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Le Monde Diplomatique, octobre 2012

Que signifie la phrase « On n’a plus le temps » ? Serge Halimi apporte des éléments de réponse : « Ceux qui se désolent du manque d’attention à leur cause, à leur activité, se voient souvent opposer la même explication : « On n’a plus le temps. » On n’a plus le temps de se plonger dans un livre « trop long », de flâner dans une rue ou dans un musée, de regarder un film de plus de quatre-vingt-dix minutes. Ni celui de lire un article abordant autre chose qu’un sujet familier. Ni de militer ni de faire quoi que ce soit sans être aussitôt interrompu, partout, par un appel qui requiert d’urgence son attention ailleurs. »

Les Africains recherchent du travail en Afrique, beaucoup plus qu’en Europe (Guillaume Pitron) : « Si, régulièrement, des bateaux de clandestins font naufrage en Méditerranée, neuf migrants africains sur dix vont chercher du travail au sein même du continent noir. Pays émergent, l’Afrique du Sud attire chaque année des milliers de jeunes qui prennent tous les risques pour atteindre ce nouvel eldorado. »

Gilles Ardinat dénonce le mythe de la compétitivité : « Pour sortir d’une crise déclenchée par la finance, les pistes étaient multiples : brider la spéculation, réglementer les marchés, sanctionner les banquiers... Avec le soutien d’un nombre croissant d’industriels, l’Union européenne a formulé une autre priorité, qu’elle impose déjà aux pays en difficulté : accroître la « compétitivité » du marché du travail. Mais que désigne ce terme, que dirigeants de gauche comme de droite semblent avoir érigé en nouveau Graal ? »

L’arabe est une langue désormais sacrifiée en France (Emmanuelle Talon) : « Alors que l’arabe est la deuxième langue la plus parlée en France, son enseignement dans le secondaire perd sans cesse du terrain au profit du secteur associatif. Un basculement qui date des années 1980, quand l’immigration maghrébine a commencé à occuper une part de plus en plus grande de l’espace public et médiatique. Associé depuis à l’islam et aux ghettos, l’arabe parviendra-t-il à modifier son image ? »

Bernard Cassen prône une désobéissance civique pour une Europe de gauche : « Après avoir ratifié le traité de Lisbonne - clone de la « Constitution européenne » rejetée lors d’un référendum en 2005 -, le Parlement français doit approuver, ce mois-ci, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). La fronde de députés issus de la majorité présidentielle - dont les Verts - et la protestation populaire ont peu de chances d’empêcher une opération qui met les finances publiques sous tutelle. Pourtant, les voies d’une Europe progressiste existent. Voici l’une d’entre elles.

Une Europe de gauche - c’est-à -dire réellement démocratique, sociale, solidaire et écologique, rompant radicalement avec les politiques libérales - est-elle possible ? On a de bonnes raisons de penser que M. François Hollande ne l’a jamais cru. Le 6 mai 1992, alors simple député, ne déclarait-il pas à la tribune de l’Assemblée nationale : « C’est parce que nous avons accepté la mondialisation que nous sommes aujourd’hui soumis à des contraintes monétaires, budgétaires, financières. Dès lors, le seul débat qui compte, c’est de savoir si nous acceptons les règles du capitalisme international ou si nous ne les acceptons pas. Si nous entrons dans le jeu de la mondialisation, alors ces contraintes financières, monétaires et, subsidiairement, européennes s’imposent. » En d’autres termes, la construction européenne ne saurait être qu’un sous-ensemble de la mondialisation libérale.

Une description intéressante des terres agricoles aux Philippines (Philippe Revelli) : « Avec l’envol des prix alimentaires, la terre est de plus en plus convoitée. Aux Philippines, des zones utiles pour les paysans ont été classées comme « improductives » et cédées à des investisseurs saoudiens, taïwanais...

