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Pour satisfaire la demande d’adoption, le Guatemala exporte ses enfants, Simon Petite.








Le Courrier, samedi 17 novembre 2007

Marché de l’ adoption. Au Tchad, l’Arche de Zoé a tenté d’enlever une centaine d’enfants. Le Guatemala, lui, en exporte des milliers chaque année, un commerce lucratif. Deux exemples extrêmes.


L’Arche de Zoé n’a eu aucune peine à trouver 250 familles prêtes à accueillir « un orphelin du Darfour ». On sait maintenant que la plupart des 103 enfants que l’ONG s’apprêtait à mettre dans l’avion pour la France n’étaient ni orphelins ni originaires du Soudan, mais du Tchad. Le problème de l’adoption illégale dépasse de loin l’Afrique. Si Eric Breteau et ses camarades semblaient d’abord motivés par la volonté de sauver des enfants, l’appât du gain n’est jamais très loin. Le marché est lucratif. En effet, il y a davantage de familles d’accueil demandeuses que d’enfants disponibles, ce qui ouvre la porte à toutes les dérives.

Avec son droit laxiste et sa corruption, le Guatemala en est l’une des pires illustrations. En 2006, plus de 4800 petits Guatémaltèques ont été adoptés par des familles étrangères. Ce qui place le pays d’Amérique centrale au troisième rang mondial derrière la Chine et la Russie, deux Etats pourtant immensément plus peuplés.


Prétexte de la pauvreté

Une majorité de ces adoptions sont irrégulières, dénonce Casa Allianza, une ONG active dans la défense des droits des enfants en Amérique centrale. Claudia Rivera Meza, directrice pour le Guatemala, était à Genève pour alerter l’opinion publique : « L’un des premiers cas auxquels nous avons été confrontés était celui d’une femme de ménage indigène. Lorsqu’elle est tombée enceinte, la maîtresse de maison et son mari - un juge de la Cour suprême - lui ont dit qu’ils s’occuperaient de tout. Après son accouchement, elle a été tenue à l’écart de son bébé. Ses employeurs le destinaient à une famille espagnole. Nous avons réussi à empêcher cela. La mère m’a récemment montré la photo de son enfant. Elle m’a dit : ’vous voyez, il est en parfaite santé. J’étais tout à fait capable d’en prendre soin. »

Mme Rivera Meza peut vous raconter de nombreuses histoires de mères célibataires de milieu défavorisé incitées voire forcées à abandonner leur enfant. D’autres femmes commencent une grossesse dans l’unique but de vendre leur nourrisson. L’an dernier, 98% des enfants guatémaltèques adoptés l’ont été par des familles étasuniennes. Selon Casa Allianza, chaque adoption coûte entre 20 000 et 30 000 dollars.


Procédures bâclées

L’immense majorité des adoptions sont finalisées devant des notaires, « qui touchent au passage une commission », accuse Mme Rivera Meza. « Un notaire ne vérifiera pas si sa cliente est bien la mère biologique de l’enfant ou s’il y a une autre solution que l’adoption à l’étranger », poursuit-elle. Résultat : « Le processus ne prend que six mois, contre deux à trois ans lorsqu’il est confié à un juge. »

En 2006, ce commerce a, selon l’ONG, rapporté 120 millions de dollars au Guatemala. Le Parlement examine actuellement une loi, qui se fait attendre depuis de longues années. Car, de leur côté, les Etats-Unis ont décidé de mieux réglementer l’adoption internationale. De quoi assécher l’offre d’enfants vendus ? Pas si sûr. En attendant l’entrée en vigueur des nouvelles mesures, Casa Allianza constate au contraire une accélération des procédures afin « de faire sortir un maximum d’enfants ».




Trois questions à Christine Piffaretti, directrice de l’Espace adoption.

La directrice d’Espace adoption, qui, depuis dix ans, conseille et accompagne les parents désirant adopter un enfant, regrette les amalgames générés par le commando de l’Arche de Zoé au Tchad.

