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Sarkozy veut faire entrer dans la Constitution l’interdiction des déficits publics

illustration : contrôler le marché ou le subir ?

Cette mesure est une attaque d’une extrême gravité contre le salariat (93 % de la population) mais n’aura aucune incidence sur les banques qui portent pourtant l’entière responsabilité de l’augmentation de la dette publique au cours des trois dernières années.

Qui peut imaginer un seul instant, en effet, que si les banques nous replongeaient dans la même galère qu’il y a trois ans, Sarkozy ne serait pas le premier à leur offrir les centaines de milliards d’euros dont elles auraient besoin pour financer leurs créances toxiques, garantir les dépôts de leurs clients et leur éviter la faillite ? Qui peut penser qu’il n’augmenterait pas aussitôt le déficit public pour satisfaire les besoins des banques ?

Le même argument qu’en 2008 nous serait alors resservi : « elles sont trop grandes pour faire faillite » ! Alors que, si elles n’étaient pas immédiatement nationalisées, elles pourraient immédiatement faire faillite et s’ensuivrait une crise économique catastrophique. On peut donc être certain que, dans un tel cas de figure, le Conseil constitutionnel s’assiérait sur l’amendement de Sarkozy et se retrancherait derrière des « circonstances exceptionnelles » pour les sauver sans les nationaliser.

Pourtant, ces « circonstances exceptionnelles » ne sont rien d’autre que le fruit de l’inaction du gouvernement Sarkozy et de son inépuisable complaisance envers les banques. Car rien, depuis 2008, n’a été fait pour interdire aux banques de spéculer avec les dépôts de leurs clients. Aucune séparation n’a été instaurée entre banques d’investissement et banques de dépôts. Des dizaines de milliards d’actifs toxiques plombent encore leurs bilans. Loin de revenir à des tailles plus modestes et donc moins dangereuses pour l’économie et la société, les établissements bancaires les plus importants ont profité des fonds mis à leur disposition par l’Etat pour racheter des établissements plus petits ou plus vulnérables. Elles sont encore plus « grandes » aujourd’hui qu’en 2008 et leurs faillites seraient donc encore plus dangereuses.

C’est uniquement contre le salariat qu’est dirigée cette modification de la Constitution

Et cela à double titre.

D’abord en adossant directement à la Constitution le plan d’austérité destiné à rétablir l’équilibre budgétaire, un plan payé par les seuls salariés.

La dette publique sert, en effet, de bélier à Sarkozy et à son gouvernement pour imposer les « réformes » néolibérales qu’ils n’avaient pas encore pu nous infliger. Avec la retraite à 62 ans, les deux ans de travaux forcés qu’il essaie de nous imposer ne sont qu’un avant-goût de ce qu’il nous concocte. La privatisation de pans entiers de l’assurance-maladie, du secteur hospitalier, de la dépendance, des retraites est au menu de son plan d’austérité. La diminution des emplois publics, la destruction de l’Éducation nationale s’accentueront. Les collectivités locales pourront toujours moins financer les prestations sociales qu’il leur incombe de prendre en charge. Sans même parler de la TVA antisociale à laquelle Copé commence déjà à nous préparer.

Ensuite, en rendant très difficile, pour un gouvernement de gauche, la possibilité de faire une autre politique qu’une politique néolibérale. La dette publique actuelle a deux origines.

La première est la baisse des impôts des riches qui obligent l’État à emprunter aux rentiers et à leur verser des intérêts qui accroissent encore le montant de la dette publique.

La seconde est la crise économique (conséquence directe de la crise bancaire) qui s’est traduite par une augmentation des dépenses (financement du plan d’aide aux banques, primes à la casse pour préserver les profits de l’industrie automobile …) et par une diminution des recettes liées au recul de l’activité économique.

Cette dette publique est illégitime, elle n’a jamais profité à l’ensemble de la population, uniquement à ceux qui ont vu leurs impôts baisser, leurs rentes augmentées, leurs profits bancaires restaurés.

