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Athènes sur un volcan

Les manifestations, émeutes et occupations se multiplient chaque jour à Athènes et ailleurs en Grèce, depuis fin novembre. Notamment à cause de la tyrannie du pouvoir à l'égard de Nikos Romanos, jeune prisonnier de 21 ans en grève de la faim, privé de la possibilité d'étudier et particulièrement maltraité. Nikos est, de surcroît, l'ami d'enfance d'Alexis Grigoropoulos, tué le 6 décembre 2008, à l'âge de 15 ans, par un policier dans le quartier d'Exarcheia à Athènes, ce qui avait provoqué un mois d'émeutes retentissantes dans toute la Grèce. Nikos est naturellement devenu le nouveau symbole de toutes les violences actuellement subies par la population, mais aussi du profond désir de lutter, quelle que soit la forme, et de refuser la torpeur et la résignation.

Six ans après le mois de décembre 2008, l’atmosphère est à nouveau insurrectionnelle à Athènes et ailleurs en Grèce. Tous les ingrédients sont réunis pour faire du mois de décembre 2014, peut-être, un grand moment historique. Jusqu’à quel point et à quelles conditions ?

Depuis la fin du mois de novembre, les manifestations, émeutes, actions ciblées et occupations se multiplient un peu partout en Grèce (dans le silence total des medias européens, plus que jamais des merdias à boycotter ou à bloquer et occuper). La cause principale est la situation du jeune prisonnier anarchiste de 21 ans, Nikos Romanos, qui est devenu un symbole de toutes les violences actuellement subies par la population, mais aussi du profond désir de lutter, quelle que soit la forme, et de refuser la torpeur et la résignation.

Nikos est l’ami d’enfance d’Alexis Grigoropoulos, assassiné à l’âge de 15 ans par un policier dans le quartier d’Exarcheia à Athènes. Un quartier réputé pour ses révoltes historiques et ses nombreuses initiatives autogestionnaires et solidaires. Un quartier dans lequel la liberté, l’égalité et la fraternité ne sont pas des mots jetés à l’abandon au frontispice de monuments publics glacés de marbre. Nikos a vu son ami mourir dans ses bras le soir du 6 décembre 2008. Profondément révolté, il s’est par la suite engagé dans l’anarchisme révolutionnaire et a dévalisé une banque pour financer son groupe qualifié de terroriste par le pouvoir. Après avoir été torturé, notamment au visage, lors de son arrestation, il a finalement réussi à obtenir son bac en prison, mais se voit aujourd’hui refuser la possibilité de poursuivre ses études. C’est pourquoi, depuis le 10 novembre dernier, Nikos est en grève de la faim. Son état s’est progressivement dégradé, notamment au niveau cardiaque, malgré ses 21 ans, et il a été transféré sous haute surveillance à l’hôpital Gennimatas d’Athènes devant lequel manifestent régulièrement des milliers de personnes qui parviennent parfois à dialoguer avec lui à travers les grilles de sa fenêtre (voir la première photo de l’article connexe, dans la même rubrique). En solidarité avec Nikos, un autre prisonnier politique, Yannis Michailidis, s’est mis en grève de la faim le 17 novembre au Pirée, suivi par deux autres, Andreas Dimitris Bourzoukos et Dimitris Politis, depuis le 1er décembre. Le gouvernement grec vient de confirmer son refus de permettre à Nikos de poursuivre ses études et préfère le laisser mourir, non sans faire preuve d’ironie. Des petites phrases assassines et provocatrices qui ne font qu’augmenter la colère populaire et les nombreuses protestations des organisations anarchistes et antiautoritaires jusqu’à celles de SYRIZA, principal parti de la gauche critique, qui est annoncé vainqueur des prochains élections en Grèce. Bref, le contexte politique est particulièrement tendu, à tous points de vue.

