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Pour des politiques français à l’eau claire.

Saluant la fin de l’hiver qui approche, d’inattendues révolutions ont fait remonter à la surface les peuples et l’insupportable de la dictature, où qu’elle soit.

Rétrospectivement, le discours de la ministre des Affaires étrangères française à l’Assemblée Nationale, proposant l’aide de notre pays - des armes pour mater la contestation qui amènerait la révolution en Égypte - apparaît encore plus abominable.

Le minimum syndical discursif fourni le lendemain de la démission du président égyptien par Sarkozy, où il salue non pas la révolution que vient de faire éclore les citoyens égyptiens, dans la foulée des tunisiens, mais le « courage » de l’infect Moubarak, ne fait que prolonger l’écoeurement.

Un dégout qui trouve ses racines dans ce qui est apparu au fur et à mesure du bouleversement qu’opérait sur le terrain et dans les têtes la révolution égyptienne après la tunisienne, les révélations au grand public des accointances et des profits de nos démocrates dénudés, révélés à genoux devant les dictateurs. Deux, au moins, parmi les responsables majeurs de notre pays ont profité largement des pourboires de deux dictateurs qui ont du sang sur les mains, et pas qu’une goutte. Voilà ce que nous avons découvert.

On s’en doutait un peu, l’odeur de faisandé flottait au-dessus du protocolaire qui faisait se côtoyer, comme si de rien n’était, les bouchers et nos représentants. Ainsi, quelques élus UMP faisait de longue date ami-ami avec les dictateurs africains, qui pouvaient se réfugier en France si les peuples en avaient assez de se faire piller, violer et tuer, ou tel autre, PS, n’hésitait pas à présenter une dictature comme modèle à suivre. « Modèle » renvoyant, bien sûr, non pas à un type de société libre, égalitaire et heureuse, mais aux deux dogmes qui écrasent aujourd’hui la citoyenneté dans le monde : la primauté du Marché et le service des actionnaires, de l’argent-roi.

On ne peut clore le chapitre en demandant, comme l’a fait Sarkozy de « passer les vacances en France ». D’abord, il y a un passé, en l’occurrence un passif. Fillon et surtout Alliot-Marie ont fauté, et gravement. La justice et la citoyenneté, le respect des français commandent qu’ils soient, d’une part, dessaisis immédiatement de leurs mandats et, d’autre part, que lumière soit faite.

Ensuite, le simple bon sens fait réaliser très vite qu’on ne peut arrêter des avalanches avec un double-vitrage. La solution préconisé par Sarkozy est indigente, totalement inadaptée. Ce n’est pas sur les voyages qu’il faut intervenir, mais sur la racine du mal.

Un représentant n’a pas à côtoyer les dictatures, ni à approcher les dictateurs, encore moins se frotter à leurs fortunes sales, rougies du sang des suppliciés. Sous aucun prétexte il ne doit leur serrer la main, accepter leur hospitalité ou leurs médailles. Peu importe la destination.

La solution fondamentale à tout cela est que le gouvernement dans son entier ne fraye pas officiellement ou officieusement avec des états barbares dont la violence, la pratique de la torture, la suppression des instances démocratiques et des libertés sont reconnues. Un état a peut-être des intérêts, mais il a mieux : des valeurs. Le respect des droits de l’homme, de la démocratie, de la citoyenneté sont insurpassables, même pour un général de référence. Général qui en son temps pratiqua en Algérie et ailleurs, malgré ses exigences affichées et les vertus qu’on s’accorde à lui reconnaître devant un mémorial, la primauté de l’intérêt qu’on appelle chez ceux qui voudrait légitimer l’illégitime, "realpolitik". On sait de combien de morts, de haines, et d’écrasement de millions de gens on a payé, on paye encore aujourd’hui la « grandeur » des intérêts français d’alors.

Nous devons revenir au fondamentaux, si nous voulons avoir une chance de poursuivre l’aventure démocratique, dans les pays sous le joug barbare, mais aussi chez nous.

Laisser un politique français saluer, frayer, commercer avec un boucher qui écrase son peuple, c’est le laisser banaliser la dictature, l’habituer, l’agenouiller à ses pieds demain et, pourquoi pas, en user bientôt sur nous. La France doit refuser d’échanger et de pactiser avec toutes les dictatures quoiqu’en dise le VRP Sarkozy. La France doit être exemplaire de ce point-de-vue là . Elle nous doit et elle doit aux victimes. Nulle part elle ne marchera désormais sur les corps des citoyens du monde.

