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Burkina Faso. Incertitude du prix du coton et désarroi chez les producteurs. Introduction massive du coton OGM, par Brahima Ouedraogo .






IPS, Ouagadougou, 9 décembre 2006.


Les producteurs de coton du Burkina Faso doivent encore attendre avant de voir le prix de leur produit repartir à la hausse. Lors des rencontres annuelles pour préparer la prochaine campagne, la principale société cotonnière du pays a indiqué la semaine dernière que la tendance du marché suscitait des inquiétudes.


Pour la première fois, les cotonculteurs burkinabé risquent de subir une troisième réduction consécutive du prix de l’or blanc en raison de la morosité du marché. De 42 cents US en 2003-2004, le prix du kilogramme de coton est passé à 35 cents en 2004-2005 et 33 cents pour la présente campagne (2005-2006). Il pourrait tomber à 30 cents en 2006-2007, selon les prévisions de la Société des fibres et textiles du Burkina (Sofitex), la plus importante entreprise cotonnière du pays.

Les producteurs de coton sont actionnaires à hauteur de 30 pour cent dans le capital de la Sofitex, puis à 20 pour cent et 10 pour cent dans les deux autres sociétés cotonnières, respectivement Faso coton et Socomat.

La chute continue des prix du coton provoque un manque à gagner aux sociétés cotonnières, elles aussi. La Sofitex seule a enregistré un déficit d’environ 52,8 millions de dollars pour la campagne passée, tandis que l’ensemble des trois sociétés cotonnières de ce pays d’Afrique de l’ouest présente un gap de quelque 116 millions de dollars pour la campagne actuelle et la précédente.

Pour redonner confiance aux partenaires, les différents actionnaires de la Sofitex que sont les producteurs, l’Etat burkinabé et la société française DaGris ont décidé de la recapitaliser de 8,8 millions de dollars actuellement à 77,6 millions de dollars environ.

"On veut construire trois usines, acheter des intrants et financer les futures campagnes ; donc cette recapitalisation permet de donner confiance aux banques qui nous prêtent", explique à IPS, Georges Yaméogo, directeur de la production de la Sofitex.

Selon lui, la Sofitex voudrait construire trois autres usines d’égrenage pour faire face à sa production grandissante. Elle attend une production record de 700.000 tonnes de coton dans sa zone cette année sur une production nationale estimée à 800.000 tonnes.

"Nos sociétés sont malades du fait des pertes et on va faire des pertes encore. Si on ne veut pas disparaître, il faut augmenter le capital", prévient Yaméogo. "Si le coton disparaît, il y aura une crise sociale ; il faudra fermer toutes les unités industrielles ici...".

"Le mécanisme de fixation du prix d’achat au producteur est fondé sur la tendance du marché extérieur. Cette tendance se prononce plus à la baisse de façon durable. Donc nous avons voulu leur dire que la tendance d’un prix au producteur plus bas est établie", indique à IPS, Jonas Bayoulou, inspecteur général de la Sofitex.

Depuis 2001, les sociétés cotonnières du Burkina Faso et des autres pays africains sont secouées par une profonde crise liée aux subventions des pays riches, qui entraînent une baisse continue des cours du coton sur le marché.

"Ce n’est pas une bonne nouvelle pour nous. Cela ne nous arrange pas parce que si on regarde nos efforts, le coton à 150 francs CFA (environ 30 cents US) et l’engrais qui augmente, cela ne nous arrange pas", se plaint Drissa Fayama, un producteur de coton à Siniena, dans l’ouest du pays. "Nous, on compte arrêter le coton un peu ou diminuer la production pour faire le maïs et le sorgho".

"Si le coton n’est plus rentable, il faut au moins qu’on arrive à manger. Je dois pouvoir nourrir ma famille et mes deux enfants n’iront pas le ventre vide à l’école", dit Fayama à IPS, annonçant qu’il fera désormais deux hectares de coton au lieu de quatre.

Selon l’organisation non gouvernementale Oxfam, basée à Londres, malgré la décision du conseil général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de régler rapidement et de façon spécifique le dossier coton, les cotonculteurs américains ont reçu environ un milliard de dollars de subventions entre 2004 et 2005.

En revanche, les cotonculteurs de l’Afrique subsaharienne ont perdu 450 millions de dollars. Conséquence : les 20 millions de gens, qui dépendent du coton, se sont appauvris davantage non pas parce qu’ils ont moins travaillé, mais parce que la loi du plus fort continue de prévaloir sur le marché.

