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Entretien avec Luis Méndez, éducateur populaire, photographe, poète hondurien, à propos de la situation au Honduras.

BD : Pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel et politique ? De ce que Fabricio m’a dit, vous avez participé à la fondation du Front National de Résistance Populaire, FNRP, suite au coup d’état de 2009, mais au moment où le Parti Libre a été fondé, vous vous êtes rangé du côté de l’Espace Pour une Constituante.

LM : Très bien, je suis Luis Méndez, éducateur populaire, artiste, poète, documentariste, nous venons de présenter le long métrage ’Au bord des ombres’, travail documentaire qui fait connaître la crise structurelle de notre pays, les réseaux de corruption, les réseaux criminels liés au Parti National, aux groupes économiques et au crime organisé. Avant le coup d’État de 2009, je travaillais avec des organisations sociales, organisais des bibliothèques communautaires dans des quartiers populaires et travaillais sur des programmes de promotion du livre et de la lecture. Pendant le coup d’État, j’ai coordonné l’École de formation politique du FNRP et c’est dans ce cadre que nous avons pris les mesures pour former les collectifs de résistance populaire, que nous avons fondé les premiers collectifs de résistance. J’ai fait partie de l’Espace Pour une Constituante qui fut un mouvement fédérateur de forces populaires et de secteurs de gauche, mouvement qui s’est formé à partir de l’année 2010, un mouvement qui a marqué ou installé la proposition pour une Constituante comme un thème politique et stratégique post coup de 2009 ; le projet de la refondation de la patrie. À ce moment-là, en 2010, il y a eu une approche politique bien marquée en termes de positionnement du mouvement populaire et des forces de gauche depuis l’Espace Pour une Constituante face au projet politique électoral qui commençait à naître chez d’autres acteurs clés du mouvement populaire et de secteurs venant du parti libéral et qui ont rejoint la résistance par la voie électorale. À ce moment-là, nous avons eu une contradiction entre les forces populaires regroupées en un seul front de résistance, le FNRP ; d’une part, ou on veut penser à la construction du pouvoir par en bas, et d’autre part une autre voie par la formation d’un projet politique partisan électoraliste représentée par le Parti Liberté et refondation, LIBRE, aujourd’hui au pouvoir. En 2011, quand Manuel Zelaya (ex président) est revenu dans le pays, et que le projet politique partisan a vu le jour, nous, depuis l’espace Pour une Constituante avons maintenu une certaine distance. Nous assumons un positionnement politique différent de la voie purement électoraliste, en pensant et en assumant la construction du pouvoir populaire comme une alternative au système politique en place. Nous avons toujours vu le risque que des groupes conservateurs venant du parti libéral attaquent le projet populaire, pour une Constituante. Malgré ce positionnement, plusieurs dirigeants de l’Espace Pour une Constituante se sont intégrés au projet politique partisan de LIBRE, qu’ils ont exprimé lors des votes en assemblées.

Si je devais faire la différence entre ces deux enjeux politiques, je pense qu’il s’agit du caractère systémique du parti et de la proposition anti-systémique des mouvements sociaux et populaires, de leur autonomie et de leur indépendance. L’Espace Pour une Constituante a intégré différentes organisations provenant d’un processus historique : peuples indigènes, peuples noirs, femmes, paysannerie, jeunes, organisations territoriales en défense des biens communs, de la nature ; Nous avons proposé un projet de pouvoir populaire et, de manière particulière, l’exigence d’une Assemblée nationale constituante populaire et originaire. Avec le temps, l’Espace Pour une Constituante s’est désintégré et ce n’est que dans l’imaginaire politique que l’approche refondée comme un pari transformateur et révolutionnaire qui soit à la racine des grands problèmes.

Après l’Espace Pour une Constituante, j’ai accompagné le mouvement des indignés en 2015, puis la Plateforme pour la défense de la santé, 2018. De cette plate-forme, j’ai accompagné le Bureau 11 de dialogues alternatifs comme un espace qui rassemble plus de 30 organisations sociales et populaires, un espace de débat, de convergence d’idées et de solidarité.