Dans cette ambiance de fin de règne, parmi d’autres initiatives solidaires, l’Ecole Polytechnique est à nouveau occupée depuis le premier décembre, 41 ans après avoir défié avec succès la Dictature des Colonels en novembre 1973, au cours d’une occupation similaire pour défendre une radio libre qui s’opposait au régime autoritaire. Les CRS suréquipés viennent d’échouer par deux fois dans leurs tentatives de nous déloger, notamment le 2 décembre au soir, à la fin d’une manifestation fleuve qui s’est terminé avec plusieurs banques dégradées ou brûlées. Parmi d’autres obstacles de circonstance, un bus a même été transformé en barricade incandescente sur l’avenue Stournari, à Exarcheia (voir les photos dans l’article connexe), et les affrontements ont duré une bonne partie de la nuit. Douze insurgés arrêtés ont été violemment frappés, au point que trois d’entre eux souffrent de fractures du crâne. L’occupation de l’Ecole Polytechnique n’a pas cédé, malgré le deversement de quantités énormes de gaz lacrymogène depuis l’extérieur, tel du napalm sur toute la zone devenue une zone à défendre. Une ZAD jumelée, ces dernières heures, avec d’autres ZAD dans le monde, notamment celles de NDDL et du Testet en France qui ont rapidement transmis leur soutien fraternel, ainsi que de nombreuses personnes et organisations de France et d’ailleurs (soutiens que j’ai tous affichés sur l’un de nos murs et annoncés en assemblée à tous les compagnons et camarades).

Ce soir-là, alors que la distribution solidaire de sérum, de mallox et de citrons battait son plein, j’ai remarqué plus de filles que jamais parmi les insurgés (voir la photo de « l’autre statue de la liberté » dans l’article connexe) et une diversité à tous les niveaux qui augure d’une ampleur et d’une radicalité sans précédent. J’ai vu et ressenti une détermination et une fraternité rarement rencontrées jusqu’ici, dans mes voyages en Grèce et ailleurs, là où l’humanité ne se résoud pas à vivre à genoux et tente, diversement, de se lever. J’ai vu la vie s’organiser autrement dès le lendemain et la chaleur des barricades se transformer en chaleur des cœurs parmi les occupants de l’Ecole Polytechnique et d’ailleurs.

Car durant ces dernières heures, les lieux d’occupations se sont multipliés, rappelant le processus de décembre 2008 qui avait amené la Grèce à connaître les émeutes sans doute les plus puissantes en Europe depuis plusieurs dizaines d’années (sans toutefois parvenir à renverser un pouvoir qui s’était finalement maintenu de justesse, notamment en distillant la peur et la désinformation dans les médias). Des occupations de bâtiments publics et de groupes financiers, de chaînes de télévision et de radios, d’universités et de mairies, depuis Thessalonique jusqu’à Héraklion. Des occupations toujours plus nombreuses, ainsi commentées par Yannis Michailidis dans son dernier communiqué de gréviste de la faim, très relayé sur Internet : « c’est ce qui brise la solitude de ma cellule et me fait sourire, parce que la nuit de mardi [2 décembre], je n’étais pas prisonnier, j’étais parmi vous et je sentais la chaleur des barricades brûlantes ». Avant de conclure avec une phrase rappelant le titre du dernier livre de Raoul Vaneigem : « Rien n’est fini, tout commence ! »

Parmi les événements qui m’ont également marqué ces jours-ci, certaines assemblées de collectifs ont montré à quel point la tension est à son comble. Notamment celle de l’occupation de l’Ecole Polytechnique dans la soirée puis toute la nuit du 3 au 4 décembre. Une assemblée qui a duré plus de 9 heures, jusqu’à 5h30 du matin. Certes, quelques divergences ont justifié cette durée jusqu’au consensus finalement trouvé au petit matin et je ne rentrerai évidemment pas dans les détails de ce qui s’est dit, notamment pour ce qui est des projets en cours. Mais je peux témoigner d’une atmosphère électrique ponctuée de longs silences qui en disent long. Je peux vous dire également que le grand amphi de l’Ecole Polytechnique était, une fois de plus, plein à craquer, avec des compagnons et des camarades debout et assis un peu partout, devant des murs fraichement repeints de graffitis. Je peux vous dire que la présence du papa de Nikos Romanos, assis au milieu de la salle, avec sa chevelure longue et grise et son regard profond et digne, ne pouvait que contribuer à une émotion déjà immense, alors que son fils se rapproche chaque jour d’une mort certaine.