Francois Sirima, président d’un groupement des producteurs de l’ouest du Burkina Faso, souhaite que la lutte à l’OMC aboutisse et que les subventions baissent ou que les cotonculteurs africains reçoivent également des subventions.

Pour les cotonculteurs burkinabé et africains en général, le récent échec des négociations sur le cycle de développement de Doha signifie qu’ils devront attendre longtemps pour des lendemains meilleurs.

Selon François Traoré, le président de l’Union nationale des producteurs du Burkina, les derniers remous dans la filière vont avoir un impact sur les paysans.

"Rassurez-vous que ça va jouer sur les producteurs car le chef de famille peut continuer de le faire". Mais, ajoute-t-il, on ne pourra pas empêcher la jeunesse d’abandonner si elle ne trouve pas un profit dans la production cotonnière avec cette baisse prolongée. "Il faut s’attendre à ce que la jeunesse s’en aille", déclare à IPS, Traoré qui est également président de l’Association des producteurs de coton africains.

"Je continue d’espérer en tant que président. Moi, en tant que producteur et responsable des producteurs, connaissant ce qui se passe sur le marché, la lutte doit être permanente", indique Traoré. "C’est un système commercial organisé par les grands du monde et taillé à leur mesure ; donc pour que les pays africains aient leur place, il faut la patience et le combat".

Les alternatives locales restent cependant limitées en raison du manque de filières organisées pour l’écoulement des céréales dont l’instabilité du prix, sur les marchés nationaux, décourage également les paysans.

"Avec le maïs, même s’il y a un marché, on ne peut pas avoir l’argent d’un seul coup comme avec le coton", explique Gaoussou Sako, producteur de coton à Dédougou, dans l’ouest du Burkina.

Le sac de 100 kilogrammes de maïs coûte aujourd’hui environ cinq dollars le marché local, soit moins d’un cent US le kg contre 33 cents pour le coton.

Pour l’instant, le coton génétiquement modifié apparaît comme une alternative pour faire baisser les coûts de revient, et les autorités burkinabé annoncent pour 2008 la vulgarisation du coton génétique.

Selon les estimations des spécialistes, le coton génétique permet de réaliser de 2.500 à 3.000 kg de coton à l’hectare, contre une moyenne de 1.000 kg présentement. Par ailleurs, la culture du coton génétique éviterait quatre traitements des champs en intrants et permettrait d’économiser 72 dollars par hectare.

Brahima Ouedraogo


 Titre : Incertitude du prix du coton et désarroi chez les producteurs.

 Source : IPS www.ipsinternational.org

 Droits de reproduction et de diffusion réservés © IPS Inter Press Service.



Production du coton OGM : "Ne jouons pas à la roulette russe avec notre agriculture", par Le Syndicat national des travailleurs de l’agropastoral, Le Faso.

« L’introduction du coton transgénique au Burkina Faso est précipitée », par la Coalition des organisations de la société civile pour la protection du patrimoine génétique africain du Burkina (COPAGEN/Burkina), Le Faso

Le Burkina passe au coton transgénique, RFI.


Mensonge de la FAO : le coton génétiquement modifié BT ne bénéficie pas aux agriculteurs.

Inde : Suicides dans les champs de coton, par Marie Perruchet.




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COMMENTAIRES  

13/12/2006 18:55 par à -nos-amis

Cette recapitalisation de la Sofitex, opérée pour "redonner confiance aux banques.." (sic), correspond à une logique de prodction industrielle qui ne peut à terme que nuire aux petits exploitants-producteurs. Elle opère dans le cycle destructeur
"baisse des cours, investissements financier et/ou laborieux, surproduction, baisse des cours, endettement, faillites ou "sélection naturelle" du plus résistant..
La seule solution est celle de la revalorisation du travail, donc du cours de vente de ses produits. Bien sùr dans une perspective d’amélioration de la qualité garantissant sa durabilité, par conséquent une économie des ressources naturelles.

La rationalité du consommateur, de l’homo-economicus étant qu’il promeut au départ son intérêt propre, indifféremment du producteur, c’est le consommateur de base et son (notre) exigence de consommation effrénée, immédiate à tout prix (dont essentiellement le plus bas) qui crée le gaspillage de base. Ce dernier permets de qualifier la société occidentale, dite de post-consommation, comme globalement une société de gaspillage, peut-être sur un modèle déviant du potlach des sociétés primitives du N.O américain. Déviant parce que son sens n’est plus l’extraverti, le jeter vers l’autre, vers la face de l’Autre pour "sauver la face", mais intraverti pour la satifasction egocentrique : il en reste toujours le geste inutile, la dilapidation quasi gratuite des biens accumulés ou des biens accaparés.