En tant que Bureau 11 des dialogues alternatifs en 2021, nous nous sommes exprimés par un positionnement politique appelant à aller dans les centres de vote et à voter contre les pouvoirs factices, contre le parti national au pouvoir et à voter pour le projet de refondation. Par la suite, avec la victoire de la présidente Xiomara Castro, nous nous sommes intégrés dans le processus des tables de travail pour la transition du nouveau gouvernement, dans la construction des propositions des mouvements sociaux et populaires. Dans cet espace, nous nous sommes intégrés à la table de défense de la terre et du territoire, Nous avons ensuite avancé vers la création d’un vaste espace où participent 24 groupes de travail qui, de manière organique, doit nous amener vers une Rencontre Nationale d’organisations sociales et populaires et vers un Système National de Pouvoir Populaire, alternatif au système libéral en vigueur.

De cet espace que nous commençons à assumer en tant que tables populaires, nous faisons les premiers pas, et dans un positionnement politique du 26 janvier aux paragraphes 3 et 4, nous déclarons la chose suivante :

’... que les propositions présentées par les organisations constituent un effort politique et stratégique pour répondre aux problèmes structurels et aux crises multiples qui affectent la société et en particulier les secteurs vulnérables, face à l’échec de 30 années de politiques néolibérales. À cet égard, nous soulignons qu’en tant qu’organisations et mouvements, nous ne renoncerons pas à nos propositions et nous lutterons jusqu’à ce qu’elles se concrétisent dans des politiques publiques, des programmes nationaux et des projets sociaux’ et ’Nous exhortons les organisations sociales et les mouvements populaires du pays à réactiver les processus de résistance populaire dans les efforts pour saper les tentatives putschistes des pouvoirs de facto et du bipartisme. De même, nous les exhortons à continuer de renforcer les processus actuels d’articulation du mouvement social et, de cette manière, à entreprendre stratégiquement des actions visant à avancer dans l’autonomie des mouvements dans le processus de refondation du pays’.

12 ans après le coup d’État et avoir participé organiquement au processus de fondation du Front national de résistance populaire, puis d’avancer dans d’autres processus d’articulation qui nous font atteindre un 2022 un nouveau scénario et d’énormes défis pour le mouvement populaire.

BD : Pensez-vous pouvoir définir un peu plus pour un public peu familier de la politique hondurienne la différence entre le mouvement pour une Constituante et le projet institutionnel du parti LIBRE ? Quelle est la différence entre les deux et la signification du terme refondation ?

LM : Pour nous, la refondation est le contraire de la réforme, la refondation est de créer quelque chose de nouveau sur un terrain ravagé par le capitalisme, par le néolibéralisme. En 2009, les institutions du pays ont été brisées et la seule façon d’avancer dans le chaos et l’instabilité politique était de convoquer une Assemblée nationale constituante, originaire et populaire, pour une Constituante. Ce qui est populaire étant donné les conditions d’exclusion et de pleine participation des peuples et secteurs historiquement exclus, de l’urgente nécessité qu’ils fassent partie d’un projet de pouvoir constituant originaire : peuples noirs et autochtones, les mouvements de femmes, les paysans, les ouvriers, la diversité, la jeunesse, et d’autres secteurs qui ne resteront pas en marge du débat et de la proposition. Le projet pour une Constituante a envisagé de repenser la politique, la démocratie, de repenser le démantèlement de ces structures patriarcales, racistes, colonialistes qui ont historiquement contrôlé les institutions et les gouvernements. La refondation pour une renaissance politique dans la conscience transformatrice et émancipatrice des peuples. Il est important de préciser que lors du coup d’État contre Zelaya, un bloc conservateur du parti libéral rejoint également le projet de la résistance et rejoint le Front national de résistance populaire (FNRP)cette aile conservatrice qui, à un moment donné, a essayé de coopter le mouvement populaire au sein du front, et à l’intérieur de Liberté et Refondation, LIBRE. La menace des libéraux dans LIBRE a toujours été latente de sorte que la trahison d’hypothèses du parti LIBRE, (député Jorge Calix et la députée Beatriz Valle) dans le conflit du Conseil d’administration du Congrès national où il y a une forte ingérence du parti national et des groupes économiques, ce n’est rien de fortuit ou de spontané. C’est une crise annoncée depuis l’étape fondatrice du front et du parti et très bien orchestrée par la droite pour frapper Xiomara Castro et le projet de refondation.