Le stress et la nervosité, la gravité du moment, l’importance des enjeux, faisaient fumer presque tout le monde beaucoup plus qu’à l’habitude, au point que j’en étais presque à regretter l’irritation causée par les gazs lacrymogènes dans les rues alentours. Parmi les paroles qui ont résoné : « ce n’est plus l’heure de mettre la pression, mais de rentrer en insurrection » ou encore des appels à « agir comme si notre propre vie était en jeu, car en vérité, c’est bien le cas pour nous tous qui vivons comme damnés, comme des esclaves, comme des lâches » ; « il faut retrouver pleinement confiance en nous-mêmes pour parvenir à redonner partout confiance aux gens et, en particulier, pour rassembler les laissés pour compte qui devraient être les premiers à descendre dans la rue, au lieu d’attendre que la libération vienne du ciel ». J’ai aussi parfois entendu des paroles jusqu’au boutistes que je ne préciserai pas ici, mais qui témoignent bien du ras-le-bol immense qui traverse une grande partie de la population et la conduit à tout envisager pour se libérer des tyrans du XXIème siècle.

J’ai vu un ancien de 1973 avoir les larmes aux yeux et songer que nous vivons peut-être un autre moment historique. J’ai lu d’innombrables tags en soutien à la grève de la faim de Nikos Romanos, mais aussi à la mémoire de Rémi Fraisse, tué par le bras armé du pouvoir sur la ZAD du Testet.

Cette nuit encore, à la veille du 6 décembre très attendu, avec une grande inquiétude par les uns et avec un profond désir par les autres, le quartier d’Exarcheia est encerclé par les camions de CRS (MAT) et les voltigeurs (Delta, Dias). Plusieurs rues sont barrées. On ne peut entrer et sortir d’Exarcheia que par certaines avenues, plutôt larges et très surveillées. La situation prend des allures de guerre civile et rappelle certaines régions du monde. A l’intérieur du quartier, comme dans beaucoup d’autres coins d’Athènes, la musique résonne dans le soir qui tombe : du rock, du punk, du rap, du reggae, des vieux chants de lutte. Dans l’Ecole Polytechnique, on a même installé deux immenses enceintes du côté de l’avenue Patission et on balance ces musiques pour le plus grand bonheur des passants qui nous soutiennent et lèvent parfois le poing ou le V de la victoire tant désirée. D’autres baissent la tête et ne veulent pas y croire, ne veulent pas voir, ne veulent pas savoir, murés dans la prison d’une existence absurde et pauvre à mourir d’ennui, si ce n’est de faim.

Ici, ça dépave, ça débat, ça écrit sur les murs et sur les corps, ça chante, ça s’organise. La fête a déjà commencé ! Certes, elle est encore modeste et incertaine, mais une nouvelle page de l’histoire des luttes est peut-être en train de s’écrire à Athènes et au-delà. Une nouvelle page qui ne pourra s’écrire qu’en sortant de chez soi, par-delà les écrans, les « j’aime » des réseaux sociaux et le spectacle d’un monde tout entier à réinventer. Une nouvelle page qui ne pourra s’écrire qu’ensemble, en se débarrassant de la peur, du pessimisme et de la résignation.

Rester assis, c’est se mettre à genoux.

Yannis Youlountas
membre de l’assemblée d’occupation de l’Ecole Polytechnique à Athènes

N’hésitez pas à faire circuler. Merci de votre soutien.
http://nevivonspluscommedesesclaves.net/spip.php?article55 (texte)
http://nevivonspluscommedesesclaves.net/spip.php?article54 (photos)

COMMENTAIRES  

07/12/2014 14:51 par Autrement

Γειά σου Ιάννη, ζήτω οι αντάρτες !
Salut Yannis, vive les résistants !

07/12/2014 15:53 par vagabond

N’est-elle pas magnifique la communauté européenne ?

