent Fabius.


C’est une proposition qui conduit dans l’impasse.

La proposition de « jurys populaires » est complètement illusoire : en quoi ces jurys pourraient-ils s’opposer à la nouvelle version de la « directive Bolkestein » que nous prépare l’Union européenne ? En quoi des « jury populaires » auraient-ils pu empêcher le démantèlement programmé de nos régimes de retraites par répartition, de l’assurance-maladie ou du code du travail ?

Cette proposition permet de faire écran à un réel débat de fond sur la crise de la démocratie représentative. Elle n’a pas, pour autant, grand-chose à voir avec la « démocratie participative » dont Ségolène Royal ne cesse de se réclamer.

La démocratie participative telle qu’elle s’exerçait au Brésil, dans la municipalité de Porto Alegre qui a « inventé » le terme, donnait un réel pouvoir de décision aux collectifs de citoyens. Il ne s’agissait pas simplement comme le propose Ségolène Royal d’organiser une nouvelle forme de sondage d’opinion mais de permettre à tous les citoyens concernés de décider de l’affectation de budgets municipaux. Ces citoyens prenaient une décision collective après des délibérations où chacun pouvait s’exprimer citoyens, élus, « experts ») et où se construisaient des solidarités concrètes.

C’est exactement l’inverse que propose Ségolène Royal : le tirage au sort est la négation de la délibération de tous, la négation de toute solidarité concrète, la négation de tout avis réellement collectif. Le tirage au sort renvoie chaque citoyen à son isolement et à la guerre de tous contre tous où le plonge l’économie néo-libérale.

C’est la démocratie casino et, au casino, c’est toujours la banque qui finit par gagner.

Jean-Jacques Chavigné pour Démocratie & Socialisme www.democratie-socialisme.org





Le contrat doit il se substituer à la loi ? par Gérard Filoche.




- Dessin : Alex Falco Chang

COMMENTAIRES  

30/10/2006 01:21 par Anonyme

Relisez ’La République’ de Platon.

Seul un fonctionnement par tirage au sort - fréquent - permet d’éviter les politiques professionels (les ’élites’)qui sont le fléaux de toutes les société modernes contemporaines.
Les ’jury populaires’ sont un pas dans le bon sens.

20/11/2006 22:17 par Mendès

"Relire Platon ?" et pourquoi pas Les protocoles des sages de Sion ? ou la Constitution américaine ? Mais quel genre d’argument est-ce, si ce n’est un débile argument d’autorité de pseudo-intellectuel ? Vous ne voyez donc pas que vous donnez le baton pour vous faire battre ? Mais que donc allait-il faire dans ce Platon ? Question insidieuse : appréciez vous aussi la pensée de Nietzsche ?

30/10/2006 06:54 par Anonyme

Votre avis est intéressant mais je constate encore une fois que vous déformez et caricaturez le propos de Ségolène Royal... C’est fatigant à la fin. Vous vous posez en chantre de la "vraie" démocratie tout en utilisant les bonnes vieilles méthodes de manipulation de l’information. Ce n’est pas constructif. Pourquoi, à partir de l’idée lancée, s’il vous intéresse de la creuser, ne pas plutôt en envisager l’intérêt, le potentiel, les limites, les difficultés énvisageables, les modifications à apporter pour en faire une idée collective acceptable s’il se trouve comme vous l’expliquez en début d’article que beaucoup de nos concitoyens, à gauche notamment, sont de plus en plus sensibles à cette notion de démocratie participative. Je rappelle que dans la présentation de SR il ne s’agit pas de contrôler les élus locaux ni de remplacer la démocratie représentative.

Il y a maintenant 90% de chance que SR soit notre représentante pour l’élection présidentielle. Quelle est l’intérêt de chercher à la diaboliser en interne ? Comment les mêmes qui la dénigre allègrement en ce moment vont-il sincèrement pouvoir appeler les militants et les sympathisants à la soutenir après le vote des militants ?

Allez-vous voter PCF ou LCR à la prochaine élection ? Tout cela parce que votre poulain favori au PS ne serait pas élu représentant du parti ?

Je suis encarté depuis seulement 1 an au PS et ce que j’y vois en terme de combats d’ego me semble clairement à des années lumière des belles valeurs affichées.

Bien à vous.

Emmanuel K.

02/11/2006 21:22 par Anonyme

le politicien flatte le peuple alors que le peuple suit l’homme d’état

20/11/2006 22:10 par Mendès

Votre engagement pour un Parti aussi peu socialiste que le PS exprime parfaitement votre incompréhension de la situation politique. Non seulement vous ne voulez pas voir la trahison, la betîse normé, la force de destruction officiel qu’incarne depuis 1983 le PS, mais vous continuez de penser qu’il existe des candidats officiels qui "possèdent légitimement" les voix des citoyens, qui vous "appartiennent". L’élection que vous defendez n’est plus qu’une mascarade de démocratie. Vous n’êtes pas un homme de gauche, vous êtes un homme de droite déguisé. Par conséquent je vous supplie de continuer à tenir les propos que vous tenez, il révèle votre vrai visage : une nauséabonde pensée bourgeoise plongée dans sa splendeur égocentrique. J’imagine que le mot révolution vous met mal à l’aise, c’est pourquoi je terminerais par un mot de Mendès France : << La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement révolutionnaire, à l’encontre de l’inégalité, de l’oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, éternellement inachevée tant qu’il reste des progrès à accomplir. >>
Vous pratiquez l’anathème en le dénonçant chez vos adversaires, et vous ne vous en apercevez même pas ! Comble de l’idiotie fétichiste ! C’est extrêmement révélateur de votre mode de pensée normatif.