Ne parlons pas du coton génétiquement modifié, l’autre "catastrophe" économico naturelle qui se profile à l’horizon sur fond de bonne conscience "technico-idéologique"...

23/08/2010 14:27 par Jean-Pierre CANOT

Voilà que la filière du textile s’inquiète et que les jeans vont augmenter de façon dramatique au risque de mettre nos économies en péril !
Il n’est rien dit de ces enfants qui meurent de faim dans le monde au rythme de plusieurs par minute !
Non seulement on n’en parle pas mais on refuse obstinément de faire ce qu’il faut pour résoudre le problème.
Le coton est essentiellement produit, y compris dans le cadre du commerce prétendu équitable, par de malheureux pays pour qui la priorité serait de produire de la nourriture permettant d’atteindre leur autosuffisance alimentaire.
La partie noble du coton ne profité qu’aux pays développés qui entendent en fixer un prix qui ne permet pas aux pays producteurs d’acheter leur nourriture de base aux pays riches, et qui ne tirent donc du coton que des sous produits : huile et tourteaux.

Au Turkménistan, le régime communiste avait détourné l’Amou Daria via le canal du Karakoum pour cultiver du coton dans le désert du même nom où l’on savait élever le mouton depuis des millénaires.
Résultat : la mer d’Aral a été asséchée avec les conséquences catastrophiques que l’on sait, la nappe phréatique est remontée dans les régions irriguées et avec elle le sel qui recouvre la région d’ASHGABAT d’une pellicule blanche stérile.
L’élevage du mouton a été abandonné et l’Union Européenne dans les années 90 mettait en place à grand frais - nos impôts - dans ce pays désertiques, trois programmes d’élevage bovin qui ont tourné au fiasco !

Jacques DIOUF le Directeur Général de la FAO n’arrête de le clamer haut et fort : « Nous ne sortirons de la famine qu’en aidant ces pays à assurer en priorité leur autosuffisance alimentaire ». Or au lieu de le faire en commençant par le développement de leur secteur primaire, ce qui permettrait aux populations de vivre dignement dans leurs meubles, nous recherchons des marchés permettant d’assurer notre précieuse et sacro-sainte croissance.
Nous recherchons au travers de l’immigration prétendument choisie une main d’oeuvre pour des taches que nous ne voulons plus accomplir.

Au lieu d’aider ces pays à assurer leur développement en commençant par atteindre leur autosuffisance alimentaire, non seulement nous les incitons, en dissimulant au besoin le tout derrière le commerce dit équitable, à faire de l’agriculture industrielle en prétendant, imbécillité suprême, qu’ils dégageront les devises nécessaires à l’achat chez nous de leur nourriture ; mais nous leur faisons comprendre en prime que notre aide à leur développement doit avant toute chose nous rapporter.

Au lieu d’aller écouter et soutenir Jacques DIOUF et la FAO au sommet de ROME sur la faim, nos chefs d’État irresponsables et inconséquents, ont préféré se livrer aux pitreries de COPENHAGUE, dont il ne pouvait rien sortir s’agissant de la recherche de solutions à un faux problème.

Nous avons pendant deux décennies tenté de mettre en place des outils de développement, de financement notamment, qui ont fait la preuve de leur inefficacité et accentué pauvreté et famine dans les pays que nous entendions aider.

« En Afrique les projets de Lutte contre la pauvreté appauvrissent les populations ! ».

C’est une Sénégalaise qui le dit, elle oeuvre inlassablement pour aider les femmes de la vallée du fleuve Sénégal à faire renaître l’agriculture de la région. Les hommes eux sont, contre l’avis des femmes et au péril de leur vie, partis en Europe pour essayer de gagner quelque argent…

Il est vrai que le Secrétaire d’État français à la Coopération déclarait sans rire en 2008, juste avant de dire toujours sans rire que l’aide au développement devait être financée par un loto :

« Ne pas avoir peur de dire aux Africains qu’on veut les aider, mais qu’on veut aussi que cela nous rapporte…/… ».

Le coton ne nous rapporte désormais plus assez !

Combien de petits sont-ils morts dans le monde depuis que vous avez commencé à lire ce commentaire ?

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