RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Julian Assange seul face au silence médiatique

Il était une fois un informaticien lanceur d’alerte qui, avec une poignée de cyber-activistes, avait fondé un média d’information – Wikileaks – révélant au monde entier des crimes de guerre, des intrigues géopolitiques et des stratégies d’espionnages de grande ampleur.

Il était une fois Julian Assange.

Aujourd’hui, l’informaticien vit reclus dans l’ambassade d’Équateur à Londres. Il ne peut ni sortir – il serait immédiatement arrêté par la police britannique et probablement extradé vers les États-Unis où une lourde peine de prison l’attend –, ni rester indéfiniment dans l’ambassade car ses conditions « d’hébergement » sont délétères (pièce exiguë, sans lumière du jour, visites restreintes) et sa santé se dégrade – d’ailleurs l’Équateur a prévenu : si l’examen de santé est négatif, il devra de toute façon quitter l’ambassade pour se faire soigner dans un hôpital.

Mais qu’est-il reproché au juste à Julian Assange ? Simplement d’avoir dévoilé des faits réels. Et il l’a fait en prenant des risques.

De nombreux médias – sans prendre de risque, eux – ont relayé les principaux faits publiés par WikiLeaks. Par exemple ceux-ci :

- Du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2009, la guerre en Irak a fait environ 110 000 morts irakiens pour cette période, dont 66 000 civils, et les troupes américaines auraient livré plusieurs milliers d’Irakiens à des centres de détention pratiquant la torture.

- Dans le camp de Guantánamo, plus de 150 innocents d’origine afghane et pakistanaise ont été détenus des années.

- Trois présidents français, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande, ont été espionnés sur écoutes par la NSA (National Security Agency).

- Etc.

Pourtant, certains de ces mêmes médias et quelques partis de gauche (en particulier les Démocrates aux États-Unis) se focalisent sur une révélation faite par Wikileaks : la publication des emails piratés de la campagne de Hillary Clinton. « Estimant que cette affaire a favorisé les desseins russes et l’élection de M. Trump, rapporte Serge Halimi dans Le Monde Diplomatique [1], [la gauche] oublie que WikiLeaks a alors dévoilé les manœuvres de la candidate démocrate pour saboter la campagne de M. Bernie Sanders durant les primaires de leur parti. À l’époque, les médias du monde entier ne s’étaient pas privés de reprendre ces informations, comme ils l’avaient fait pour les précédentes, sans pour autant que leurs directeurs de publication soient assimilés à des espions étrangers et menacés de prison. »

Les cyber-militants auraient en creux contribué à la défaite du camp Clinton au profit de Trump… Pourtant ces révélations étaient des faits réels, objectifs, qui ne servaient que la vérité. Des « vraies informations », en somme.

Pas des « fake news » comme celles par exemple diffusées par le très sérieux Guardian en Grande Bretagne. En effet, le quotidien – plutôt classé à gauche, et dont le travail aux côtés des lanceurs d’alerte (comme avec Edward Snowden) avait été jusqu’alors irréprochable – s’est fait le relai d’une rumeur : l’ancien directeur de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, aurait visité secrètement Assange à trois reprises à l’ambassade de l’Équateur à Londres. Or les faits sont troubles, et l’affaire vaseuse. Rapidement démentie – preuves à l’appui – par les deux intéressés, le quotidien britannique rétropédale et propose une version plus évasive sur son site Internet concernant la véracité de ces informations. Mais c’est trop tard, car cette « rumeur » a déjà fait des petits dans la presse française – puisque l’emploi du conditionnel n’est même pas d’usage pour certains médias (« Manafort, le directeur de campagne de Trump, a rencontré secrètement Assange » pour L’Obs) – et internationale.

Condamné d’avance par les différents gouvernements de son pays d’origine – l’Australie –, assuré de finir ses jours au fond d’une geôle aux États-Unis, menacé d’être lâché par le nouveau pouvoir en Equateur (un temps soutenu par Rafael Correa, il ne fait pas – du tout - l’unanimité auprès du nouveau gouvernement), il est honni par la Grande Bretagne (embarrassée de sa présence sur son territoire) et l’Espagne (puisqu’il a soutenu l’indépendance de la Catalogne) [2]… Pis, Assange est aujourd’hui oublié par ceux qui ont relayé les informations de WikiLeaks depuis une douzaine d’années et ne peut désormais compter que sur une poignée de soutiens dans le monde.

À travers lui, ce sont les conditions d’existence même des lanceurs d’alerte qui sont en jeu aujourd’hui : leurs conditions d’expression – toujours contraintes – et leurs protections contre les poursuites ou les persécutions – toujours restreintes.

Accepter cela, et les laisser vivre ainsi, revient à accepter qu’un pays seul puisse dicter à ses alliés et au monde entier quelles sont les « bonnes » et les « mauvaises » informations.

Tous ces lanceurs d’alerte ont-t-ils eu raison de révéler au monde les systèmes d’espionnage intrusif et mondialisé mis en place par les États-Unis, les comptes détaillés des grandes entreprises implantées dans les paradis fiscaux, les crimes de guerre non punis, etc. ?

Oui. Ils ont eu raison. Et les faire taire ne nous empêchera pas de les soutenir. Au contraire.

Il était une fois un informaticien lanceur d’alerte qui, avec une poignée de cyber-activistes, avait fondé un média d’information – WikiLeaks – révélant au monde entier des crimes de guerres, des intrigues géopolitiques et des espionnages de grande ampleur.

Il était une fois Julian Assange.

Mathias Reymond

»» https://www.acrimed.org/Julian-Assange-seul-face-au-silence-mediatique
URL de cet article 34310
  

Même Thème
La traque des lanceurs d’alerte
Stéphanie Gibaud
Préface de Julian Assange Les lanceurs d’alerte défrayent l’actualité depuis une dizaine d’années. Edward Snowden, Chelsea Manning et Julian Assange sont révélateurs des méthodes utilisées pour faire craquer ceux qui ont le courage de parler des dysfonctionnements et des dérives de notre société. Pourtant, ces héros sont devenus des parias. Leur vie est un enfer. Snowden est réfugié en Russie, Assange dans une ambassade, Manning était en prison, Stéphanie Gibaud et bien d’autres sont dans une situation (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

La contribution la plus importante d’Obama a été d’embellir, de vendre à l’opinion publique et de prolonger les guerres, et non de les terminer. Ils l’ont bien vu pour ce que sont réellement les présidents américains : des instruments permettant de créer une marque et une image du rôle des États-Unis dans le monde qui puissent être efficacement colportées à la fois auprès de la population américaine et sur la scène internationale, et plus précisément de prétendre que les guerres barbares sans fin des États-Unis sont en réalité des projets humanitaires conçus avec bienveillance pour aider les gens - le prétexte utilisé pour justifier chaque guerre par chaque pays de l’histoire.

Glenn Greenwald

Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.