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De la permanence du coup d’Etat à la haute trahison.

«  Le traité de Lisbonne est caduc », titrait une «  tribune libre » dans l’Humanité du 5 mai dernier (2009). Oui, il est bien caduc, il n’existe plus ! «  Mais là , ajoutais-je pour quelques de mes correspondants, c’est seulement une demi-vérité, et même un contrefeu : on donne une partie de la vérité pour cacher le plus important.

CE QU’IL CONVIENT DE CACHER

«  Et le plus important, c’est que le traité de Lisbonne reprend, et il ne peut faire autrement, l’ensemble des traités européens depuis le traité fondateur de Rome. En conséquence, tous ces traités européens sont également caducs. Et si tous les traités européens, l’Europe, l’Union européenne, ce que j’appelle l’Etat européen, sont également caducs, ils n’ont plus aucune existence, ni légitime, ni légale !

Et donc, en conséquence, le Parlement européen n’existe plus non plus ! Et, toujours en conséquence, on ne peut élire les députés d’un Parlement qui n’existe plus !

Voilà ce qu’il est important de cacher : il s’agit par le vote des peuples européens le 7 juin de nier les votes français et hollandais en 2005, et le vote du peuple irlandais en 2008.

En clair, en France, on veut nous voler, on veut voler à tous ceux qui ont voté NON notre victoire de 2005 ! Laquelle confirmait les 57% d’abstentions aux précédentes élections européennes, celles de 2004, et en France !

Bref, sous couvert d’un nouveau vote, il s’agit bien de violer la souveraineté des peuples, dont celle du peuple français, qui a été le premier à invalider l’ensemble des traités ! »

TU AS RAISON FORMELLEMENT !

L’un de mes correspondants qui, peut-être, m’avait lu un peu rapidement, me rétorquait : «  Tu as raison formellement, et le vote NON de 2005 avait déjà annulé tous les traités qui y étaient inclus de la même manière ». En quoi étais-je donc «  formel » ? L’adjectif «  formel » dit tout et son contraire. Selon mon Robert de poche, «  formel » c’est la précision et la netteté excluant tout malentendu, c’est clair, précis, explicite. Mais c’est aussi : «  Qui repose sur la forme, qui privilégie la forme par rapport au contenu. »

Je suppose que mon correspondant privilégiait lui la seconde définition puisqu’il ajoutait : «  Mais dans la réalité, le parlement existe, en tant que 700 tubes digestifs bien alimentés et qui se réveillent quand on veut les sevrer, et aussi des milliers de bureaucrates qui crachent du papier entre deux repas payés par les lobbiestes. Cela compte aussi.  »

Je restais perplexe. Faisait-il de l’humour ? Au fond, ne disait-il pas comme Descartes ? Certes, pour exister, il convient d’avoir un tube digestif et pas seulement de penser ! Mais faire la preuve de la réalité du Parlement européen par l’existence de 700 tubes digestifs !!!

VIOL DES PEUPLES OU COUP D’ETAT

Je décidais en conséquence de m’en tenir au «  formellement » de la seconde définition et de ne pas plaisanter avec l’existence ou non du parlement européen. Il est des choses qu’il convient de prendre au sérieux. Que s’était-il donc passé ces dernières années, sur le temps court de quelques années, depuis les élections européennes de 2004, qui me permettait, au moins depuis le référendum de 2005, de considérer qu’il y avait viol de la souveraineté du peuple, et que ce viol, même avec le recul, demeurait tout à fait inadmissible ?

En histoire, il n’est guère question de viol des peuples, il existe un concept bien établi qui est plus familier et rend mieux compte de la réalité de ce qui s’est passé en différents moments de l’histoire des peuples. Aussi, je répliquais à mon interlocuteur : «  Ce n’est pas parce que Sarko fait une sorte de coup d’Etat contre la souveraineté populaire, et que d’autres cautionnent, que je suis obligé de les approuver ! » Et j’ajoutais : «  Quand est-ce qu’il y aura un Victor Hugo de notre temps qui fustigera ce tout petit Napoléon ? Et combien s’achète, ou comment s’achète, l’approbation d’un 2 décembre ? »

Certes, dans les apparences, bien des choses se sont modifiées depuis le 2 décembre 1851.

