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Israël : quelques années de plus, quelques juifs de moins

Tasja Villegas n’a pas encore décidé où elle cherchera un logement, mais dans quelques semaines elle devra abandonner les allées arborées et le calme de Ra’anana et trouver où s’installer définitivement dans l’Etat qui l’a accueillie à bras ouverts, Israël. Tasja a 28 ans, les cheveux pris dans un foulard sombre et la jupe longue typique des femmes orthodoxes ; elle a accompli l’aliyah (montée), le retour à l’Eretz Israël biblique, la veille du 60ème anniversaire de la fondation de l’Etat d’Israël. La jeune femme a quitté la petite communauté juive de Copenhague (2.000 membres environ) « où il n’y avait même pas un restaurant ni un seul magasin de produits de notre tradition », et elle est arrivée dans le centre d’intégration de la petite ville côtière d’Israël où, avec les 360 autres hôtes, elle dispose de six mois pour s’adapter à la nouvelle réalité.

« Au Danemark, l’antisémitisme, de la part des arabes, est en train d’augmenter », déclare-t-elle en poussant le berceau de son sabra (juif né en Israël, NdT) vers l’entrée d’une des deux ailes des appartements immergés dans la verdure.

Comme pour des milliers d’autres citoyens, le voyage de Tasja a commencé grâce à un shaliach, un émissaire de l’Agence juive (Jafi) qui l’a aidée à expédier toutes les formalités d’immigration. La Jafi a payé le billet d’avion pour elle et pour son mari, et lui a fourni un appartement à prix politique, avec cours d’hébreu intensif (cinq heures quotidiennes, six jours par semaine) et crèche gratuite, plus le « panier d’intégration », une sorte d’allocation chômage en attendant qu’elle trouve un travail -avec l’aide de volontaires qui lui expliqueront comment monter un CV. « Le centre d’intégration leur garantit un atterrissage souple en Israël, parce que chacun a sa personnalité, et des exigences différentes », explique Ruth Berkovitch, directrice de la structure de Ra’anana, un des 35 centres, dans le pays, gérés par la Jafi. « En ce moment nous avons des gens de 26 pays et 11 langues : l’apprentissage de l’hébreu est le premier obstacle à franchir ».

En 1950, le parlement israélien vota la loi du retour (pour les juifs, NdT) : « Tout juif a le droit de venir dans ce pays comme un Oleh » (celui qui a fait l’aliyah, NDR), proclame le premier article de la loi qui a donné la citoyenneté israélienne à des millions d’immigrés, parmi lesquels des survivants des camps d’extermination nazis. L’Agence juive revendique avoir amené en Israël plus de trois millions de personnes. « Pour qu’Israël survive et s’épanouisse en une société juive et démocratique (italiques de la traductrice), l’aliyah reste un impératif. Israël doit devenir un foyer pour un plus grand nombre de juifs », affirme la Jafi sur son site Internet.

Depuis la fin de ce qu’Israël appelle Guerre d’indépendance et les Palestiniens Naqba -la destruction de 400 villages environ et l’exode de plus de 750.000 personnes qui devinrent des réfugiés (l’auteur n’a pas mentionné le nombre d’habitants palestiniens assassinés, comme dans les massacres de Deir Yassine et Kafr Kassem ; voir Mémoire d’un enfant palestinien de la Naqba de 1948, http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6114 - NdT) , l’Etat juif a systématiquement refusé aux Palestiniens le droit au retour qui, selon tous les gouvernements successifs de Tel Aviv, entraînerait la fin de l’Etat juif.

La résolution 194 des Nations Unies, votée le 11 décembre 1948, alors que le conflit entre les armées arabes et celles d’Israël était encore en cours « stipule que les réfugiés qui veulent revenir dans leurs maisons et vivre en paix avec leurs voisins devraient pouvoir le faire le plus tôt possible et qu’une compensation pour leurs propriétés devrait être payée à ceux qui choisissent de ne pas revenir ».