De l’Espace Pour une Constituante, nous savions que la formation du FNRP et ensuite du parti libre ne serait pas seulement entre les mains des forces populaires et de la gauche, mais aussi de groupes conservateurs qui ont migré du parti libéral vers le LIBRE et qui pourraient à un moment trahir les principes fondateurs du front et du parti. Dans la phase de constitution du parti, les organisations regroupées dans l’Espace pour une Constituante se sont tenues à l’écart de la ligne partisane, ont créé nos positions politiques et vie organique, les organisations ont progressé dans la lutte territoriale de manière particulière en menant la lutte anti-extractive. Il est important de souligner que cette séparation entre les constituants et le parti LIBRE nous a rendus différents politiquement et idéologiquement, mais pas ennemis ; la lutte du mouvement social et populaire pour l’autonomie a été une discussion permanente et un positionnement fort. Deux regards politiques différents, mais les deux visant le projet de refondation ; un regard du mouvement et un autre du parti face à un ennemi commun, cela a toujours été clair sur la scène de la lutte. Pour les élections de 2021, les mouvements sociaux et populaires, certains plus organisés que d’autres, d’autres plus fragmentés, mais d’une manière ou d’une autre menant des batailles contre la dictature ont appelé à voter pour la Présidente Xiomara Castro, D’autres ont appelé à voter contre la dictature, à voter pour la refondation de la patrie. D’une façon ou d’une autre, c’était aller aux urnes et voter pour Xiomara Castro. Je crois que, pour cette fois, les deux courants de pensée se sont mis d’accord sur un projet stratégique de pouvoir, la priorité étant la sortie du parti national du contrôle du gouvernement. Bien qu’actuellement l’Espace Pour une Constituante n’existe pas comme une expression organique, mais les organisations qui ont fait partie de cet espace se maintiennent dans leurs luttes territoriales et en quelque sorte après les grandes assemblées du FNRP de 2009, 2010, 2011, mouvements et partis se sont retrouvés cette fois dans les urnes, et nous avons célébré ensemble la défaite de la dictature et la victoire de Xiomara Castro.

BD : Merci beaucoup pour cette précision. Nous avons vu comment le processus chilien, qui aboutit à la demande de la constituante, s’accommodait de projets partisans. Est-ce que vous et le mouvement populaire considérez sérieusement la promesse de constituant faite par le projet de LIBRE ?

LM : Je crois que la victoire de Xiomara Castro est une victoire du peuple hondurien, d’un peuple soumis à une dictature pendant douze ans, qui a pillé les ressources de l’État, persécuté, criminalisé et assassiné des défenseurs de la vie. La victoire de LIBRE, de Xiomara est une victoire contre l’impunité et une victoire pour récupérer un Etat de droit. Au cours de ces années, le régime a assassiné des dirigeants sociaux, des militants de l’environnement, des journalistes, des dirigeants autochtones, des avocats, notre collègue, notre sœur Berta Cáceres, dirigeante et coordinatrice du Conseil civique des organisations populaires et autochtones du Honduras, COPINH. Compagnons emprisonnés pour avoir défendu l’eau et la vie comme le cas de Guapinol qui sont privés de liberté pour avoir exercé le droit de défendre les biens communs de la nature. À l’heure actuelle Xiomara Castro est la clé pour arrêter la persécution et la libération rapide des compagnons injustement criminalisés. Malgré cette répression et cette criminalisation des peuples, des organisations, le mouvement n’a cessé de se mobiliser et à ce stade d’un gouvernement populaire, il a été important que les mouvements fassent partie du projet de renversement de la dictature. Et cela va au-delà de cela, remarquez Boris, nous, d’un secteur important du mouvement, voyons ce moment comme une conjoncture extraordinaire d’accumulation des forces populaires, et la possibilité d’ascension des forces populaires à moyen et long terme. Le fait d’avoir la première femme présidente dans l’histoire de notre pays marquera une étape importante avant et après Xiomara, un nouveau leadership renouvelé, une partenaire engagée dans les causes populaires, les idées et les projets de transformation, révolutionnaires face au modèle capitaliste. Dans son discours d’investiture, la présidente Xiomara Castro a déclaré que son gouvernement mettrait la personne au centre et non le capital, ce qui laisse espérer que quelque chose pourrait changer dans les relations de pouvoir. Combler le fossé de l’inégalité, de l’accès à la justice, de la lutte contre la corruption, d’un gouvernement d’unité et de changement, de la refondation et du pouvoir populaire fait de lui-même un projet révolutionnaire, de changement et de profondes transformations ; surtout en ce XXIe siècle de crise civilisatrice et du capitalisme tardif dans son étape de dépouillement non seulement des biens publics mais des biens communs de la nature. Je crois aussi que Xiomara Castro représente pour l’Amérique latine une proposition de changement, d’espoir, révolutionnaire. La victoire de Xiomara Castro permettra l’unité des forces populaires, la possibilité de regrouper les efforts, les idées, les propositions de pouvoir populaire, depuis les peuples et les territoires. Il y aura des propositions que le gouvernement pourra concrétiser, d’autres non, qui ne sont pas réalisable dans ce contexte avec un Congrès National fractionné ; affronter les couches patronales, réseaux de corruption et réseaux du crime organisé ne sera pas une chose mineure, mais à ce stade, le rôle du mouvement social et populaire organisé en défense du projet de refondation de la patrie sera essentiel.