Mais une politique de gauche pourrait très bien prendre appui sur un déficit d’une tout autre nature : un déficit finançant l’investissement productif et l’augmentation du pouvoir d’achat. Ce déficit serait rapidement comblé par un surplus de croissance. Utilisé, non pour augmenter les dividendes des actionnaires, but ultime de la politique de Sarkozy, mais pour faire reculer le chômage, sauvegarder la Sécurité sociale, augmenter les salaires du secteur public, ce déficit serait parfaitement légitime. L’amendement voulu par Sarkozy l’interdirait et rendrait anticonstitutionnelle toute politique d’inspiration keynésienne.

La gauche ne doit pas aider Sarkozy à se relever du discrédit politique qui le frappe actuellement

Sarkozy n’osera pas avoir recours à la procédure référendaire pour entériner cette modification de la Constitution. Il sait fort bien que, quel qu’en soit l’objet, il ne peut gagner aucun référendum, tant il est détesté.

Il ne lui restera donc plus que la voie du Congrès (réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat) et la nécessité de réunir une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par les députés et les sénateurs.

Sarkozy ne pourra donc imposer sa réforme qu’avec une partie des voix des élus de gauche. S’il arrivait à imposer son amendement, ce serait non seulement imposer de très sévères entraves à toute future politique de gauche mais ce serait, aussi, lui permettre de se remettre politiquement en selle, après le profond discrédit que lui a infligé la gigantesque mobilisation en défense de nos retraites.

Il aurait, en effet, une nouvelle fois réussi à diviser la gauche. Il en récolterait les fruits en 2012. A l’inverse, un camouflet infligé à Sarkozy accentuerait encore son discrédit et aiderait à une victoire de la gauche.

Le Parti Communiste a annoncé que ses élus ne voteraient pas l’amendement Sarkozy. La direction du Parti Socialiste semble s’orienter dans le même sens. La gauche doit être unanime dans son refus : exigeons donc, dès maintenant, de chacun de nos élus de gauche qu’il ne vote à aucun prix une telle modification de la Constitution.

Jean-Jacques Chavigné

source : http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2335

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COMMENTAIRES  

14/02/2011 07:20 par nemottep

La direction du Parti Socialiste semble s’orienter dans le même sens.

c’est désolant de lire ça .
la direction d’un parti social ne devrait même pas se poser
de question et rejeter en bloc ce genre d’idée .

14/02/2011 09:36 par EW

Dans le cadre d’une démocratie, ce genre de modifications ne mériteraient-elles pas, a minima, un referendum consultatif ?

Ah, beh non...

14/02/2011 11:39 par Cyril

L’auteur écrit que "La dette publique actuelle a deux origines" et relate deux causes qui sont en effet des réalités. Mais ce sont des causes conjoncturelles et il conviendrait à tout le moins de préciser la véritable cause, qui est structurelle, de notre dette publique. Je vous invite à lire l’ouvrage de André-Jacques Holbecq "la dette, une affaire rentable".

Pourquoi, parle-t-on si peu de cette loi de 1973 qui interdit à la banque de France de financer l’Etat, cad de lui consentir des prêts sans intérêt ? C’est cette disposition, reprise au niveau européenn avec Maastricht, qui fait que nous sommes pris dans une spirale d’endettement. L’ouvrage précité fait la démonstration que notre dette serait nulle aujourd’hui si nous n’avions pas eu à payer depuis 1980 tous ces intérêts indus. Oui, notre dette actuelle équivaut à peu près à ce que nous avons payé d’intérêt depuis 30 ans. Ces intérêts occupent le 1er poste de dépenses de l’Etat, paiement des fonctionnaires mis à part. C’est quasiment 50 milliards d’euros par an. Les recettes perçues au titre de l’impôt sur le revenu y passent.

Alors pourquoi a-t-on décidé d’un seul coup de nous obliger collectivement à payer des intérêts aux banques alors que nous pouvions auparavant emprunter sans intérêt ? Pourquoi ce racket de 50 milliards par an, soit 2.5% du PIB ?