Pourquoi dénoncez-vous la médiatisation de l’affaire de l’Arche de Zoé ? - Cette histoire fait ressurgir beaucoup de choses chez les enfants adoptés. Ils se demandent s’ils ont été achetés, comment ils ont été abandonnés... Ces dernières semaines, j’ai reçu des dizaines de téléphones de parents démunis face à ces questions sensibles. Les titres sensationnalistes - du genre « le marché aux enfants » - font beaucoup de dégâts. On parle, au contraire, très peu des enfants tchadiens, pourtant les premiers concernés. Que vont-ils devenir ? Comment les réintégrer dans leurs familles ? On ne sait pas trop, car l’enfant est traité comme une marchandise. L’opération de l’Arche de Zoé devrait faire réfléchir sur la place de l’enfant dans nos sociétés, sur notre relation avec la misère du monde. De quel droit peut-on décider de ce qui est juste pour les enfants d’un autre pays ? Mais, au lieu de cela, on met tout le monde dans le même panier. Même si chaque histoire d’adoption est unique. En Suisse, tout n’est pas rose. De nombreux parents -souhaitant adopter un enfant ne passent pas par des -intermédiaires agréés ou se rendent dans des pays qui n’appliquent pas la Convention de La Haye. - Je suis la première à reconnaître qu’il y a des adoptions à risques. Les intermédiaires suisses, pour la plupart des bénévoles, sont débordés. Les parents se débrouillent donc souvent tout seuls et sont insuffisamment informés et accompagnés. Ceci dit, certains pays n’ont pas ratifié la Convention de La Haye - je pense, par exemple, au Burkina Faso -, ce qui n’empêche pas que leur système d’adoption fonctionne convenablement. Au Guatemala, c’est le contraire. La Suisse a instauré un système d’intermédiaires mais sans leur donner de moyens. Berne devrait davantage aider les pays qui ont besoin de placer des enfants à l’étranger, comme Haïti, afin qu’ils respectent les standards internationaux. Il faudrait aussi que la Confédération interdise clairement les adoptions depuis les pays les plus problématiques.

Vous répétez que l’adoption n’est pas un acte humanitaire. Qu’entendez-vous par là ? - Le tsunami a suscité une énorme confusion. En découvrant les images des côtes asiatiques dévastées, beaucoup de gens ont voulu sauver des enfants. Mais on ne devient pas un parent adoptif du jour au lendemain. Il ne suffit pas de le décider. C’est un long travail de questionnement dans lequel l’altruisme n’a pas grand chose à faire. Il faut être prêt à accepter une filiation avec un enfant forcément différent de nous et, au vu de l’échec de certaines adoptions, il vaut mieux faire ce travail en amont.




Adoption en Suisse : la théorie et la pratique.


La Suisse ne délivre plus de visas pour des enfants adoptés au Guatemala depuis novembre 2005. « Le Guatemala est un cas extrême. Il est très rare que des femmes entament une grossesse pour répondre à la demande d’adoption internationale », souligne Hervé Boéchat, spécialiste de l’adoption au Service social international. [[ Auteur de « Adoption internationale : une évolution entre éthique et marchés », Fondation suisse du service social international. ]

Selon la Convention de La Haye, l’adoption internationale n’est que le dernier recours, « après avoir dûment examiné les possibilités de placement de l’enfant dans son Etat d’origine ». « Les pays du Sud ne sont plus d’inépuisables réservoirs à bébés. Avec sa classe moyenne grandissante, l’Inde peut aujourd’hui prendre en charge 80% des enfants à adopter. On est loin des orphelinats mouroirs de Calcutta de mère Teresa », analyse M. Boéchat. Du coup, la demande des familles d’accueil dépasse l’offre d’enfants. La Suisse n’y échappe pas. Environ 500 adoptions sont prononcées chaque année, mais il y aurait au moins le double de candidats.

Le libre consentement des parents, de la mère biologique ou de l’institution en charge de l’enfant est au coeur de la Convention de La Haye. La mère ne peut accepter de placer son enfant à l’étanger qu’après sa naissance. Ce qui interdit la pratique des « ventres loués ».

En Suisse, ce sont les cantons qui reçoivent, examinent les demandes d’adoption et, si nécessaire, enquêtent sur l’aptitude des futurs parents. Les candidats peuvent s’appuyer sur l’un des 24 intermédiaires agréés par la Confédération. Ces associations conseillent et accompagnent les futurs parents, notamment lors de leur visite dans les pays où ils désirent adopter. Le recours à ces intermédiaires n’est pas obligatoire mais « recommandé ». Dans les faits, ils sont débordés et beaucoup de parents s’en passent.
Berne reconnaît des adoptions prononcées dans des pays qui n’ont pas ratifié la Convention de La Haye. Est-ce à dire que certains enfants adoptés en Suisse sont issus du trafic ? M. Boéchat tempère le propos : « Il faut bien distinguer les mauvaises pratiques qui peuvent exister dans l’adoption des questions liées au trafic. Dit de manière un peu crue, les trafiquants ramassent simplement les gosses dans la rue. Ils ne vont pas prendre la peine de passer par toute une procédure d’adoption internationale. »

S’il est interdit de tirer un profit « indu » d’une adoption, la réalité est parfois bien différente. « Imaginez un couple qui se rend jusqu’au Kazakhstan. Ils ne vont pas rester des mois sur place à attendre les différents papiers nécessaires pour quitter le pays. Une enveloppe incitera le fonctionnaire à traiter en priorité leur dossier », illustre M. Boéchat.

Autre garde-fou, la rencontre des parents avec leur futur enfant n’intervient qu’à la toute fin de la procédure. « On ne le choisit pas sur catalogue comme une voiture. La mise en relation de l’enfant avec ses futurs parents est l’acte fondamental de l’adoption, qui doit impérativement être décidé par une équipe de professionnels, en fonction des besoins de l’enfant et des capacités des adoptants », conclut M. Boéchat.

Simon Petite


 Source : Le Courrier www.lecourrier.ch






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