La présidente Xiomara Castro sera un allié clé en premier lieu avec les peuples, depuis sa proposition qui envisage de lutter pour la justice, pour récupérer les institutions du pays, la lutte anticorruption, un système de santé digne, une éducation de qualité, le travail décent, la sécurité de la population. La victoire de Xiomara est la victoire de tout un peuple qui voulait que quelque chose change, c’est la victoire populaire contre la narco-dictature, le crime organisé représenté par le Parti National.

BD : Bien sûr. Je ne connais pas directement le Honduras, mais mon expérience au Mexique m’a permis de voir la réalité du narco-terrorisme qui contrôle l’État, où il peut gagner contre l’armée elle-même, même dans une lutte. Je ne sais pas si vous pouvez nous dire comment le narcotrafic se manifeste au Honduras et le lien avec le capitalisme, les multinationales qui vont de pair.

LM : Il faut voir en rétrospective l’histoire du Honduras, au fil du temps le Honduras a été une plate-forme d’enclave, victimes comme d’autres pays de la région et de l’enclave bananière, la United Fruit Company, aussi l’enclave minière du siècle dernier. Le Honduras, épicentre des bases militaires américaines, en bref, la ’cour arrière’ des gringos et ses sept bases militaires, Palmerola étant la plus grande base militaire du continent ; une base d’opérations géostratégique pour le projet de domination du continent. Deuxièmement, sur le plan économique, le Canada, comme d’autres pays, investit massivement dans le secteur minier au Honduras et la Présidente Xiomara, dans son discours d’investiture, a déclaré que l’exploitation minière à ciel ouvert devait être fermée. Ces décisions du pouvoir exécutif vont alarmer les investisseurs qui, pendant des décennies, ont violé les droits de l’homme et le droit des peuples à être consultés. L’abrogation des Zones d’Emploi et de Développement Économique, ZEDE qui sont devenues l’excuse pour que les groupes économiques avancent sans aucun contrôle, restriction ou sanctions. La vente du pays en parcelles, territoires destiné à des projets soi-disant créateurs d’emplois que les hommes politiques et les entreprises ont vendu comme la panacée, comme option pour sortir du sous-développement par des investissements et l’expansion d’entreprises génératrices d’un prétendu développement. Avec la décision de la Présidente de supprimer le décret qui donne vie aux ZEDE, il est prouvé que cette proposition est une avancée du projet de spoliation imposé depuis le siècle dernier par les groupes de pouvoir en collusion avec les partis politiques dans le but de s’emparer des institutions publiques et d’assaillir l’État. L’abrogation du décret qui a été émis pour la constitution des (Zones Spéciales de Développement, ZEDE) est une victoire populaire. C’était censé être le grand business du XXIe siècle pour les sociétés transnationales et multinationales qui cherchaient à transformer le Honduras en un « maquiladora » gigantesque.

Les sociétés transnationales et multinationales, en particulier celles qui se consacrent à l’extraction minière depuis des décennies, ont bénéficié d’une politique visant à appauvrir le pays et à favoriser l’entreprenariat. Des entreprises, des partis politiques et la criminalité organisée qui ont capturé l’État avec l’aval d’autres pays et d’un secteur important de la coopération internationale.

C’est pourquoi, dans notre pays, non seulement les droits de l’homme de la population sont violés, mais il y a aussi une agression permanente contre l’environnement, les écosystèmes, les modes de vie des communautés, leur culture ancestrale et leur vision du monde.