Il serait temps que les mouvements progressistes s’approprient pleinement le sujet qui est l’une des principales pierres d’achoppement du basculement véritable dans un autre modèle de société. Battre monnaie est l’une des prérogatives suprêmes et on nous en a privé sans le dire. Moi j’en connais une, la fille de son père très à droite, qui a compris tout l’intérêt de mettre sur le tapis cette loi scélérate de 73 pondue par le duo Pompidou/Giscard. Il serait temps que les citoyens s’intéressent de très près à ces entreprises extraordinaires - qu’on veut nous faire passer pour ordinaires - que sont les banques.

14/02/2011 13:46 par Samuel Moleaud

Déjà , le fait que l’on dise à tout va "la politique de Sarkozy" est une preuve que nous avons tous intégré le fait d’être gouverné par un président autoritaire. Le fait que ce premier s’exprime à la première personne du singulier ne révolte plus personne, là où la constitution précisait autrefois que le Premier Ministre et son gouvernement dirigent la politique de la Nation, en concertation avec le Président de la République. Le "je" devrait être banni des discours de Sarkozy.

Un bon article qui comme d’habitude renseigne sur l’attitude oligarchique et complaisante des médias, qui s’enflamment sur "l’affaire Lætitia", pendant que la privatisation de l’Etat passe dans l’ombre.
La solution, boycotter ce vote pour la gauche, et attendre par résignation qu’il passe, ou commencer à militer pour une sixième république post 2012, faisant table rase des agressions sarkoziques ?

14/02/2011 23:06 par EW

Tout à fait Cyril, ceci devrait-être le cheval de bataille d’une opposition digne de de nom ; d’autant plus que les arguments invoqués par VGE sont du domaine de la caducité la plus absolue voire du néant intersidéral : http://vge-europe.eu/index.php?post/2008/07/25/Reponse-de-VGE

Dette qui ne sert, finalement, qu’à soutenir la croissance d’un productivisme vorace et donc aux antipodes des intérêts de la collectivité.

A voir ou à revoir, L’Argent Dette de Paul Grignon (Money as Debt FR) : http://vimeo.com/1711304

14/02/2011 23:27 par Bourguignon

Un avant goût pour 2011

http://ellynn.fr/dessousdebruxelles/spip.php?article140

Tout se tient.Hélas !

15/02/2011 00:33 par ppkalou

« Pourtant, ces « circonstances exceptionnelles » ne sont rien d’autre que le fruit de l’inaction du gouvernement Sarkozy et de son inépuisable complaisance envers les banques. »

Sarkozy est un exécutant. Ni plus ni moins. Que de temps perdu à s’en prendre à sa petite personne. La croyance selon laquelle les dirigeants politiques prennent des décisions est, pour moi, dépassée.
Pour les croyants elle est un boulet qui les faits voter socialo/collabo.
http://www.imf.org/external/french/...

Les commanditaires des attaques contre le salariat et les acquis sociaux sont à chercher du côté du patronat.
http://www.medef.com/nc/medef-corpo...

http://blogs.mediapart.fr/blog/jean...

Lorsque cela sera intégré par une majorité de nos concitoyens alors, nous pourrons envisager de nous battre à armes égales.

@ Cyril

Ah cette loi de 1973 ! Une 1789 à l’envers. Porté par des capitalistes casés en politique par d’autres capitalistes. Mais à qui profite le crime ?
Notons que la simple pensée d’une abrogation n’a jamais effleuré le moindre gouvernement de gauche.

15/02/2011 10:26 par Du rotary au col mao

@ ppkalou

"Notons que la simple pensée d’une abrogation n’a jamais effleuré le moindre gouvernement de gauche."

Je crois plutôt que Mitterrand n’a pas eu envie de finir comme Allende...

"Ce qui est arrivé à Allende peut m’arriver. Je le sais." (Mitterrand juste après son élection de 1981, selon Jacques Attali, Verbatim).

