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Le journal du jeudi

COTE D’IVOIRE : Enrayer la dérive guerrière

Appelz moi J.J.

Avec le Forum de réconciliation nationale, on espérait que la Côte d’Ivoire avait réussi, tant bien que mal, à exorciser ses démons. La mutinerie du 19 septembre dernier, muée en tentative de coup d’Etat, vient de nouveau administrer la preuve qu’on est loin, au bord de la lagune Ebrié, de ressouder la nation ivoirienne autour d’objectifs rassembleurs...

Le ciel de Côte d’Ivoire s’embrase de nouveau sous une pluie de projectiles de toutes sortes. Très tôt, on enregistre des morts, des blessés et de sérieux dégâts. Si on commence à parler d’une mutinerie dont les meneurs revendiquent ainsi bruyamment la décision annoncée de leur démobilisation, les autorités

ivoiriennes concluront peu après que cette sortie musclée d’éléments armés est en réalité une tentative de putsch parrainée par le général Guéï. Celui-là même qui, on se rappelle, a pris le pouvoir le 24 décembre 1999. On parlait alors de "révolution des oeillets", saluée dans une allégresse retrouvée par la quasi-totalité des Ivoiriens.

Mais on a dû déchanter très tôt, le "père Noèl" de 1999 ne voulant plus se contenter de "balayer la maison Côte d’Ivoire", mais de s’établir durablement sur le trône suprême. Ainsi, sur fond de débats houleux sur l’ivoirité, la Côte d’Ivoire bascula dans une psychose de complots, de tentatives de renversement du pouvoir en place, d’intrigues diverses. Dans ce cafouillage politique, la résidence de Robert Guéï fut attaquée dans la nuit du 17 au 18 septembre 2000. C’est donc pratiquement deux ans plus tard que l’homme de Gouessesso a été tué à Abidjan pour motif de... tentative de coup d’Etat, alors qu’il dénonçait, une semaine plus tôt, l’état de "complotite aiguè" dans lequel était tombé le pays.

Coup d’Etat ou non ? Et si oui, Guéï a-t-il tiré les ficelles ? Le moins que l’on puisse en dire, c’est que les esprits restent très largement sceptiques à cette hypothèse. La lecture critique des actions et des contradictions ne permet pas, pour l’heure, d’y répondre formellement. Cependant, la thèse d’un règlement de comptes orchestré par le pouvoir, avancé par un certain nombre d’observateurs avertis, n’est pas moins plausible. Et cet énième bouleversement politique du côté de la lagune Ebrié est, assurément, annonciateur de mauvais augures, aussi bien pour le pays que pour la sous-région. Du reste, le Mali et le Burkina Faso - accusés de façon récurrente de représenter, pour leur voisin du Sud, "l’Axe du mal" - ont déjà dû se résoudre à fermer leurs frontières avec la Côte d’Ivoire, qui s’enfonce donc un peu plus chaque jour dans la spirale de feu et de sang qu’elle a inaugurée au lendemain de Noèl 1999. En effet, tous les ingrédients d’une explosion guerrière, pouvant embraser la sous-région, sont désormais en place, et les stigmates de cette dérive vengeresse mettront - hélas ! - du temps à se cicatriser.

Il faut noter tout d’abord que c’est la première fois que ce pays est ainsi en proie au langage de la canonnade, simultanément sur trois pôles de son territoire : Abidjan au sud, Bouaké au centre et Korhogo au nord. Ensuite, il y a eu tellement de personnes tuées dans la manifestation violente de cette contradiction interne qu’on se demande comment les Ivoiriens pourront recoller les morceaux du puzzle. Enfin, le discours et l’attitude du président Laurent Gbagbo, loin de réinventer une voie de sortie raisonnable, fondée sur l’apaisement et le rassemblement, ont fini d’attiser le feu et d’entretenir le chaos.

Mais pourquoi et comment des désaccords politiques doivent-ils entraîner une telle démonstration de violence ? De la mutinerie à la tentative de coup d’Etat, la Côte d’Ivoire se prépare, sans doute, à entrer dans une nouvelle ère de graves turpitudes politiques, turbulences sociales et incertitudes économiques. Déjà pas tout à fait remise des heurts survenus au lendemain de l’élection présidentielle d’octobre 2000, la violente escalade de la semaine dernière n’augure rien de bon, ni pour la Côte d’Ivoire, ni pour la région ouest-africaine.
Plus que jamais, c’est à Laurent Gbagbo qu’il appartient désormais de s’atteler à se confectionner un art de gouverner qui allie le pragmatisme et le charisme politiques à une bonne dose de discipline langagière et à un sens élevé de la gestion diplomatique...

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Philippe Bordas. Forcenés. Paris, Fayard 2008.
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« Si le Président se présente devant le Peuple drapé dans la bannière étoilée, il gagnera... surtout si l’opposition donne l’impression de brandir le drapeau blanc de la défaite. Le peuple américain ne savait même pas où se trouvait l’île de la Grenade - ce n’avait aucune importance. La raison que nous avons avancée pour l’invasion - protéger les citoyens américains se trouvant sur l’île - était complètement bidon. Mais la réaction du peuple Américain a été comme prévue. Ils n’avaient pas la moindre idée de ce qui se passait, mais ils ont suivi aveuglement le Président et le Drapeau. Ils le font toujours ! ».

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Le 25 octobre 1983, alors que les États-Unis sont encore sous le choc de l’attentat de Beyrouth, Ronald Reagan ordonne l’invasion de la Grenade dans les Caraïbes où le gouvernement de Maurice Bishop a noué des liens avec Cuba. Les États-Unis, qui sont parvenus à faire croire à la communauté internationale que l’île est devenue une base soviétique abritant plus de 200 avions de combat, débarquent sans rencontrer de résistance militaire et installent un protectorat. La manoeuvre permet de redorer le blason de la Maison-Blanche.

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