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Georgie : Un coup de force orchestré par les Etats-Unis ? par Jean-Marie Chauvier.

25 novembre 2003

Edouard Chevarnadze s’en est allé. C’était l’un des trois "grands" du trio de dirigeants soviétiques qui firent la perestroïka : Mikhaïl Gorbatchev, Alexandre Iakovlev, Edouard Chevarnadze. L’un dirigea les opérations tant bien que mal, le second fut l’idéologue, le troisième le ministre des affaires étrangères chargé de la grande "liquidation" de la puissance soviétique. Ainsi, Chevarnadze fut le principal artisan de la dissolution du bloc soviétique et de la réunification allemande, celui qui donna en 199O le "feu vert" à la première guerre du Golfe contre l’Irak avant de quitter l’équipe Gorbatchev qu’il accusait de préparer "la dictature". Cet homme avait donc d’immenses mérites aux yeux des Etats-Unis et du monde occidental. Des mérites justifiés plus récemment encore, alors qu’il prit le pouvoir en Géorgie, le pays natal où il avait été premier secrétaire du PC au temps de Brejnev.

Dans cette Transcaucasie ex-soviétique et toujours sous influence de la Russie, Chevarnadze a ouvert la voie à la présence militaire américaine et au chantier d’oléoduc Bakou-Tiblissi-Ceyhan (BTC) économiquement douteux aux yeux des compagnies pétrolières occidentales, mais politiquement capital pour les administrations Clinton puis Bush junior, vu qu’il développera l’exportation des pétroles de la Caspienne vers la Turquie et l’Occident sans plus passer par le territoire russe. Ces grands mérites de Chevarnadze n’ont pas suffi à lui conserver les sympathies américaines, au vu de l’incapacité du président géorgien à sortir le pays d’un marasme, redevable il est vrai à l’effondrement économique, social et national de la Géorgie depuis la fin de l’URSS.

Il y a eu d’abord, personne ne le rappelle, la dictature du premier chef indépendantiste Zviad Gamsakhourdia. J’ai bien connu ce personnage, ancien militant des Droits de l’Homme (groupe Helsinki) et prisonnier d’opinion sous Brejnev. Animateur des manifestations ultranationalistes de 1989 dont l’une entraîna la répression des forces de l’intérieur soviétiques le 9 avril 1989 (20 morts), jeu de provocations manifeste pour faire déraper la perestroïka de Gorbatchev, et faire basculer la population géorgienne dans le séparatisme. Témoin de ce basculement en 1989, mes entretiens avec Gamsakhourdia m’ont révélé le chef nationaliste, ethniciste et raciste, qui n’allait pas tarder à réprimer les autonomies ossète et abkhaze - mais ce dictateur était aussi pro-américain et antirusse, ce qui lui assurait les faveurs de l’Occident et de notre presse, cela va de soi. Il y eut ensuite la succession de guerres civiles entre le pouvoir géorgien et les minorités, en Abkhazie surtout, et au sein de la majorité géorgienne. Sous Chevarnadze, la paix est revenue, mais le redressement économique est minime, et la corruption et les luttes de clans empêchent la reconstruction d’un état. Or, les Etats-Unis ont besoin d’un état stable dans cette région déclarée pour eux "zone d’intérêts stratégiques". ( sous Clinton)

Les Etats-Unis ont donc lâché leur ami et soutenu l’opposition libérale-nationaliste, plus déterminée à faire partir les bases militaires russes, à intégrer la Géorgie à l’OTAN, à promouvoir l’axe pétrolier cher à Washington et les réformes que devrait inspirer le FMI.

Le coup d’état était certes parfaitement illégal, les procédés de l’opposition et leur ultimatum à Chevarnadze auraient pu dégénérer en guerre civile, compte tenu que "tout LE peuple géorgien" n’est PAS derrière cette opposition, et si le président sortant avait agi, par exemple, comme Boris Eltsine cannonnant ses opposants en 1993. Comparaison forcée certes : Eltsine avait alors l’appui de l’Occident, Chevarnadze ne l’a plus, et s’est retrouvé isolé, y compris de la Russie.
Mais c’est bien sûr grâce à lui qu’on est resté dans le "velours" et non, comme on l’a dit dans la presse, aux chefs nationalistes qui, tel Sakhachvili, s’est montré extrêmement virulent. On peut se réjouir d’avoir évité le bain de sang. Sous réserve de voir la suite. Car la Géorgie est divisée.

Ma question : hormis le fait que les Etats-Unis ont soutenu les opposants, y a-t-il assez d’indices pour soutenir la thèse, selon laquelle le coup d’état fut orchestré par les Etats-Unis ? Cette opinion est répandue à Moscou, mais le Kremlin n’a pas intérêt non plus à la soutenir, vu qu’il doit ménager le nouveau pouvoir mis en place, avec son aide, à Tbilissi.