07/12/2014 17:07 par Ben Malaki

Témoignage puissant ... Si cet exemple pouvait faire trainée de poudre dans toute la vieille Europe cela éviterait nombre de blessures corporelles à venir. Nos robocops sont fin prêt avec du matériel militaire à leur disposition. Seul le plus GRAND NOMBRE DE FRONTS pourra les mettre en déroute. Je fais circuler et on analysera les réactions en croisant les doigts pour que rien ne soit fini et que tout commence ...
Ou que vous soyez. Bonne chance à tous. "Ce n’est qu’un Combat dont il faut continuer le Début" parait-il ...

07/12/2014 17:16 par saulbelow

Vive la résist@nce athénienne et mort aux cons !

08/12/2014 00:40 par M_

Est ce que la révolution doit obligatoirement être violente ?
Wiki nous dis renversement brute par la force d’un régime politique

Est ce la révolution a un sens dans un état démocratique ?

Est ce que si au final le gouvernement actuel de grèce est déstabilisé voir renversé qui prends la suite ???
- les lois anarchistes ?
- on recommence le jeu de l’election te la droite retourne au pouvoir ?
- On instaure un gouvcernement pour le bien de tous et contre l’avis de la majorité des grecs ?

La Grèce n’est pas l’Ukraine les élections ne sont pas truquées. C’est à dire que le chef du gouvernement actuel a été mis au pouvoir par une majorité de citoyen.
la grèce actuelle n’est plus la grèce de 1973 ce n’est plus une dictature.

08/12/2014 10:57 par Autrement

@M_
Quand l’information est truquée, les élections sont truquées. C’est pourquoi la France non plus n’est pas en démocratie (Sarkozy ? Hollande ?Barroso- Juncker ?) Voir LGS à la Une aujourd’hui : "Guerre médiatique et triomphe de la propagande".

08/12/2014 16:33 par Ben Malaki

@ M

" A force d’étouffer toutes les révolutions pacifiques on ne peut empêcher les violentes"...
La violence n’est jamais l’apanage du révolutionnaire. Il ne fait que répondre à la violence du pouvoir. Qui ne souhaite pas que des révolutions des œillets ? Qui ? La vraie question qui se pose aujourd’hui est ; doit-on continuer à participer de ce système mortifère et inhumain, ou doit-on commencer fermement à le renverser, ne serait que pour l’avenir des plus jeunes. Pour vaincre, il faudra vaincre tous les conflits de générations. Cette lutte doit être la propriété et la priorité de toutes les générations en vie en ce moment même. Ne pas le comprendre nous feras prendre plus de coups de matraque supplémentaires de la part d’états devenus fascistes en pantoufles ...avant de régner avec les bottes ...

08/12/2014 23:24 par M_

Mais ces révolutions doivent elles êtres faites à l’insu de ce que souhaite la majorité de la population.

La france/la grèce sont quand même des états democratiques, même si la gronde monte, la grande majorité dans ces pays là, ne souhaite pas à l’heure actuelle ces révolutions.

La démocratie reste la dictature de la majorité. Qu’elles sont les solutions alternatives ?

08/12/2014 23:55 par Autrement

Précisions sur le contexte grec ici.
La population est à bout. La Grèce est écrasée et dévastée par les exigences de la Troïka, et vit une catastrophe humanitaire, qu’il s’agisse du chômage des jeunes et des retraites, ou des services publics de santé et d’éducation, ou de la braderie au privé et à l’étranger des richesses et potentialités nationales. Evidemment, dans les manifestations, il faut faire la part des provocateurs ...en service commandé, comme on le voit à la fin de la vidéo. C’est le gouvernement Pasok-droite qui a le plus peur d’une issue politique qui verrait arriver au pouvoir Syriza et les forces populaires. Il fait tout pour leur miner le terrain, en complicité avec l’extrême-droite, dernier recours du système. Air connu...

09/12/2014 03:09 par Ben Malaki

@ M

Si vous pensez que la France, la Grèce (et bien d’autres) sont des états démocratiques, plus aucune discussion n’est possible. C’est pour moi un "casus belli" ... Si la majorité de la population savait la manipulation énorme dont ils font l’objet des barricades pousseraient partout ... Un choix c’est quand on sait. On ne choisit pas ce que l’on ignore. Or la majorité dont vous parlez "croit" savoir à travers le prisme des grands médias ...