Même pour vendre des avions, des centrales, ou des hypers. D’autant que les emplois low-cost créés à côté des centres de torture sont les délocalisations de demain chez nous, tant le patronat et son cynisme deviennent de plus en plus prévisibles.

D’autant que l’impératif de croissance couplé au rejet des règles communes d’humanité fondamentale, de démocratie minimale, ne nous amène qu’un niveau de vie en chute libre, une société de plus en plus éclatée, désespérée et sans avenir. Et je ne peux m’empêcher de penser que serrer les mains des dictateurs et accepter leurs faveurs n’est pas sans lien avec les politiques systématiquement anti-sociales et anti-citoyennes qui sont menées contre nous. Sans parler naturellement d’autres espèces de dictatures, économiques celles-là .

Le mal est entré chez nous depuis un certain nombre d’années. Il s’est glissé en nos représentants, avec la crue de l’argent et le cours de plus en plus inflexible des pouvoirs, qui s’éloignent tant des citoyens qu’entre eux ils peuvent se reconnaître en nous ignorant, de puissance à puissance, et tant pis pour les démocraties.

On a su pour Fillon, Alliot-Marie, Strauss-Khan. Il y en a d’autres, avouait Alliot-Marie elle-même, qui promettait la liste entière de ceux qui avaient côtoyé la barbarie, laissé dormir leur dignité.

Une belle cohorte de profiteurs, on s’en doute. Quelle gêne, quels aveux dans la retenue de nos politiques au moment de saluer la victoire égyptienne et rejeter la dictature fermement, définitivement !...

Trente ans. Moubarak a régné trente ans, Ben Ali vingt-trois. Ca laisse du temps pour se constituer un carnet d’adresses en France, une liste de voyages d’agrément à proposer, un groupe d’obligés à récompenser.

Anticiper, repartir pour un avenir assaini, assécher les dictatures, les marginaliser et remettre nos politiques dans leur ensemble sur le droit chemin, au service du peuple français, nécessite un grand nettoyage, ici et maintenant.

On ne peut pas faire l’économie d’une enquête approfondie, suivie de sanctions à la mesure des dévoiements, par une institution citoyenne, indépendante des pouvoirs politiques en place ou de ceux de l’opposition, puisque nos représentants du peuple sont aux premières loges de la corruption, semble-t-il. Une enquête menée par la Justice et/ou une assemblée citoyenne, pourquoi pas composée de gens tirés au sort, en tous cas qui ne laisse pas de prise aux pouvoirs politiques et économiques.

En tant que citoyen, je suis persuadé qu’une France avec des valeurs s’ouvrira le monde entier, son admiration et sa coopération, bien plus qu’avec des accointances ignobles et des intérêts uniquement mercantiles.

Je suis persuadé que l’avenir social, politique et économique des français sera remis en marche d’excellente manière et avec de bien meilleurs résultats si nous disposons de politiques honnêtes et transparents, prêts à montrer leurs comptes comme à rendre des comptes, quelque soit la nature et l’ampleur de la crise que nous traversons.

En tant que citoyen, pour restaurer une politique à la fois saine et capable de résister à toutes les corruptions d’où qu’elles viennent, j’exige que toute la lumière soit faite, dés aujourd’hui, sur les politiques, notamment mais pas seulement, qui ont côtoyé Moubarak et Ben Ali et bénéficié de leurs soutiens financiers et autres, comme sur leurs relations avec tous les maillons importants de ces deux dictatures qui viennent de s’écrouler.

Pour résumer, les politiques doivent rendre des comptes, sur cette sinistre affaire où il y a des évidences qui appellent justice, qui demandent l’intervention de la Justice, comme demain sur l’ensemble de leurs liens, de leurs patrimoines et de leurs actes au nom de l’intérêt général.

J’attends que nous soyons très nombreux à partager cette exigence. Et ceux qui adoptent les exigences de la création et de la culture ne doivent pas rester silencieux, comme ils le sont trop souvent aujourd’hui, sur le Net et dans les médias officiels.

Alors que chacun prenne la parole, exige son dû à sa manière et nous renverserons les barrières.

Alain LASVERNE - Écrivain

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COMMENTAIRES  

15/02/2011 22:43 par Samuel Moleaud

Un bon article, mais quelques remarques, si vous me le permettez.

