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L’affaire WikiLeaks est une menace pour tous les journalistes (Counterpunch)

Le ministère de la Justice a préparé des accusations criminelles contre le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, et travaille en coulisse pour le faire extrader vers les États-Unis. La liberté de la presse et le droit à la dissidence pourraient être en jeu.

Les accusations criminelles ont été révélées accidentellement la semaine dernière lorsque le nom d’Assange a été trouvé dans le dossier d’une affaire sans rapport, ce qui donne à penser que les procureurs avaient copié un texte standard et oublié de changer le nom de l’accusé.

Barry Pollack, un avocat américain de l’équipe d’Assange, a déclaré au New York Times : "La nouvelle que des accusations criminelles ont apparemment été portées contre M. Assange est encore plus troublante que la manière désordonnée dont cette information a été révélée. Et il a ajouté : " Le gouvernement qui porte des accusations criminelles contre quelqu’un pour avoir publié de l’information véridique est une pente dangereuse pour une démocratie".

Assange est réfugié à l’ambassade de l’Équateur à Londres depuis 2012, après avoir demandé une protection contre les allégations d’agression sexuelle en Suède [(*) inexact. voir note - NdT]. Bien que le mandat d’arrêt initial ait été révoqué depuis, si Assange quitte l’ambassade, il court le risque d’être appréhendé par les autorités britanniques et extradé vers les États-Unis, un processus grandement facilité par les récentes accusations criminelles (*).

"Utiliser la liberté d’expression contre nous"

Le gouvernement US cible WikiLeaks et Assange depuis des années. Un document confidentiel de l’armée US de 2008 recommande des "actions en justice" et des attaques contre les moyens de subsistance et la réputation des "initiés, fugitifs ou lanceurs d’alerte actuels ou anciens" liés à WikiLeaks afin d’"endommager ou détruire" la "confiance" en l’organisation.

WikiLeaks a connu un bref apogée parmi les Républicains lorsqu’ils ont publié des courriels piratés du Comité national démocratique (DNC) pendant l’élection présidentielle de 2016. Le candidat de l’époque, Donald Trump, a mentionné WikiLeaks plus de 160 fois au cours du dernier mois de la campagne, la qualifiant d’ "incroyable" et disant "Nous aimons Wikileaks. Wikileaks. Ils ont révélé beaucoup de choses."

Au cours de la campagne, Roger Stone, conseiller de Trump, s’est souvent vanté d’être lié à WikiLeaks, affirmant même avoir dîné avec Assange [Stone a déclaré qu’il s’agissait d’une plaisanterie en réponse à quelqu’un qui lui demandait s’il connaissait personnellement JA - NdT]. Quelques jours avant le déversement des courriels piratés de la campagne Clinton, Stone a tweeté, " J’ai confiance que @wikileaks et mon héros Julian Assange vont bientôt éduquer le peuple américain #LockHerUp."

Donald Trump Jr. a été en contact répété avec WikiLeaks pendant l’élection présidentielle de 2016, et Mike Pompeo, alors membre du Congrès, a ouvertement encouragé ses adeptes des médias sociaux à visiter le site WikiLeaks pour obtenir les "preuves" de diverses allégations contre Hillary Clinton.

Mais c’est une chose de révéler des informations sur le DNC et une autre d’exposer dans sa totalité un programme de piratage de la CIA avec des implications d’espionnage domestique – et c’est exactement ce que WikiLeaks a fait en mars 2017 avec sa publication Vault 7. Un mois plus tard, des informations ont fait état de la préparation par les autorités américaines d’accusations contre Assange, le ministre de la Justice Jeff Sessions qualifiant son arrestation de "priorité".

Après avoir été placé à la tête de la CIA au début de 2017, Mike Pompeo a activement commencé à cibler Assange. Dans son premier discours public en tant que directeur de la CIA, Pompeo a qualifié WikiLeaks de "service de renseignement hostile non étatique", ajoutant que "nous ne pouvons plus laisser à Assange et à ses collègues la latitude d’utiliser contre nous les valeurs de liberté d’expression".