09/12/2014 05:50 par Bruno

Bonjour à toi Yannis !

Je viens de lire que Samaras accélère l’élection du Président de la République en Grèce. Voilà pourquoi pour impressionner son électorat il met Athènes à feu et à sang.

Une tentative d’intimidation pour effrayer et intimider les votants à voter pour son camp :
la coalition des " conservateurs & des socialistes" comme le dit si bien le journaliste de l’Express qui relate
la nouvelle impromptue et l’ultime coup de poker politique avant dissolution de l’assemblée nationale si le coup
politique rate.

Il faut lire l’article de l’Express pour mieux comprendre le contexte politique en cours et mieux comprendre pourquoi
Samaras envoie ses milices d’extrêmes droites terroriser la population Athénienne :

Fragilisé face à ses créanciers, Athènes acculé à un coup de poker politique
http://www.lexpress.fr/actualites/1/actualite/fragilise-face-a-ses-creanciers-athenes-accule-a-un-coup-de-poker-politique_1630437.html

Et bien sûr dans le droit fil du texte de Yannis Youlountas, il faut lire l’article de Panogiatis Gregoriou et l’aider FINANCIEREMENT car les dons sur son blog ont été divisé par trois. Il vit à Athène, il faut l’aider.

Article de Panogiotis Grigoriou sur son excellent blog : GREEKCRISIS.FR

"Cagoulards nouveaux" :

http://www.greekcrisis.fr/2014/12/Fr0382.html#deb

09/12/2014 16:40 par Autrement

Les photos de Youlountas sont à double tranchant : d’une part elles montrent la force des manifs provoquées par le juste élan pour sauver Nikos Romanos, d’autre part elles effrayent ceux qui ne voient que voitures incendiées et vitrines brisées, tandis que la police (aux ordres) entend veiller au maintien... de ’l’ordre", c’est-à-dire à la mort du jeune homme et des gréviste de la faim par solidarité. Comme M.Thatcher avec les Irlandais. Et le gouvernement grec, comme tous les oppresseurs aux abois, n’hésite pas à utiliser des provocateurs pour faire attribuer les dégâts aux manifestants. Procédé bien connu de nous aussi depuis 68...et plus récemment.
Mais une "révolution" ne se résume pas à la caricature de violence que d’autres en font pour la discréditer, et en l’occurrence, la violence vient du gouvernement lui-même qui, à l’approche d’élections qui lui seront défavorables, multiplie, et les appels du pied, et en même temps les épreuves de force pour essayer de maintenir son autorité.