"Les altermondialistes doivent se poser honnêtement la question : lorsque les changements, réformistes ou révolutionnaires, qu’ils préconisent auront lieu, et que les Etats-Unis chercheront à les détruire, comment feront-ils pour les arrêter ?" (Jean Bricmont)

15/02/2011 15:18 par EW

@ Rotary

"Les altermondialistes doivent se poser honnêtement la question : lorsque les changements, réformistes ou révolutionnaires, qu’ils préconisent auront lieu, et que les Etats-Unis chercheront à les détruire, comment feront-ils pour les arrêter ?"

Nous sommes déjà en train de nous faire détruire ce me semble.

La situation me rappelle la réflexion d’une aide familiale qui nous aidait quand j’étais enfant, une bonne soeur, à propos des tâches sur les vêtements lorsque tout avait été essayé, elle nous disait : "perdu pour perdu, passons les à la javel" ; j’aurai tendance à nous dire la même chose : détruits pour détruits, voyons s’ils sont vraiment inarrêtables.

Tendre l’autre joue vous parait une meilleure option peut-être ?

15/02/2011 20:49 par Du rotary au col mao

@ EW

Tendre l’autre joue vous parait une meilleure option peut-être ?

Je ne suis pas chrétien, je ne pense pas qu’il faille "tendre l’autre joue". Je ne comprends pas votre message, les phrases sont grammaticalement correctes, mais les mots défilent devant mes yeux sans que je puisse en saisir le sens.

Ce que je voulais dire, c’est que si jamais quelqu’un arrive au pouvoir en France et se met à faire des réformes vraiment de gauche (par exemple du type que celles que Chavez met en place au Vénézuéla), il se passera très peu de temps avant que l’armée, soutenue par les états-uniens, ne prenne le pouvoir selon la séquence : golpe à la Pinochet - extermination à la Videla ou à la Uribe de tous les opposants - imposition d’un programme ultra-capitaliste et ultra-libéral soutenu par le FMI et la Banque mondiale.

Face à cela, il y a deux solutions :

1°/ Le pouvoir en place renonce préemptivement aux réformes de gauche pour sauver sa peau. C’est à mon sens la motivation ultime de Mitterrand et de sa clique lors du tournant de la "rigueur" de mars 1983 : ils voulaient sauver leur peau, au sens le plus littéral du terme.

2°/ Si l’on choisit de ne pas renoncer aux réformes de gauche, alors comment fait-on pour se défendre contre l’armée et les sbires des états-uniens (pour ne pas subir le sort d’Allende) ? (Vous voyez que je ne prône pas le "il faut tendre l’autre joue" !) Malheureusement, en cas de coup d’état militaire en France contre un gouvernement de gauche, la foule ne prendra pas le parti du gouvernement (comme pour Chavez en avril 2002 ou pour Correa en septembre 2010) ; l’opinion a été trop labourée pendant plus de 30 ans par la droite et l’extrême droite.

J’ai très peur pour l’avenir. Malheureusement, je pense qu’une dictature à la Pinochet est très probable en France à moyen terme, pour les raisons que je viens de développer. La seule solution, c’est d’en être conscient, de s’y préparer, et d’être prêts au sacrifice, pour pouvoir reconstruire une société plus juste et plus humaine une fois que la tempête sera passée.

16/02/2011 00:42 par EW

@ Rotary

Nous nous sommes donc résigné hier pour nous résigner encore plus aujourd’hui ? (Ca a l’air vachement bien comme concept)

Et demain nous allons "reconstruire une société plus juste et plus humaine".

Demain il n’y aura plus de vilains méchants qui veulent conquérir le monde ? C’est nous qui les aurons chassés en nous résignant ?

J’avoue, je ne comprends pas tout non plus :)

(Sinon j’expliquais juste que nous avions une aide qui venait à domicile qui nous disait de passer les vêtements à la javel quand tout avait été essayé pour les détacher ; j’avais pas l’impression de m’être exprimé confusément mais ça m’arrive parfois, j’espère que c’est plus clair là ^^)

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