"Utiliser les valeurs de la liberté d’expression contre nous" ? Au temps pour le Premier Amendement.

La loi sur l’espionnage

M. Assange a obtenu la citoyenneté équatorienne à la fin de 2017, peut-être dans le cadre d’un plan secret visant à le réinstaller en Russie en 2018 [nié par Wilikeaks. L’auteure se fie un peu trop aux grands médias - NdT]. Cependant, le ministère britannique des Affaires étrangères a bloqué ce plan, de sorte qu’Assange reste à Londres.

La situation est intenable. Le président équatorien Lenín Moreno considère Assange comme un "problème hérité" qui a des répercussions sur les relations du pays avec les États-Unis. Pour l’Équateur, il pourrait s’agir d’une base militaire et d’un prêt du Fonds monétaire international.

La récente action en justice d’Assange contre les nouvelles conditions d’asile a été rejetée par un tribunal équatorien. Pendant ce temps, sa santé se détériore, ce qui équivaut à un isolement cellulaire sans accès à la lumière du soleil ou à l’air frais. Son contact avec le monde extérieur reste très limité.

Bien que les accusations criminelles exactes récemment portées contre Assange demeurent secrètes, la principale question est de savoir si WikiLeaks est présentée comme une organisation de presse méritant la protection du premier amendement ou plutôt comme un agent d’un gouvernement étranger.

Si le ministère de la Justice adopte cette dernière approche, il est probable qu’une loi anti-communiste datant de la Première Guerre mondiale sera utilisée contre Assange. Destinée à l’origine contre les espions, la loi sur l’espionnage a connu une renaissance sous le président Obama, qui l’a utilisée plus que toutes les administrations précédentes réunies - généralement pour poursuivre les fonctionnaires du gouvernement qui avaient parlé aux journalistes.

L’ACLU qualifie la loi sur l’espionnage de "fondamentalement injuste et inconstitutionnelle " qui traite les lanceurs d’alerte - qui dénoncent des violations des droits civils - comme des espions - qui vendent des documents préjudiciables à des dictateurs étrangers. La Loi permet de classer rétroactivement les fuites dans la catégorie « classifiées », et ce avec peu de justification.

Elle rend également presque impossible la défense juridique des lanceurs d’alerte. Comme l’a écrit Jesselyn Radack, directrice du programme de protection des lanceurs d’alerte et des sources à ExposeFacts, dans un éditorial de 2014 intitulé "Why Edward Snowden Wouldn’t Get a Fair Trial" : "Les arguments du Premier Amendement n’auraient plus cours, en grande partie parce qu’ils veulent criminaliser le journalisme rendu possible par les " fuites ". Le motif et l’intention du lanceur d’alerte ne sont pas considérés comme pertinents. Le lanceur d’alerte n’a pas de défense, ce qui signifie que la valeur publique du matériel divulgué n’a aucune importance."

Les enjeux de l’extradition

S’il est extradé vers les États-Unis, qu’il soit poursuivi en vertu de la loi sur l’espionnage ou non, Assange pourrait devenir un mort en sursis.

L’ancien président de la Chambre des Représentants (Assemblée Nationale - NdT), Newt Gingrich, a déclaré qu’Assange devrait être traité comme un combattant ennemi, tandis qu’Hillary Clinton s’est demandée s’il pouvait être tué par un drone.

Pompeo a recommandé la peine de mort pour le dénonciateur Edward Snowden. Trump a plaisanté sur le meurtre de journalistes.

Rush Limbaugh, l’animateur de Fox, a suggéré qu’Assange "mourrait d’un empoisonnement au plomb causé par une balle dans la tête et personne ne saurait qui l’y a mis !" Bob Beckel, commentateur de Fox, a déclaré : "Les morts ne peuvent pas faire de fuites... il n’y a qu’un seul moyen de le faire : tuer illégalement ce fils de pute."