La vérité, c’est que mis à part les "200 familles" (comme on disait jadis, ou si vous voulez les grosses fortunes grecques et leur clientèle), le peuple grec tout entier est à bout. Et quand on pousse les gens à bout, c’est ça, un début de révolution. Du fait de la soumission du gouvernement Pasok-droite à la Troïka (FMI-Bruxelles-BCE), qui fait pression sur le peuple (comme en France) pour lui faire payer la dette... des banques et des spéculateurs - (et rappelez-vous que Mario Draghi, le fondé de pouvoir financier qui a aidé la finance grecque à maquiller ses comptes pour être admise dans l’UE, est depuis 2011 président de la BCE !!) - la Grèce est en train de vivre une véritable catastrophe humanitaire. Monstrueux chômage des jeunes, y compris des jeunes diplômés, monstrueuse pauvreté des petits retraités...et ceux des classes dites moyennes ne sont pas épargnés non plus par la brutale amputation de leur pension. Une de mes voisines de cet été touchait 450 euros de retraite par mois, après avoir travaillé plus de trente ans dans des bureaux. Heureusement, elle et son mari logeaient chez des amis qui avaient une barque ; ils allaient à la pêche et...me donnaient du poisson. Les jeunes enseignants débutent à 700 euros pour des horaires déments. C’est "la génération 700" (montant du smic). Se loger ? Fonder une famille ?
Plus grave encore, la braderie des richesses et du potentiel national au privé et à l’étranger, sous prétexte de rembourser une "dette" qui ne le sera jamais (chez nous non plus). Pendant ce temps, l’Eglise orthodoxe, qui possède d’immenses domaines fonciers, ne paye presque pas d’impôts, non plus que les grands armateurs et autres CACa-rentiers. Les services publics, éducation, santé, sont dans un état de délabrement avancé. Cette année comme l’année dernière, la rentrée dans le écoles était une rentrée "sans livres" (distribués jadis par le Ministère pour les enfants) ; et qui peut s’acheter des livres, quand plus d’un demi-million d’enfants vivent dans des familles au-dessous du seuil de pauvreté ? Les Grecs, n’ayant plus de salaire décent, n’ont plus de quoi se soigner, d’autant qu’assurances sociales et mutuelles sont de ce fait en déficit. Cet été, j’ai aussi conduit aux urgences de la ville la plus proche une autre voisine qui n’avait pas de voiture et devait faire des radios. La cour des miracles ! Une entrée-salle d’attente avec deux bancs prévus pour 8 personnes. Il y en avait plus de 25. Donc debout, malades et éclopés, en attente, avec deux gardiens costauds pour "dissuader" les protestations. J’ai vu l’un des médecins de garde. C’était une jeune femme accueillante mais sur les nerfs, qui avait l’air de ne pas avoir dormi depuis trois jours tant le dessous de ses yeux était noir, et qui essayait de faire son travail malgré le manque de personnel et de matériel. Nous avons attendu plus de trois heures, pendant lesquelles j’ai pu aller faire des courses et revenir, puis faire la causette avec un couple de Français envoyés là par un généraliste scrupuleux pour vérifier (la dame toussait et avait de la fièvre) que ce n’était pas Ebola. Un vieux très amoché (il avait dû tomber sur le nez) me regardait tristement de sa petite voiture.
La propagande éhontée UE-OTAN pèse sur les gens et les empêche de comprendre les véritables causes de leurs souffrances. Quand le mensonge est érigé en méthode de gouvernement (voir les promesse de Hollande !), le peuple a déjà perdu sa souveraineté, et de par les institutions, et de par une information truquée. Que dans ces conditions Syriza ait réussi à émerger et refuse délibérément de participer au gouvernement des pseudo-socialistes pratiquant la politique de droite et d’ailleurs (en Grèce) alliés à la droite, c’est une chance pour les Grecs, et la seule perspective dans l’immédiat d’une issue démocratique à la dévastation du pays.
Voir ici (site bilingue de Syriza-Paris) les récentes déclarations d’A. Tsipras sur le cas Romanos et sur la situation. Vous y verrez aussi que Syriza a un programme précis et chiffré de redressement économique et social du pays.

Une révolution, c’est "le mouvement réel qui abolit l’ordre actuel". C’est un processus long et...mouvementé, comme on le voit en Amérique Latine. Mais tant que le rapport de force qui oppose les peuples à leurs exploiteurs n’aura pas basculé en faveur des premiers, les peuples continueront à souffrir pour rien ; et il leur faudra aussi continuer à lutter, à la fois contre la résignation et le déni de citoyenneté (La France a dit NON au TCE en 2005 !), et contre les déchaînements de violence (car l’extrême-droite est partout aux aguets) : c’est le seul moyen de sortir de ce qui apparaît maintenant comme une impasse, mais qui est en réalité une ouverture vers d’autres possibles, dans lesquels déjà le vampire du capitalisme financier ne trônera plus sur le monde par pseudo-gouvernements interposés.

09/12/2014 20:39 par vagabond

Tant que le champ est abandonné aux médias, qu’espérez-vous ?
D’aileurs est-ce que les autres peuples européens ont vraiment envie de se réveiller ? Ceux que "la crise" ne touche pas.
Quand j’entends les railleries si "franchouillardes" autour de moi à propos des grecs, des portugais ... je me demande ce qui s’est passé en France ? Ce cynisme est-il né de la société de consommation ? Elle semble créer un sérieux vide moral.
Les grecs ne pourront compter que sur eux-mêmes, de toute façon.

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