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Le Hezbollah : parti politique ou organisation terroriste ?


[Deux articles à la suite.]


L’ Humanité, 20 juillet 2006.


L’alliance du Hezbollah avec le général Aoun, et non la capture de deux soldats, est sans doute l’élément déclencheur de l’offensive israélienne.


La force du Hezbollah (« le parti de Dieu », en arabe), fondé en 1982 en pleine guerre civile, réside dans l’opacité qui structure ce parti. « La résistance islamique au Liban ne dispose pas de bases militaires, ni de casernes », affirmait son leader Hassan Nasrallah. Les effectifs de sa branche militaire ne sont pas connus. Son budget est tenu secret. Et le type d’armes dont il dispose n’est pas dévoilé.

Ce mouvement politico-religieux chiite est le produit d’un double mouvement identitaire et politique. Identitaire, parce qu’il a réussi à exploiter le fait que les chiites, qui - représentent près du tiers de la population, ont longtemps vécu sous un statut de seconde classe et que le parti Amal de Nabih Berri, miné par la corruption, ne défendait pas les intérêts de cette communauté. Politique, rassemblant plusieurs tendances - le « Amal islamique » (une dissidence d’Amal) et la branche libanaise du parti Daâwa -, il va rapidement s’imposer socio-politiquement et militairement en évinçant son rival chiite Amal du sud du Liban en 1987 et du sud de Beyrouth en 1988, n’hésitant pas à affronter l’armée syrienne alliée d’Amal, avant de se lancer dans une résistance armée contre l’occupation du sud du Liban par Israël entre 1990 et 2000. Dans les zones qu’il contrôle, il impose un ordre social religieux comparable à celui de l’Iran des mollahs.

Toutefois, ce sont les - attentats suicide contre les marines - 200 morts - et les parachutistes français - 58 morts - le 28 octobre 1983, attribués au Hezbollah, qui constituent son véritable acte de naissance, et cela bien qu’il ne les ait pas tout à fait revendiqués. Et, bien qu’il s’en défende, il ne fait aucun doute que derrière le Jihad islamique auteur d’une bonne partie des 150 rapts de ressortissants étrangers, dont le chercheur français Michel Seurat, se cachait le Hezbollah. Le Parti de Dieu est de ce fait vite catalogué de « mouvement terroriste ». A partir de 1985, le Hezbollah fait sa mue politique et se transforme en mouvement de résistance politico-religieux, s’interdisant toute action paramilitaire - enlèvements ou attentats - à l’intérieur ou en dehors du territoire libanais. Il faut rappeler, à ce propos, que c’est à la suite des attentats du 11 septembre 2001 que le Hezbollah a été placé par Washington sur la liste des organisations terroristes, alors qu’il figurait sur celle des mouvements de libération. Et si l’Iran de Khomeiny l’a aidé financièrement et militairement lors de sa création dans la plaine de la Bekaa, il serait faux de le considérer comme l’instrument des mollahs iraniens ou des « moukhabarat » (services secrets) syriens. En réalité, le Hezbollah s’est surtout affirmé comme force politique et militaire en prenant la tête de la résistance armée contre l’occupation israélienne du sud du Liban entre 1990 et 2000, non sans éliminer les autres composantes de la résistance, en particulier les groupes armés communistes.

Dirigé par Hassan Nasrallah, le Hezbollah chapeaute plusieurs organisations caricatives : l’association Al-Jarih, qui aide les blessés et handicapés, l’association Al-Shahid, qui prend en charge les familles des « martyrs », et l’association Jihad et Binaa, qui réhabilite les sites détruits par l’armée israélienne. Il entretient également un vaste réseau d’écoles, de dispensaires et d’hôpitaux et dispose d’une radio et d’une chaîne de télévision, Al-Manar.

Sur le plan politique, le Hezbollah s’est converti au pluralisme. Suite au scrutin législatif de 2005, il dispose d’un groupe de 28 députés dont 11 sont issus de ses rangs. Il dispose de trois portefeuilles ministériels, dont celui de l’Énergie est occupé par un de ses dirigeants. Enfin et surtout, le 8 juin 2006, il a conclu une alliance politique, dite « Document d’entente », avec le Courant patriotique libre (CPL) du général Michel Aoun. Document qui stipule que le désarmement de la branche militaire du Hezbollah devra être décidé dans le cadre d’un « dialogue national ». Cette alliance inattendue, qui avait pris au dépourvu le « camp anti-syrien », a radicalement modifié le champ politique libanais. C’est sans doute cette alliance - et non la capture de deux soldats israéliens - qui a été l’élément déclencheur de l’offensive militaire israélienne.

Hassane Zerrouky



« Une réponse aux actes de guerre israéliens »



Spécialiste du Hezbollah, Walid Charara est l’un des rédacteurs en chef du journal Al Akhbar. Il a co-écrit l’ouvrage le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste [1] .


L’ Humanité, Beyrouth, envoyé spécial, 20 juillet 2006.


Quel est l’objectif du Hezbollah ?