L’un de ces indices est évidemment l’intervention financière (et technique) de Georges Soros. Mais pour qui roule Soros ? Pas pour Bush junior apparemment. Quels clans de l’établishment US et de la CIA sont-ils à l’oeuvre en Géorgie ?

Autre observation significative : la mobilisation contre Chevarnadze des médias occidentaux. Dans une touchante unanimité de commentaires et de sémantique, nos télévisions et principaux journaux ont parlé de "révolution de velours" , de "victoire de la démocratie", légitimant sans le moindre scrupule les méthodes musclées des assaillants du parlement géorgien. La désinformation était très grosse, vu qu’elle présentait les manifestations de Tbilissi comme l’expression "de tout le peuple géorgien" (ce qui est faux) et dissimulait tant les enjeux stratégiques que les intentions (les programmes) des opposants victorieux. On parle parfois de "radicaux", mais "radicaux" en quoi ? Sakhachvili a toutes les apparences d’un libéral de choc, mais également d’un nationaliste ethnique, flattant les sentiments chauvins. C’est, sauf bonne surprise, une mauvaise nouvelle pour les minorités, et sans doute pour le peuple géorgien lui-même, qui ne représente que 60% de la population géorgienne. Une relance des conflits inter-ethniques, une tentative de reconquête géorgienne des républiques et régions insoumises, à laquelle s’opposerait la Russie, risque d’entraîner la dislocation de la Géorgie. Voilà l’un des enjeux passé "inaperçu". Les commentaires désobligeants sont allés bon train pour l’ancien grand ami de l’Occident , certains allant jusqu’à comparer Chevarnadze à Milosevic et à Ceaucescu - était-ce plus ridicule qu’odieux ou inversément ? Que d’ingratitude et de bassesse, en tout cas !

On peut considérer que le soutien médiatique au coup d’état milite en faveur de la thèse de l’orchestration. Une telle unanimité des journalistes ne peut être le fruit du hasard.

Bref, sommes-nous en présence d’un nouveau coup de force des Etats-Unis et quelles en seront les conséquences à court terme ? Accessoirement, ne remarquez-vous pas l’"orwellisation" croissante de nos médias : partout au même moment les mêmes images, les mêmes commentaires, les mêmes mots, au service de la même stratégie géopolitique !

Jean-Marie Chauvier


© Copyright J M CHAUVIER 2003 For fair use only/ pour usage équitable seulement.


Source : http://globalresearch.ca

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COMMENTAIRES  

02/12/2003 16:49 par Anonyme

Georgie : difficile prise en main de l’ex-république soviétique par les Etats-Unis
Bien « drivé » par James Baker, ancien secrétaire d’Etat US et spécialisé depuis dans les actions de démantèlement de l’ex-empire soviétique, venu le conseiller sur place cet été, Saakashvilli, le jeune leader géorgien a réussi en Novembre l’opération qu’il avait ratée en Juin 2003 : l’occupation du Parlement et le départ du Président Chevardnadze. Ce départ a été suivi de nombreuses démissions de ministres et de dirigeants d’entreprises publiques. Craignant pour leur vie, ils n’ont pas indiqué où ils se réfugiaient.
Saakashvilli et ses amis US, soucieux de donner une apparence de légalité au nouveau régime, préparent donc des élections présidentielles pour le 4 Janvier 2004. Mais il reste un gros problème : sur le papier, la Georgie est une république, comme on dit, une et indivisible, mais trois provinces du pays n’obéissent pas au gouvernement central : l’Abkhazie à l’Ouest, l’Ossétie du Sud au Nord ( c’est un peu compliqué mais il y a aussi au Nord du Caucase une Ossétie du Nord qui fait partie de la Fédération russe) et l’Adjarie à l’Est.Les deux premières se sont proclamées indépendantes mais n’ont pas été reconnues comme états indépendants. Cela ne les empêche pas d’avoir fermé leurs frontières avec la Georgie et de mener leur vie. Cette situation déplait souverainement aux Etats-Unis qui sentent bien que la proie géorgienne va être difficile à maîtriser dans la mesure où les séparatistes ont de très bonnes relations avec la Russie. C’est pourquoi Colin Powell, qui participait à la Conférence de l’OSCE (organisation pour la sécurité commune en Europe) à Maastricht a mis la Russie en demeure de ne pas soutenir les séparatistes et lui a en même temps demandé de retirer ses troupes qu’elle maintient encore en Georgie et en Tansdniestrie (une province de la Moldavie).
Pendant les années 90, la Russie a été pour les Etats-Unis un partenaire militaire docile et a joué le jeu du désarmement. Aujourd’hui la politique agressive de Bush la conduit à réviser sa position : les troupes de l’OTAN campent à sa frontière occidentale et au Sud elle voit les armées locales et en particulier l’armée géorgienne passer sous contrôle US.Son raidissement est inévitable et la présidente du parlement géorgien qui assure l’intérim de la Présidence de la République s’est déclarée déçue de la raideur du ministre russe de la Défense qu’elle a reçu ces derniers jours. Les Etats-Unis ne le sont pas moins.
Le face à face militaire direct entre l’armée US et l’armée russe qui n’a jamais eu lieu pendant la guerre froide constitue un danger pour la paix.
Nous contacter comaguer@nomade.fr Nous lire : http://comaguermarseille.free.fr
Nous rencontrer : le lundi à 18 h chez Mille Bâbords 61 rue consolat 13001 Marseille
Nous écouter : sur Radio Galère (88.4 MHZ)
Chaque Jeudi à 12H : l’actualité internationale
Le second mercredi de chaque mois de 20 h à 21 h 30 : le dossier de Comaguer
prochaine émission : la Russie