30/10/2006 16:22 par Roger

J’ai trouvé cet article bien équilibré. Il pointe en effet, d’un côté, un "désir de démocratie" qui s’est fortement exprimé en mai 2005, qui se renforce au fur et à mesure de l’évidente impuissance de nos politiques à résister au totalitarisme du marché (Bolkeinstein va s’appliquer, les OGM seront dans nos assiettes, l’énergie privatisée, l’éducation mercatisée, etc...)
De l’autre il montre bien le caractère ambigüe (je ne pense pas que ce soit démagogique ni populiste)de le proposition de SR, dans la mesure ou cette procèdure n’est pas nouvelle,qu’elle vit dans de nombreux endroits, et que ce pourrait être l’occasion de valoriser toutes les initiatives citoyennes.
Mais ce que je trouve le plus intéressant réside dans le fait que cette proposition a eu le mérite de mettre en débat et en enjeu la question de la démocratie participative...C’est tout de même intéressant, et ça permet au débat Politique de prendre la main et de ne pas laisser les média MSM nous confisquer une fois de plus le droit de penser par nous même...

02/11/2006 17:43 par Pascal SACAU

Une réponse-contribution de Pascal SACAU.
Salutations militantes
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Décadence de leur démocratie

* * *
Avant de poursuivre, aidons-nous du dernier « Dictionnaire culturel en langue française » en quatre volumes, construit par la bande à « ROBERT » sous la direction d’Alain Rey pour définir les mots utilisés.

« Décadence »

« ... apparition vers 1460. 1. Acheminement vers la ruine, la dégradation. Abaissement, affaiblissement, affaissement, chute, déchéance, déclin, décrépitude, dégénérescence. La décadence d’un état, d’un empire. « Nous, l’Etat le plus mûr et le plus avancé, nous montrons des signes de décadence ». (Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe) 2. Moment de l’histoire où a lieu cette dégradation (politique, sociale, morale, artistique...) Les romains de la décadence, les poètes de la décadence.

Contraires : Avancement, croissance, épanouissement, grandeur, progrès,..."

« Démocratie »

"Doctrine politique d’après laquelle la souveraineté doit appartenir à l’ensemble des citoyens, au peuple. Organisation politique (souvent la république) dans laquelle les citoyens exercent cette souveraineté. La démocratie antique, grecque.

Contraires : Aristocratie, monarchie, oligarchie."

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Par extension, je définis à ma façon - - - - - - - - - -

"Démocratie participative"

Escroquerie de la "pensée" unique de droite, de "gauche" et des Verts-de-gris qui prouve qu’ensemble ils ont tant caricaturé, laminé la pratique de la démocratie qu’ils se voient contraints de nous coller "participative" à "démocratie" en nous racolant pour nous associer à un pléonasme et accoler leur notion rabougrie, mesquine, ratatinée, aristocratique du pouvoir du Peuple à celle de "démocratie".

Les manifestations pour le retrait du CPE sont la démocratie, Messieurs les aristos ? Que faisiez-vous quand la jeunesse et le Peuple participaient à la mobilisation contre la destruction du Code du Travail ? Que faisiez-vous quand la majorité des citoyens tentait avec les moyens du bord de construire le "NON" au référendum ?

Vous, aristocrates de droite, de gauche, de l’écologie, votre conscience s’est construite comme celle d’un morpion du vieux monde, vous les donneurs de conseil, vous participiez au concert de l’idéologie dominante du "OUI" à la mondialisation de la précarité, version européenne, qui n’a que faire de la démocratie.

Et maintenant ?

On vous retrouve en train de soutenir le couple de fossoyeurs Sarkozy-Sarkolène. Dans les prochaines mois, quand ça va imploser et exploser, il y a fort à parier que vous hurlerez avec les loups, chacun à votre façon, pour discréditer le combat engagé et diviser la population qui n’a que faire de vos formules parce que vous êtes les principaux liquidateurs de la démocratie par intérêt, par ignorance, par corporatisme des idées, par lâcheté.

"Le mot citoyen", Pascal SACAU, citoyen libre.

Chômeur, Délégué syndical Force Ouvrière licencié le 10 mars 2005, réintégré puis licencié le 10 mai 2005 par GAN-GROUPAMA avec la complicité de dirigeants syndicaux qui sont en train d’abandonner me ex-collègues.

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