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L’Ambassadeur Matlock : depuis 1991, l’Occident a trahi ses engagements envers la Russie

Le 6 septembre, lors de sa prise de parole à la 66e réunion hebdomadaire de la Coalition internationale pour la paix (IPC), l’ancien ambassadeur des États-Unis à Moscou de 1987 à 1991, Jack Matlock a expliqué comment les Occidentaux ont trahi leurs engagements envers la Russie. En tant que diplomate de haut rang et fin connaisseur de la Russie, il a eu à gérer les années les plus tumultueuses de la guerre froide, notamment lors de la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’URSS.

Question : Pourriez-vous nous dire, du point de vue de votre expérience - parce que vous étiez en poste à l’époque de la chute du mur, puis vous êtes arrivé sous l’administration Reagan et vous avez négocié une sortie positive de cette crise. Comment se fait-il que nous, les Occidentaux, ayons trahi cet accord, et qu’est-ce que cela signifie pour le monde ?

Jack Matlock : Si vous parlez de l’engagement de ne pas étendre l’OTAN à l’Est, oui, je dirais que mon secrétaire d’État, M. [James] Baker, et le ministre allemand des Affaires étrangères [Hans-Dietrich Genscher], le Premier ministre britannique [John Major] ont tous donné l’assurance à Gorbatchev que s’il approuvait la réunification allemande, il n’y aurait pas d’expansion de l’OTAN.

À un moment donné, le secrétaire d’État Baker a même déclaré qu’en supposant qu’il n’y ait pas d’expansion de l’OTAN, « pas d’un pouce », ne serait-il pas préférable d’avoir une Allemagne unie au sein de l’OTAN ? Gorbatchev a répondu qu’il était évident qu’aucune expansion n’était permise. Mais il a ajouté qu’il pouvait comprendre que nous voulions conserver l’OTAN même avec une Allemagne unie.

Lorsqu’il s’est agi de rédiger les traités, cela n’a pas été inclus dans les traités formels. Il s’agissait, je dirais, de promesses diplomatiques. Je dirais que cette promesse a été faite sur la base d’une déclaration préalable du premier président [George Herbert Walker] Bush (père), qui avait convenu, lors de sa rencontre avec Gorbatchev à Malte, que si l’Union soviétique s’engageait à ne pas utiliser la force en Europe de l’Est pour empêcher le changement politique - c’est-à-dire la démocratisation - et que le président Bush s’engageait à ce que nous ne tirions pas parti de la démocratisation, il n’y aurait pas de changement politique. Le contexte était donc assez clair : Gorbatchev pensait avoir l’assurance qu’il n’y aurait plus d’expansion de l’OTAN.

Lorsque l’accord officiel a été conclu, une exception a été faite pour le territoire de l’ex-Allemagne de l’Est, qui a été autorisé à faire partie de l’OTAN, mais sans que des troupes étrangères ou des armes nucléaires n’y soient stationnées. C’est ce qui a été formellement inscrit dans le traité.

Permettez-moi d’ajouter que pour la Russie, le problème n’est pas tant l’expansion de l’OTAN que le fait que les États-Unis garantissent la sécurité. En d’autres termes, le fait que les États-Unis garantissent effectivement la sécurité. Ce à quoi ils se sont le plus opposés - et cela nous a été signalé dans les années 1990 - c’est le stationnement de bases américaines ou d’autres bases occidentales dans ces pays. Nous devons donc nous rappeler que le président Poutine ne s’est pas opposé à l’expansion initiale de l’OTAN - il n’était pas Premier ministre à l’époque - mais l’expansion supplémentaire aux trois pays baltes, lorsque cela a été proposé, il était à New York lors d’une réunion du Council on Foreign Relations (CFR), je crois que c’était cela. Je lui ai demandé directement ce qu’il pensait de l’extension de l’OTAN aux trois pays baltes. Il a répondu qu’il pensait que ce n’était pas nécessaire, mais que tant qu’il n’y avait pas de bases, il n’y voyait pas d’objection.

Le problème a donc été la combinaison des deux politiques. En même temps, il était très clair que l’attitude de Moscou à l’égard de l’OTAN serait différente envers d’un côté les pays d’Europe de l’Est et les États baltes et de l’autre envers les anciennes républiques soviétiques reconnues comme telles par les États-Unis et d’autres.

L’idée d’étendre l’OTAN à la Géorgie, à l’Ukraine ou à la Biélorussie aurait donc constitué une ligne rouge pour tout président russe. Et je dois dire que le gouvernement russe a respecté les frontières qui avaient été convenues jusqu’à ce que l’extension de l’OTAN est lancée et que certaines puissances occidentales tentent d’interférer dans la politique de l’Ukraine. Quiconque comprend l’histoire de cette question, qui est très complexe, comprendra que les Russes s’y opposent.

Cela ne veut pas dire que ce qui s’est passé est bon, ou que je suis d’accord pour dire que cela aurait dû se produire. Mais je pense que ce que nous devons comprendre, c’est que l’expansion de l’OTAN, et en particulier les bases - et dans ce cas, il s’agissait des bases qui étaient prévues en Pologne et en Roumanie pour les missiles anti-balistiques. Il s’est avéré que même s’il s’agissait d’armes défensives, elles pouvaient facilement être converties en armes offensives. Il était donc compréhensible que le dirigeant russe s’y oppose.

Pourtant, on est passé outre et, après nous être progressivement retirés de pratiquement tous les accords de contrôle des armements que nous avions négociés dans les années 1980 et au début des années 1990, nous avons commencé à essayer d’influencer le gouvernement ukrainien et à lui proposer d’adhérer à l’OTAN.

Je pense donc qu’il s’agit là d’un renversement complet de la diplomatie que nous avons utilisée pendant la guerre froide pour mettre fin aux menaces nucléaires qui pesaient sur l’Europe....

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Georges Séguy. Résister, de Mauthausen à Mai 68.
Bernard GENSANE
Il n’a jamais été le chouchou des médias. Trop syndicaliste, trop communiste, trop intransigeant à leur goût. Et puis, on ne connaissait même pas l’adresse de son coiffeur ! Seulement, à sept ans, il participe à sa première grève pour obtenir la libération de son professeur qui a pris part aux manifestations antifascistes de Février 34. Huit ans plus tard, à l’âge de quinze ans, il rejoint les rangs de la Résistance comme agent de liaison. Lui et les siens organisent de nombreuses évasions (…)
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Le plus troublant pour moi était la soif de meurtre témoignée par les membres de l’US Air Force. Ils déshumanisaient les personnes qu’ils abattaient et dont la vie ne semblait avoir aucune valeur. Ils les appelaient "dead bastards" et se félicitaient pour leur habilité à les tuer en masse.

Chelsea (Bradley) Manning

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