Les liens des groupes économiques avec les groupes politiques et le trafic de drogue ont permis, au cours des 12 années de régime dictadorial, l’expansion de la monoculture dans la zone nord. La collusion de bandes criminelles avec des acteurs politiques et des entreprises, la police et l’armée comme la plus grande expression de la perte des institutions a également frappé la population dans son ensemble, a installé une matrice de terreur et de peur de la population. C’est pourquoi la victoire de Xiomara Castro apporte avec elle de nouveaux airs, et de meilleures conditions pour une secousse de ces groupes qui ont attaqué les institutions, qui ont normalisé l’assassinat des leaders sociaux, des journalistes, des avocats, des femmes et des jeunes. Dans un pays où la violence se normalise, seul un processus de transformation révolutionnaire peut changer l’ordre des choses. Sans aucun doute, la victoire de Xiomara marque un avant et un après. La possibilité de changements réels s’ouvre maintenant.

BD : Bien sûr, bien sûr, voyons maintenant comment ce nouveau projet peut faire face aux secteurs oligarchiques. Qui peut affecter les intérêts des États-Unis et du Canada. Pensez-vous qu’il est possible qu’ils tentent un autre coup d’État, qu’ils utilisent la voie de la violence pour ne pas laisser le pays changer ?

LM : Nous sommes maintenant dans une phase de transition, et les changements ne se produiront pas de manière radicale, comme on le voudrait, mais l’important est que les premiers pas sont faits ; le fait que la présidente envoie un message clair et fort aux groupes politiques et économiques que la « piñata » est terminée pour ceux qui ont gaspillé et pillé les institutions publiques ; et la deuxième chose, que soit mise en place une commission de lutte contre la corruption qui mette à l’ordre du jour un audit médico-légal des institutions pillées par le parti national entre 2009 - 2021, des 12 années de dictature. Cela peut provoquer un choc dans le pays, c’est pourquoi nous voyons important que les forces progressistes, révolutionnaires, les jeunesses, les femmes, la paysannerie, les peuples autochtones, les populations, avançons vers une plus grande capacité d’articulation et d’accumulation de conscience politique pour comprendre le contexte, la lutte des classes dans les conditions actuelles. Je crois que nous avons un grand défi en termes d’organisation, d’articulation et de formation politique et idéologique, sans doute. Comprendre que cette oligarchie, cette bourgeoisie et les pouvoirs factices resteront actifs et tenteront de miner de l’extérieur et de l’intérieur un projet de refondation. Quatre ans ne seront pas suffisants pour avancer, étant donné les conditions matérielles et structurelles de ce qui s’est passé au Honduras, c’est une sorte d’ouragan de catégorie 8 qui a traversé les institutions de l’État. Nous devons accumuler des forces, faire en sorte que la population ait accès à un emploi décent, à la sécurité et à la tranquillité, qu’elle puisse vivre en paix et sans crainte, que la société soit démilitarisée.

Une armée pour protéger et protéger l’environnement a exposé la présidente Xiomara Castro lors de son discours d’investiture. Nous sommes passés de ce discours selon lequel les militaires devaient être dans la caserne et non dans la rue à un nouvel imaginaire que l’armée serait le gardien de l’environnement. Nous supposons que la répréhension contre les mouvements sociaux et populaires a pris fin. La possibilité d’avoir un État de droit.

Sur le rôle des Etats-Unis, à ce stade, je crois qu’ils ont clairement leur projet de domination et la présence de la vice-présidente Kamala Harris à l’investiture de Xiomara Castro en rend compte. Juan Orlando est une pièce qui ne sert plus l’Empire et son extradition est peut-être imminente. Et d’autre part, les Etats-Unis chercheront de toute façon à empêcher que le Honduras ne devienne un axe clé dans la région pour l’avancement du projet progressiste ; en même temps, la présidente Xiomara peut changer l’histoire et avancer par étapes vers la construction du projet de refondation. L’empire ne s’en va jamais, il ne fait que les calculs politiques et s’impose, il est toujours prêt à contrôler directement ou indirectement les grandes décisions des pays qu’il domine, des pays subalternes. Dans notre cas, le discours des États-Unis vise à accompagner, à soutenir le gouvernement de Xiomara Castro, surtout dans la lutte contre la corruption et à éviter la migration vers les États-Unis. D’autre part, assurer leurs intérêts géopolitiques dans la région et au Honduras pour les gringos reste un maillon clé en termes de géopolitique et de leurs intérêts d’agression contre les peuples révolutionnaires de notre Amérique. Cette relation de dépendance, de soumission et d’émancipation commencera à entrer en collision à mesure que s’approfondira la proposition de refondation du gouvernement de Xiomara Castro, d’une Assemblée Nationale Constituante populaire et originaire où la question de souveraineté pose catégoriquement le départ des bases militaires du pays et qui mette fin à l’ingérence des Etats-Unis dans les affaires d’Etat.