Les politiques démographiques - principal sujet d’affrontement avec les Palestiniens, avec la possession de la terre - sont depuis toujours une obsession de l’Etat juif. Quelque chose s’est cependant enrayée dans cette organisation que Théodor Herzl, l’idéologue du sionisme moderne, avait ébauchée, dès son ouvrage « L’Etat juif », comme « Society of jews », et qui a été le moteur de l’immigration juive en Palestine.

L’Agence juive, qui opère depuis le mandat britannique sur la Palestine (1920-1948) en tant que gouvernement, de fait, du mouvement sioniste, et outil de la colonisation de la Palestine, a annoncé à la fin de ce mois de mars la fermeture prochaine de son Département (historique) pour l’immigration et l’intégration, mesure qui ferait partie d’un plan de restructuration radical. Quand ceci adviendra, la Jafi, de fait, baissera ce qui pendant des dizaines d’années a été son pavillon.

En 2007, moins de 20 mille personnes (6% de moins que l’année précédente) ont immigré en Israël, chiffre le plus bas depuis 1989. Les estimations pour cette année 2008 parlent d’une chute ultérieure, avec 15.000 arrivées prévues. Le ministre de l’intégration, Jacob Edery, a déclaré que « la diminution de l’aliyah devrait être une sonnette d’alarme pour nous tous. Nous devons faire tout notre possible pour l’accroître, de façon à insuffler de la vie dans l’entreprise sioniste qui est si importante pour l’histoire de l’Etat ».

« Les problèmes pour les juifs dans le monde sont en train de diminuer -commente Berkovich tandis qu’elle nous montre comme il est facile, par un seul escalier, d’accéder aux salles de classe depuis les chambres du centre d’intégration- mais l’immigration a toujours eu ses cycles : en ce moment, par exemple, ils arrivent de France, où il y a une recrudescence d’antisémitisme ( ?, NdT) ». Analyse sans concessions de l’Agence globale de nouvelles du peuple juif (Jta) : « Le coeur du problème est que l’immigration par nécessité s’est en grande partie épuisée, écrit Dina Kraft. Les juifs du monde arabe ont fui en Israël dans les années 50, les Russes sont arrivés dans les années 90, et les Ethiopiens pendant ces 25 dernières années ». « Il y a des juifs en Occident qui vivent à l’aise dans des pays pluralistes qui leur donnent des opportunités économiques et sociales jamais expérimentées, et qui les laissent pratiquer leurs traditions », explique, à la Jta, Uzi Rebhun, démographe à l’Institut de judaïsme contemporain de l’Université juive de Jérusalem.

Mais la Jafi est aussi prise à partie par des groupes privés qui, comme l’a écrit Anshel Pfeffer dans une enquête sur Haaretz - « sont en train d’amener des milliers d’immigrés en Israël, en compromettant le monopole pluri décennal de l’Agence. Et les donateurs américains font pression pour de grosses réformes dans sa gestion ». « Les organisations privées étasuniennes ne peuvent pas être comparées à la Jafi », s’emporte Berkovich, à ma demande d’éclaircissements sur ce point- « parce qu’ils ne travaillent qu’aux Usa et pour convaincre des juifs à émigrer ils ne leur donnent qu’un paquet d’argent, et pas les informations, la connaissance que nous fournissons nous ».

« Malgré la mission fondatrice du pays - a dit Rehbun - 60 ans après la fondation de l’Etat, un peu plus de la moitié des juifs vit encore hors d’Israël », où les derniers chiffres du Bureau central de statistique ont enregistré 5.349.600 citoyens juifs. Mais l’Agence juive prépare déjà les parades : éduquer les juifs de la Diaspora par des cours de formation capables de « construire » un lien avec Israël pour leur donner envie d’immigrer, mais aussi des solutions plus radicales : comme des visas d’entrée spéciaux pour ceux qui veulent « explorer » l’idée de l’aliyah en vivant en Israël pendant quelques mois. Ou bien « l’aliyah flexible », grâce à laquelle l’immigré peut partager son temps entre Israël et la Diaspora. Par exemple en travaillant à New York et en priant à Jérusalem.

Edition de dimanche 4 mai 2008 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/04-Maggio-2008/art49.html

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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