Je suis un peu désolé, désoeuvré, dépité, déçu (on ne les fera pas tous) de voir que les militants de gauche, et même ceux de la gauche de la gauche (terme devenu à la mode pour éviter le dangereux terme médiatique "extrême-gauche", polysémique impossible à définir depuis que les organisations partisanes ont oublié d’évoquer la lutte des classes pour devenir rentables), énervé de voir ces gens qui réfléchissent à une future meilleure société, scander démocratie, sans même savoir ce que c’est.
Non, pire, sans expliquer ce qu’elle est.

Car en réclamant la démocratie, les gens de gauche acceptent la propagande médiatique actuelle qui voit la démocratie néolibérale des élites comme une religion, la première des vérités...passons...ils acceptent aussi la non-participation des citoyens aux affaires publiques, ainsi que le jeu républicain des élites socialement sélectionnées.

La démocratie telle qu’on la scande de nos jours, fut érigée défintivement en 1776 aux Etats-Unis contre le peuple, par les riches (raccourci), pour contenir les révoltes de la foule, pour éviter que celle-ci ne prenne le pouvoir politique et économique. (dixit Howard Zinn, et tant d’autres.)

La démocratie, la seule, où le peuple dirige et prend des décisions ensemble, c’est ce que les pseudos démocrates nomment la démagogie ou le populisme pour s’en laver les mains : pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple...
Elle est directe et participative. Elle est crue comme "Représentative", mais c’est Sieyès et ses amis de la bourgeoisie aristocratique (anti monarchiste, révolutionnaire de 1789) qui ont opté pour la représentation du peuple par une élite capable et éclairée (car il était dangereux que le peuple gouverne depuis les écrits de Montesquieu...).

Les "révolutions" du "Monde Arabe", n’en sont pas. Comment peut-on célébrer une révolution lorsque les élites et les chiens de garde du pouvoir impérial capitaliste du monde entier se félicitent et cautionnent ces chutes de têtes tombantes ? Les oligarques se féliciteraient tout d’un coup des aspirations de la société civile ?

Autrement dit mais vous m’aurez compris, quand les élites applaudissent une révolution, je pense qu’il faut se méfier et regarder ce qui se trame derrière. On entend peu d’applaudissements à propos de la Bolivie, de l’Equateur, du Vénézuela, de Cuba...

Peut-être pourrions nous alors parler de soulèvement, à la base immensément sains de peuples réveillés, mais que ces révoltes sont instrumentalisé pour trouver de nouveaux débouchés à l’odieux Dieu Capital ?

Autre chose, vous écrivez :
"Je suis persuadé que l’avenir social, politique et économique des français sera remis en marche d’excellente manière et avec de bien meilleurs résultats si nous disposons de politiques honnêtes et transparents" Ca existe, ça, des politiques honnêtes et transparents ? Pour des politiques honnêtes, il faudrait déjà qu’ils reconnaissent qu’avant de scander des idéologies ou des dogmes, ils veulent juste le pouvoir (A part Mélenchon peut-être, et encore, semble le plus intègre à ce sujet). L’opportunité personnelle plutôt que l’altruisme.

Je ne suis pas aussi optimiste que la majorité des gens...je ne pense pas que ce qui va se passer en Tunisie, en Algérie, en Egypte, ou en Europe si la vague de contestation sait nager (la contagion, la grogne, la rage...admirons au passage le défouloir sémantique des journaleux de grande audience.), va apporter enfin aux peuples la liberté et la fin de leur oppression.

"Renverse la pyramide, Lolito Lolita, Renverse la pyramide, mets la tête en bas, mais tu ne seras pas plus libre, quand le peuple règnera. Y aura toujours des bastides à faire tomber, Lolita ! Les Hommes sont bien pires, que les rats..." (Renaud, Lolito Lolita, Album La Belle de Mai, 1994)

16/02/2011 04:07 par Anonyme

Je m’associe au commentaire précédent, j’y ajouterais que nos hommes politiques, je parle de l’élite idem pour le milieu médiatique, font partie du cfr, bilderberg etc ... et cela nul n’en parle, en fait c’est un simulacre de démocratie et depuis une dizaine d’années nous nous dirigeons vers un monde totalitaire Orwellien.

16/02/2011 12:02 par Alain LASVERNE

Comme disait un président du Conseil italien, attendons-nous au pire nous ne serons jamais déçus...

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