Victor Hugo dénonçait Napoléon-le-petit, pour lui pâle successeur de Napoléon 1er, une sorte d’aventurier qui parvint cependant à se faire élire Président de la République, il en fut même le premier président élu le 10 décembre 1848 avec près de 75% de voix masculines, issues notamment du parti de l’Ordre profitant de la légende impériale.

VICTOR HUGO ET NAPOLEON-LE-PETIT

Victor Hugo le montre :

«  jurant solennellement la Constitution le 20décembre 1848, et, le 2décembre 1851, la brisant... Le 2 décembre et les jours suivants, il a, lui, pouvoir exécutif, attenté au pouvoir législatif, arrêté les représentants inviolables, chassé l’Assemblée, dissous le conseil d’Etat, expulsé la Haute cour de justice, supprimé les lois, pris vingt-cinq millions à la Banque, gorgé l’armée d’or, mitraillé Paris, terrorisé la France, jonché les rues de cadavres, versé des flots de sang ; depuis il a proscrit quatre-vingt quatre représentants du peuple, volé aux princes d’Orléans les biens de Louis-Philippe leur père, auquel il devait la vie, décrété le despotisme en cinquante -huit articles sous le titre de Constitution, employé l’armée à la honte, garroté la République, fait de l’épée de la France un bâillon dans la bouche de la liberté, brocanté les chemins de fer, fouillé les poches du peuple, réglé le budget par ukase, déporté en Algérie et à Cayenne dix mille démocrates, exilé en Belgique, en Espagne, en Piémont, en Suisse et en Angleterre quarante mille républicains, mis dans toutes les âmes le deuil et sur tous les fronts la rougeur. Louis Bonaparte croit monter au trône, il ne s’aperçoit pas qu’il monte au poteau. » (Napoléon-le-petit)

MITTERRAND ET LE COUP D’ETAT PERMANENT

Bien de l’eau, souvent sale, et même rougie, aura coulé sous les ponts quand François Mitterrand, en 1964, dénoncera dans «  Le coup d’Etat permanent » le pouvoir personnel pratiqué par le général de Gaulle avec l’instauration en 1958 de la 5eme République et, en 1962, avec l’élection du Président au suffrage universel :

«  J’appelle le régime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c’est à cela qu’il ressemble le plus, parce que c’est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu’inéluctablement il tend, parce qu’il ne dépend plus de lui de changer de cap. Je veux bien que cette dictature s’instaure en dépit de De Gaulle. Je veux bien, par complaisance, appeler ce dictateur d’un nom plus aimable, consul, podestat, roi sans couronne, sans chrême et sans ancêtres.Alors elle m’apparait plus redoutable encore. »

Nous sommes toujours dans la permanence de cette 5eme République ! Pour sa part, François Mitterrand a fort bien endossé le portrait qu’il peignait, ou dépeignait, du pouvoir personnel. Avec lui et ses successeurs, différentes modifications de cette Constitution sont cependant venues aggraver les défauts, sinon les tares, dépeintes.

CONTINUITE OU RUPTURE ?

Et aujourd’hui, c’est Nicolas qui occupe le trône à sa façon, qui a rompu avec l’apparence de bonhomie qu’avaient cherché à donner certains de ses prédécesseurs … L’esprit républicain en France s’est-il à ce point dégradé pour qu’ainsi l’essentiel des formations politiques se soient ainsi inscrites dans la perduration de ce « coup d’Etat permanent » ?

Perduration ? En fait, il ne s’agit plus de continuité ni de retouches à la marge. De nouveaux seuils ont été franchis. Jusqu’alors, certaines apparences démocratiques s’étaient maintenues. Avec le sort réservé au NON majoritaire exprimé par le peuple français lors du référendum de 2005 relatif au TCE, ce sont les apparences qui, elles-mêmes, disparaissent.

Certes, dans un premier temps, on semble vouloir respecter la volonté du « peuple souverain » français qui, là , est redoublé par le NON du peuple hollandais. Mais les dirigeants européens, avec l’accord et la collaboration des dirigeants français, élaborent une «  resucée » du TCE, le Traité de Lisbonne.

LE NON A L’ENSEMBLE DES TRAITES EUROPEENS

Ce que n’avouent pas ces dirigeants, c’est que le NON au TCE est également un non à l’ensemble des traités européens qui sont en conséquence également récusés. L’Etat européen n’a plus d’existence légale ou légitime !