BD : J’imagine qu’il y aura un soutien et un soutien, mais aussi des critiques à l’égard du nouveau gouvernement. Je ne sais pas si cette idée de constituante et de pouvoir populaire s’est alors posée, depuis le parti LIBRE.

LM : Oui, le Parti LIBRE s’est proposé comme promesse de campagne la convocation d’une constituante, elle-même qui aura du sens si elle implique tous les acteurs et secteurs sociaux, politiques, universitaires. Les conditions dans lesquelles LIBRE arrive au pouvoir, en alliance avec d’autres forces conservatrices la question de la Constituante est une dette en suspens pour l’instant, cependant, lors de l’investiture la présidente Xiomara Castro a fait référence à la loi de participation citoyenne, de la consultation populaire et cela n’est rien d’autre que le droit à ce que les peuples soient consultés, entendus, aient voix au chapitre. Approche qui a déjà déclenché les alarmes des médias au service des groupes économiques et sera un sujet de discussion et de choc de projets politiques, le projet de l’émancipation ou le projet de la dépendance.

Pour l’instant, il n’y aura pas de constituante, mais les conditions politiques pourraient changer de manière drastique et la seule issue pour revenir à un état de droit et à une véritable institutionnalité sera au travers de la constituante.

Comme je vous l’ai déjà dit, à ce stade, un large éventail de mouvements sociaux et populaires ont choisi de s’intégrer au processus de transition du gouvernement de Xiomara Castro, faisant des propositions sur des thèmes stratégiques pour le mouvement et plus de 500 propositions ont été présentées entre PCM, décrets et politiques publiques. À ce stade, nous voyons le gouvernement comme un allié stratégique pour avancer à partir de l’autonomie et de l’indépendance des mouvements sociaux et populaires.

À cet égard, et compte tenu de la stratégie, une initiative a également été lancée en faveur d’un système national de pouvoir populaire qui dynamise les processus en faveur du mouvement populaire dans des domaines clefs. Penser aux luttes de l’intérieur du gouvernement est plus complexe, mais c’est aussi un pari politique pour que les grandes décisions de l’État ne soient pas seulement consultées, mais qu’elles aient aussi un pouvoir de décision. C’est pourquoi il sera urgent d’avancer vers des assemblées, des noyaux, des unités et des tables de pouvoir populaire.

BD : Que pensez-vous des derniers événements avec le parlement et la trahison des députés du parti libre ?

LM : C’était une trahison annoncée et depuis les mouvements et autres secteurs nous attendions, il a été rendu public que le député Jorge Calix se déplaçait dans des eaux grises et aussi de pactes entre groupes politiques et économiques liés aux pouvoirs factices ; Ce que nous ignorions, c’est à quel moment les conditions seraient réunies pour une trahison d’une telle ampleur politique. De mon point de vue, ce député et les 16 autres sont montés sur un cheval de Troie construit par le parti national et par les pouvoirs factices pour frapper et faire irruption de l’intérieur du gouvernement de Xiomara Castro et du projet de refondation. Ce n’est pas tant le débat sur le légal et la légitimation dans ce contexte, mais l’assaut de ces groupes qui seront directement affectés lorsque les formes, les mécanismes de pillage des biens publics, de l’État, apparaîtront. Des groupes qui ont imposé un mode de gouvernement empreint d’impunité, de terreur et de mensonge. Je pense que Jorge Calix et son groupe de traîtres ont payé un lourd tribut politique, leur mort politique, parce qu’ils ont trahi non seulement le parti LIBRE mais aussi le projet de refondation de la patrie.

BD : Merci beaucoup. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelques mots sur votre propre point de vue personnel, en dehors du militantisme...

LM  : Merci à vous Boris de prendre le temps et de partager nos idées, nos luttes, nos espoirs, nos utopies et nos actions réelles pour avancer vers un projet de refondation de la patrie.

réalisée par Boris Differ

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