19/12/2003 13:25 par Astamour

M. Jean-Marie, vous êtes un idiot ! Moi aussi, j’ai connu M. Zviad Gamsakhourdia. Un vrais intellectuel et dissident, il a conntribuer beaucoup d’effeurs dans l’éclatement de l’URSS, le fait considéré par vous comme un tentative d’affronter le perestroïka de Gorbatchov. A la différence de Gorbatchov et beaucoup de lideurs de l’Occident, Gamsakhourdia n’a jamais tué personne. Moscou a monté certains groupes corrumpus et communistes de nationalités géorgienne, abkhaze, osete... contre l’indépendance de la Géorgie. Gamsakhourdia n’a jamais expulsé des immigrés de Géorgie (comme votre Nicolas Sarkozy (de Pas-de Calais, de l’Aéroport de CDG, etc), il n’a jamais tenu des propos contre les voiles qui portent les étudiantes musulmanes en Géorgie (comme votre "démocrate" Jacques Chiraque), il n’a jamais torturé des chefs des indépendantistes abkhazes ou ossètes (comme c’est le cas avec le nationaliste basque Duguy et co), il n’a jamais interdit de parler dans une autres langues en Géorgie. Il s’est adressé aux abkhazes, manipulés par Moscou, en langue abkhaze (M. Chiraque ne s’adressera jamais aux Corses en corse, parse que vous êtes en gros, des rasistes). On ne frappent pas les juifs en Géorgie, ni dans l’école, ni ailleur, on n’y vois pas les Géorgiens dans les buraux comportables, d’une part, et les "etrangers" et les noires dans les chantiers, comme on le voie partout en France. Gamsakhourdia a donné la citoyeneté de Géorgie postcommuniste à tous les anciens citoyens de la Géorgie communiste alors qu’en France persone n’obtient la nationalité française sans connaissance du français. La vrais dictature se manifeste en France et non en Géorgie qui compte 300.000 refugiés et tous en sont... les Géorgiens. Oui, oui, il n’y a pas en Géorgie des réfugiés non-géorgiens. Et aussi, la Géorgie ne soutient pas les regimes dictatoriaux. Et Vous, vous avez peut-être participé dans les manifestations contre la guerre en Iraque. Vous avez peut-être porté les portraits de vos deux bien-aimés : ceux de M. Chiraque et de Saddam. On avait honte pour la France à l’époque. Reglez d’abord vos problèmes avec les Basques, les Corses, Les Bretons, les Elsassiens et d’autres encore et c’est après que vous pouvez critiquer la Géorgie. Le monde change, le vieux éuropéen, devenez un vrais démocrate et rejeter vos idées racistes, neo-bolcheviques et antiaméricanistes. Un Conseil : Ne touchez pas vos sals mains le pays de Toison d’or, il n’a pas besoin de conseil d’un chauvin français. Mes amitié à votre copin, M. Le Pen. Astamour. Soukhoumi.

27/03/2005 22:05 par Anonyme

Réponse à Astamour : en premier lieu, soyez reconnaissant envers le pays qui accueille des milliers de vos compatriotes.
Deuxièment, vous oubliez le slogan apparu sous Gamsakhourdia : " la Géorgie pour les Géorgiens". Tous vos présidents sont des racistes exemplaires avec une volonté de "kartvelisation" du pays et l’appropriaton systématique des monuments culturels des autres peuples vivant sur le territoire de la Géorgie actuelle. Et tout cela se passe sous le couvert de la "Toison d’or" des slogans démocratiques. Ces slogans semblent quelque peu contradictoires dans un pays où les chauffeurs de taxi ont dans leur véhicule accroché le portrait du "Petit Père des Peuples", sans compter les autres adeptes qui vénèrent ouvertement l’un des plus sanglants dictateurs du 20ème siècle. Cette reconnaissance est bien sûr compréhensible, il a offert en son temps à la République Socialiste Soviétique de Géorgie au minimum quatre régions peuplées de population non-géorgienne.
Et maintenant vous vendez petit à petit votre pays au loup américain et à son compère le chacal turc qui jouent avec vous au chat et à la souris. Mais prenez-garde, les loups et les chacals aiment goulûment bien ceux qui portent les toisons.

PS à l’attention de Jean-Marie Chauvier : J’ai beaucoup aimé votre article et je voulais répondre à l’affront.

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