Chère Florence,
Un président dont le gouvernement vient de faire adopter la loi Loppsi deux sur la sécurité (sic) intérieure, qui expulse les étrangers en allant jusqu’à faire arrêter leurs enfants dans les écoles de la République, qui poursuit de sa vindicte les tsiganes, qui fait de toute intervention en matière des droits humains une scène de théâtre, qui… J’en passe, et des pires.
Un président dont le gouvernement réprime violemment le mouvement social, qui se fiche des centaines de femmes disparues, violées, assassinées à Ciudad Juarez et ailleurs, dont la justice et la police ne font pas toujours leur travail dans les règles de déontologie, qui fait aussi voter des lois scélérates sur la sécurité, qui… J’en passe et des pires.
Ces deux présidents, aux politiques similaires, sont séparés par l’océan. L’un cherche la réélection à la présidence l’année prochaine et l’autre, le maintien de son parti à la présidence en 2012 aussi. L’un et l’autre ont décidé, au nom d’un nationalisme étroit pour le Mexique, et de droits humains à géométrie variable pour la France, d’utiliser ton cas pour faire oublier le rejet de leur politique par l’immense majorité de leur peuple.
Ils t’utilisent, l’un comme symbole d’une France impériale et méprisante, envahisseuse du Mexique, l’autre comme symbole de la liberté bafouée par la justice d’un pays corrompue, pour faire briller leur étoile descendante et tenter de faire oublier au peuple leurs politiques néolibérales assassines. L’un et l’autre continuant néanmoins leur coopération en matière de police et d’armement..
Florence, je t’ai rencontrée l’année dernière, à la prison de Tepepan. J’y suis allée sans bien connaitre ton affaire. J’en suis ressortie avec la conviction que tu étais la victime d’une machination qui te dépasse et dont tu n’es devenue que par hasard le centre.
Tu m’as dit alors que tu ne voulais pas de transfert en France mais la reconnaissance de ton innocence. Et, quand je t’ai dit « à cet été, j’espère, en France », tu m’as répondu « je crois qu’avant les élections, il n’y aura rien ! »
Je ne veux pas que cette lettre que j’adresse aux médias français el la lettre ouverte que j’ai adressée à mes amis mexicains par l’intermédiaire de la Jornada (Correo ilustrado du 14/2/11) pèsent négativement sur ton cas mais c’est mon grain de sel, ma petite goutte d’eau dans un océan d’injustices. Injustice aussi le peuple français privé de mieux connaître l’art et la culture du Mexique, et pour les artistes mexicains privés de voyage par la décision d’un président qui ne s’intéresse, pas plus que celui de ce côté de l’océan, à la culture, l’objectif de leurs politiques est, au contraire, d’en limiter l’expression et de la détruire.
Hasta pronto Florence.
Françoise Escarpit
Ex correspondante de presse au Mexique