RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

France : « Chaque prison a son petit Guantanamo... »

L’ Humanité, 21 décembre 2006.


Tribunal de Beauvais . Quatre prisonniers en longue peine ont témoigné de l’enfer carcéral pour défendre le journal l’Envolée, attaqué en diffamation par l’administration pénitentiaire.

Ce sont quatre « longues peines ». Des détenus que l’on n’entend jamais. Pourtant, mardi dernier, ils ont pu s’exprimer longuement devant le tribunal correctionnel de Beauvais. Dans la peau des témoins privilégiés de l’univers carcéral. Tous ont un point commun : ils ont écrit dans le journal l’Envolée, une parution confidentielle (500 exemplaires) qui publie des lettres de détenus. Ce sont ces courriers, accablants pour l’administration pénitentiaire (AP), qui valent à Denise Ledu, la directrice de la publication, de se retrouver à la barre pour diffamation. On ne l’entendra pas beaucoup. Sa défense est simple : laisser les quatre auteurs des lettres raconter leur enfer quotidien. Histoire de montrer qu’ils n’ont rien inventé.

Les voilà en rang d’oignons, dans le box. Le premier d’entre eux est André Allaix, cheveux châtains, la trentaine sportive. Le 24 novembre 2003, avec un autre détenu, il avait retenu en otages deux surveillants et un formateur de la centrale de Moulins-Yzeure pendant plusieurs heures. Leur but ? Protester contre leurs conditions de détention. Une fois rendu, Allaix assure avoir passé un sale quart d’heure entre les mains des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS), des groupes encagoulés créés en 2003 et formés spécialement pour ramener l’ordre dans les prisons. C’est ce passage à tabac, dénoncé aussi par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), que le détenu a décrit dans un numéro de l’Envolée. Et que l’AP ne veut pas laisser passer.

Bien énervé, le jeune homme ne retire pas un mot à son récit. « Ils m’ont fait une haie d’honneur sur 300 mètres, raconte-t-il. Arrivé au mitard, ils m’ont jeté au sol. Ils me foutaient des coups de pieds, m’ordonnaient de fermer les yeux pour pas que je les reconnaisse. Ils étaient 14 surveillants dans 8 mètres carrés... » Allaix ne prend aucun gant : « J’affirme que ces hommes sont des barbares, des tortionnaires et des pervers, lance-t-il au président ? Jean-Luc Dooms. Quand on vous écrase les couilles avec la main et qu’on vous met un doigt dans le cul, vous appelez ça comment ? » Puis, il se tourne vers le procureur : « Après tout ça, vous osez attaquer les quelques personnes qui ont le courage de dénoncer ces faits ? »

André Allaix prendra cher pour sa « prise d’otages » : quarante-cinq jours de mitard et une peine de quatre ans d’emprisonnement supplémentaires, prononcée vingt-six jours seulement après les faits. Écoeuré : « Moi, trois ans après, je n’ai toujours aucune nouvelle de ma plainte ! » Puis, vient le tour de Laurent Jacqua. Ce quadragénaire au nez de boxeur a aussi eu affaire aux hommes des ERIS. Le 5 mai 2003, une fouille surprise dans le quartier d’isolement de la prison de Bois-d’Arcy a dégénéré en tabassage. Laurent Jacqua explique s’être retrouvé nu, palpé, frappé et finalement traîné à travers la détention devant le personnel féminin. « J’ai été condamné pour des faits, lâche-t-il, pas pour me faire torturer... »

Dans le numéro 14 de l’Envolée, Laurent Jacqua racontera aussi comment lui, le malade du sida, se verra envoyé par l’administration pénitentiaire en quartier d’isolement, malgré les certificats médicaux. « Cette réalité-là , ce sont des braves gens comme madame qui peuvent la raconter », dit-il en se tournant vers Denise Ledu. Calme, Xavier Vanlancker est le dernier à témoigner. Il a rédigé des articles peu amènes sur la prison de la Santé. Les ERIS ? Il a sa définition : « Des groupuscules répressifs, formatés pour instaurer un climat coercitif. » En guise de conclusion, il aura cette belle formule : « Dans chaque prison, il y a un petit Guantanamo... »

Pas vraiment décidé à se faire le défenseur d’un milieu carcéral décrié, par ailleurs, à longueur de rapports parlementaires, le procureur Édouard Lecat dénonce tout de même « l’exagération » des auteurs des lettres. « Les agents de la pénitentiaire sont, par principe, présentés comme des tortionnaires et les prisons sont comparables à celle d’Abou Gharib ! » Il réclame une peine d’amende, sans fixer de montant. De son côté, Me Irène Terrel n’en rajoute pas. « En voulant condamner l’Envolée, c’est la parole brute des prisonniers que l’on veut faire taire. » L’avocate dénonce la « schizophrénie » des pouvoirs publics. « D’un côté, on s’accorde à dénoncer l’état des prisons, de l’autre on poursuit des détenus qui s’expriment avec leur langage ! » Elle réclame des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Jugement le 20 février.

Laurent Mouloud

 Source : www.humanite.fr

Jean-Marc Rouillan raconte les tortures subies.

Prison : mise en place des surveillants cagoulés.(ERIS)

La CGT dénonce
les pratiques des Eris.

- D’ autres article sur le sujet : Banc Public http://prison.eu.org

Sans casque, ni bouclier : témoignage d’un ex-officier de police, par Regarde à vue.

 Photo : Banc Public www.prison.eu.org


URL de cet article 4525
   
Même Thème
Les caisses noires du patronat
Gérard FILOCHE
A quoi servent les 600 millions d’euros des caisses noires du patronat, et où vont les 2 millions d’euros distribués chaque année en liquide par l’UIMM et le Medef ? Gérard Filoche dénonce ce scandale du siècle au coeur du patronat français. Il soulève toutes les questions posées par ce trafic d’argent liquide qui circule depuis si longtemps au Medef et montre comment le patronat se servait de cette caisse anti-grève pour briser la fameuse concurrence libre et non faussée. Denis (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

"De toutes les ironies exprimées par la politique étrangère américaine, notre position vis-à -vis de Cuba est la plus paradoxale. Une forte dégradation de la situation économique a provoqué une poussée du nombre de Cubains entrant illégalement aux Etats-Unis.

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour détériorer la situation économique et ainsi accroître le flux. Nous encourageons également cet exode en accordant aux Cubains, qui arrivent illégalement ou qui s’approchent par voie de mer, un statut de résident et une assistance pour s’installer.

Dans le même temps, nous n’avons pas respecté les quotas de visas pour les Cubains désireux d’immigrer aux Etats-Unis [...] quand Castro tente d’empêcher des cubains malheureux de quitter leur pays infortuné, nous l’accusons de violer des droits de l’homme. Mais quand il menace d’ouvrir grand les portes si nous continuons à accueillir sans limites des cubains sans visas - y compris ceux qui ont commis des actes de violence pour aboutir à leurs fins - nous brandissons des menaces imprécises mais aux conséquences terribles. "

Jay Taylor, responsable de la section des intérêts américains à Cuba entre 1987 et 1990, in "Playing into Castro’s hands", the Guardian, Londres, 9 août 1994.

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.