Walid Charara. D’abord, le Hezbollah veut faire libérer les trois Libanais qui sont dans les prisons israéliennes, dont l’un depuis vingt-huit ans. Depuis des années il demande leur libération et fait savoir depuis des années que si la voie des négociations ne fonctionnait pas, il allait capturer des soldats israéliens pour les échanger. L’autre motivation est de répondre aux actes de guerre quotidiens d’Israël : la violation quotidienne de l’espace aérien et maritime libanais depuis des années, la persistante occupation par l’armée israélienne d’une partie du territoire libanais, les fermes de Chebaa, la réactivation des réseaux israéliens au Liban - qui ont assassiné deux citoyens libanais à Saïda au mois de mai. Depuis le retrait de l’armée d’occupation de la majeure partie du sud du Liban le 24 mai 2000, Israël commet quotidiennement des actes de guerre. Le Hezbollah a jugé opportun d’agir aujourd’hui parce que, par ailleurs, il a vu que la partie israélienne se livrait à une véritable guerre contre le peuple palestinien, dans un contexte d’isolement total au niveau international et arabe. Le Hezbollah a toujours considéré que les résistances dans cette région étaient complémentaires, que la résistance palestinienne était une force pour lui et inversement. Israël a décidé, pour venger la capture de deux soldats, de détruire un pays dans sa totalité et de massacrer la population civile. Les pressions internationales ou arabes n’auront aucun effet. C’est sur le champ de bataille que se dessinera l’avenir de cette confrontation. Le Hezbollah a montré dans le passé qu’il était capable de supporter les agressions israéliennes de grande ampleur. Il devrait sortir renforcé de cette confrontation, comme il est sorti renforcé en 1993 et en 1996.


Les pays occidentaux pointent du doigt la Syrie et l’Iran comme parrains du Hezbollah. Qu’en est-il exactement ?

Walid Charara. Je suis toujours étonné par cela. Israël est-il autre chose qu’un porte-avions américain ? Est-il autre chose qu’une armée qui a un État, et non l’inverse ? Quelles sont les raisons qui motivent le soutien économique, politique, médiatique, culturel américain à Israël ? Un soutien qui est incomparable avec le soutien dont bénéficie le Hezbollah de la part de pays comme l’Iran ou la Syrie. Le jour où on parlera du rôle dévolu à Israël dans le cadre de la stratégie américaine, alors on parlera du soutien extérieur qui est fourni au Hezbollah. Lorsque des mouvements de résistance sont confrontés à des puissances supérieures militairement, financièrement, il est parfaitement normal qu’ils cherchent à avoir des soutiens, étatiques ou non. Le Hezbollah a certes reçu un soutien iranien dans son histoire, il l’a utilisé pour libérer le sud du Liban alors que la communauté internationale avait voté en 1978 la résolution 425, a laissé impunément Israël occuper le sud du Liban, massacrer les Libanais... sans consentir le moindre effort pour forcer Israël à appliquer cette résolution 425, à se conformer au droit international.


On peut penser aussi que le Hezbollah agit dans le cadre des agendas syriens et iraniens ?

Walid Charara. Expliquez-moi quel peut être l’agenda de Damas... Aujourd’hui la Syrie se retrouve dans une position extrêmement compliquée et craint une régionalisation de la guerre. Vous connaissez la nature des rapports de forces, vous savez qu’Israël a une supériorité technologique et militaire évidente comparée à l’armée syrienne. Dans le cadre d’une confrontation classique, une armée classique est facilement vaincue par une armée supérieure technologiquement. Par contre, un mouvement de guérilla peut tenir plus longtemps et sa marge de manoeuvre est bien plus importante. Je ne pense pas que la Syrie ait poussé le Hezbollah à mener une telle attaque. L’Iran non plus. Le Hezbollah a dit clairement que tant qu’il y a occupation des fermes de Chebaa, il se donne le droit de frapper l’armée israélienne lorsque le contexte lui semble favorable. D’autre part, en quoi la guerre au Liban aurait des répercussions sur le dossier nucléaire iranien ? Ce que les civils libanais sont en train de subir n’a aucune espèce d’importance aux yeux de la communauté internationale. L’alliance entre le Hezbollah et l’Iran n’est pas un secret. Si Israël a décidé de réagir avec cette violence à la capture de deux soldats, c’est parce qu’elle a eu un feu vert américain pour le faire et parce qu’il s’agit plutôt, à travers le Hezbollah libanais, d’endiguer l’influence régionale iranienne.

Entretien réalisé par P. B.


- Source : L’ Humanité www.humanite.fr



Liban : Les métamorphoses du Parti de Dieu, par Stéfano Chiarni.

« L’attaque des Hezbollah ? C’est le seul acte de solidarité avec Gaza », par Tanya Reinhart.


Liban : Israël utilise des armes chimiques, par Wayne Madsen.

La guerre préventive permanente d’Israël et les limites de l’unilatéralisme, par Michel Warschawsky.

Palestine, Liban : Vive la presse aux ordres ! par Sindibad.




[1Ouvrage co-écrit avec Frédéric Domont, aux Éditions Fayard (2004).


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