La mère d’Assange [qui a très récemment déclaré sans explications qu’elle se retirait de la campagne pour libérer son fils, sans autre commentaire - NdT] "frissonne" à l’idée de ce que la directrice de la CIA "Bloody Gina" Haspel pourrait faire à son fils. Lors d’une récente interview, Christine Assange a déclaré : " Une fois aux États-Unis, la National Defense Authorization Act autorise la détention illimitée sans procès. Julian pourrait très bien être détenu à Guantanamo Bay et torturé, condamné à 45 ans de prison de haute sécurité, ou risquer la peine de mort."

En février 2018, quelques semaines avant que son accès Internet ne soit coupé, Assange a participé au festival autrichien Elevate. Par le biais de la vidéoconférence, il a fait référence à la "Doctrine de Pompeo" de la criminalisation des partisans de la transparence comme une "menace sérieuse pour la presse".

Assange a déclaré que les autorités utilisaient sa situation comme une "dissuasion générale " et a ajouté que " plus la société et l’économie sont développées, plus habile elle devient pour installer cette peur sans recourir à des assassinats ". Il a conclu en observant que ceux qui ont le luxe de vivre en paix doivent voir au-delà des " illusions de la peur afin de s’assurer que ces gens dans d’autres pays ne soient pas confrontés à la réalité de la guerre ".

Heather Wokusch

Heather Wokusch est une auteure et éducatrice basée en Europe. On peut la joindre à l’adresse www.heatherwokusch.com.

Traduction "la désinformation a été tellement efficace que même les défenseurs de JA se laissent prendre..." par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.


(*) Une légende qui a la vie dure.

RAPPEL : Julian Assange n’a jamais été accusé d’agression sexuelle, mais à fait l’objet d’une "enquête" suite à un rapport sexuel (consentant) présumé "sans préservatif" - ce qui se traduit en droit suédois par une "agression sexuelle" pour ensuite être traduit dans la grande presse par "viol". Deux mois plus tard, l’affaire fut close et Julian Assange fut autorisé à quitter la Suède. Avis donc aux nombreux trolls qui sévissent dans les réseaux sociaux : il n’a jamais "fui la justice suédoise". Le mandat d’arrêt initial, mentionné par l’auteure, fut lancé par un autre procureur suédois après le départ de Julian Assange - et peu de temps après la publication par Wikileaks de la fameuse vidéo "Collateral Murder" - qui voulait revenir sur l’affaire et le "questionner".

Mais, la découverte par Wikileaks

1) d’une inculpation "sous scellé" (donc secrète, donc non publique) aux Etats-Unis (confirmée récemment avec 10 ans plus retard) et
2) d’un accord d’extradition entre la Suède et les Etats-Unis de simples témoins (càd de personnes qui ne sont pas inculpées)

faisaient craindre le pire pour Julian Assange, qui a demandé la garantie de ne pas être extradé vers les US s’il se rendait en Suède. Refusée. Il a ensuite demandé d’être interrogé à distance (pratique courante de la justice suédoise). Refusé. Puis mandat d’arrêt international (niveau "rouge" !) puis arrestation en GB d’où il peut être extradé "sans preuves" (sic) vers les Etats-Unis.

»» https://www.counterpunch.org/2018/1...
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"This book shows why the Julian Assange case is one of the most important press freedom cases of this century or any other century."—James C. Goodale, former Vice Chairman and General Counsel of The New York Times. “I think the prosecution of him [Assange] would be a very, very bad precedent for publishers … from everything I know, he’s sort of in a classic publisher’s position and I think the law would have a very hard time drawing a distinction between The New York Times and WikiLeaks.” (…)
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"Si les Etats-Unis voyaient ce que les Etats-Unis font aux Etats-Unis, les Etats-Unis envahiraient les Etats-Unis pour libérer les Etats-Unis de la tyrannie des Etats-Unis"

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