Ce qu’ils n’avouent pas, c’est que tout ce qu’ils ont mis en place depuis cette expression de la souveraineté du peuple n’a plus à son tour ni validité ni légitimité. Et ce fait n’est pas seulement une violation d’un droit inaliénable. C’est un coup d’Etat !

C’est un coup d’Etat parce que il s’agit de rétablir un Etat, en l’occurrence l’Etat européen, indûment appelé «  Union européenne », un Etat qui n’a plus ni légitimité ni légalité. Mais, me dit-on, le Congrès, c’est-à -dire Assemblée nationale et Sénat réunis, a adopté le traité de Lisbonne...

JE NE SUIS PAS JURISTE !

Je ne suis pas juriste...

Par contre Roland Weyl en est un, et internationalement reconnu.

Dans L’Humanité du 6 janvier 2005, il évoque dans les conclusions d’une «  Tribune libre », après un avis du Conseil constitutionnel, «  la convocation du Congrès pour procéder à des modifications constitutionnelles » et montre que :

« les parlementaires ne pourront pas ignorer les responsabilités devant lesquelles ils seront placés devant le peuple et l’histoire. Bien plus : le Conseil (constitutionnel) rappelle que la Constitution dispose que «  la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ». Ses représentants sont donc habilités à «  exercer » cette souveraineté, mais nullement à en disposer. Un adage fondé historiquement a même toujours considéré que le peuple lui-même ne peut renoncer à sa souveraineté, qu’elle est inaliénable, ce qui l’autorise toujours à la reconquérir en considérant comme nulles ces abdications. Mais à plus forte raison des renonciations à sa souveraineté ne relèvent pas du pouvoir de représentation des parlementaires. »

DISSOUDRE LE PEUPLE !

Ici, chacun comprend bien que les principes exposés par Roland Weyl ne sont pas formels ou conjoncturels : ils sont «  inaliénables ». C’est aussi ce que disait à sa façon le 16 juin 2008 l’historien universitaire Edouard Husson (Rouge Midi) :

«  On s’est gaussé des anciens pays du bloc soviétique mais nos dirigeants sont actuellement dans la logique exprimée par la boutade de Brecht, en 1953 : «  Si le peuple s’exprime contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple . »

DU COUP D’ETAT A LA HAUTE TRAHISON

Mais c’est avec Anne-Marie Le Pourhiet, qui est juriste, professeure agrégée de droit public à l’Université de Rennes... que l’on approche de l’essence même de la démarche. Dans un article du 20 décembre 2007 (Rouge Midi) intitulé significativement «  Traité européen : on peut parler de haute trahison », elle écrit :

«  Le traité modificatif « modifie bien le traité constitutionnel rejeté en 2005... C’est une modification par simple soustraction en ce sens que l’on s’apprête à faire ratifier par le parlement français un traité partiel aux lieu et place du traité complet initial.

Une question fondamentale se pose dès lors : comment le président de la République peut-il décider seul, alors que le peuple français a juridiquement rejeté l’intégralité du traité, de faire cependant ratifier par voie parlementaire la majeure partis des dispositions qu’il contenait au motif que celles-ci n’auraient pas fait l’objet de contestation ?

Si le président a la conviction que les dispositions restant dans le traité modificatif ont fait l’objet d’une approbation implicite des Français, encore faut-il qu’il s’en assure en organisant un nouveau référendum tendant à obtenir leur accord explicite.

Comment qualifier et sanctionner, dès lors, un tel coup d’Etat ?...

Notre texte constitutionnel affirme encore que le principe de la République est gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » et que son président est élu au suffrage universel direct pour veiller au respect de la Constitution, assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’Etat et garantir l’indépendance nationale.

Le terme qui vient à l’esprit pour désigner le mépris présidentiel de la volonté populaire est évidemment celui de haute trahison... »

Et comment qualifier tous ceux qui cautionnent le coup d’Etat et la haute trahison ? Et mon appréciation est-elle toujours aussi formelle. J’ajoute encore que je comprends très bien que tous ceux qui prennent connaissance de la dimension du questionnement puissent éprouver quelque gène.

Mais l’important n’est-il pas de rechercher la vérité et de la dire ?

Michel Peyret
11 mai 2009

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