De mémoire de paysan, on n’avait jamais vu de champ de canne à sucre dans la commune de San Mariano, pas plus que dans le reste de la province d’Isabela, une région montagneuse située sur l’île de Luçon. Au point qu’il a fallu faire appel à l’expertise de producteurs venus des îles de Negros et de Mindanao. Aujourd’hui, pourtant, le vert pâle de la canne à sucre envahit peu à peu le paysage et, à la sortie de la ville, surplombant le fleuve, apparaît une usine d’éthanol de Green Future Innovations Inc. (GFII). »

Greg Marinovitch revient sur la tuerie d’ouvriers en Afrique du Sud : « le massacre de Marikana, le 16 août dernier, a choqué bien au-delà des frontières de l’Afrique du Sud. Pour la première fois depuis sa renaissance démocratique, en 1994, des policiers ont tiré sur des manifestants - des mineurs en grève - avec l’intention de tuer. Que s’est-il réellement passé ? Et comment expliquer une aussi brutale explosion de violence ? »

Qui défend encore le français à l’ONU ?, demande Dominique Hoppe : « « Du 12 au 14 octobre, Kinshasa accueille le 14e Sommet de la francophonie. Comme les précédentes, cette rencontre doit célébrer en grande pompe la « beauté de la langue française ». Pourtant, souvent par négligence, les pays francophones abandonnent les organisations internationales à la domination de l’anglais.

« Dans le contexte des réalités économiques et des restrictions financières, la tendance au monolinguisme est loin d’être en recul, avec l’utilisation hégémonique d’une langue, l’anglais, par rapport aux cinq autres langues des Nations unies pour des raisons de pragmatisme. Les chefs de secrétariat des organisations ne montrent pas toujours l’exemple et n’assurent pas non plus efficacement la surveillance, le contrôle et le respect de la parité entre les six langues officielles, ni le traitement égal des langues de travail au sein des secrétariats. » Ce constat sévère, posé par le Corps commun d’inspection mandaté par l’Organisation des Nations unies (ONU). se trouve confirmé par une autre étude consacrée au recrutement des fonctionnaires. Laquelle établit que, même si anglais et français sont les deux langues de travail du secrétariat, la première est exigée dans 87 % des cas et la seconde, dans 7 %. »

Un important dossier sur les élections aux États-Unis : « Après les espoirs soulevés par son élection en 2008, M. Barack Obama achève son premier mandat dans la morosité. Son souci du compromis, qui l’a parfois conduit à devancer les attentes de ses adversaires - sur la question des libertés publiques, par exemple (lire « Le président Obama, du prix Nobel aux drones -, a fini par décevoir ses plus fervents partisans. Mais son concurrent républicain, M. Willard Mitt Romney, peine encore davantage à susciter l’enthousiasme. Ses rêves de grandeur pour l’armée américaine (lire « Mitt Romney, la diplomatie à la pointe du fusil ») inquiètent certains conservateurs désireux de réduire le déficit budgétaire. Loin d’être réellement disputé dans tout le pays, le scrutin du 6 novembre prochain se jouera dans une poignée d’États ; les autres, d’ores et déjà acquis à l’un des camps, sont délaissés par les candidats. Illustration de ces deux cas de figure, en Caroline du Nord et en Géorgie (lire « Géorgie et Caroline du Nord, les deux Sud »). »

La Colombie peut croire à la paix, estime Gregory Wilpert : « Historique : les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et le gouvernement de M. Juan Manuel Santos ont annoncé l’ouverture, à partir du 15 octobre [initialement prévues le 8] à Oslo, de négociations de paix, à la suite d’un dialogue amorcé en secret. Pour la première fois depuis des années, nombre d’éléments semblent réunis pour qu’elles puissent aboutir. Notamment au sommet de l’État. »

Non, les Tsiganes ne sont pas des nomades, explique Henriette Asseo : « Démantèlement de campements roms en France, discriminations en Hongrie ou en Roumanie… Partout, les Tsiganes sont montrés du doigt. Et l’image d’une ethnie sans attaches nationales, valorisée par les institutions européennes, a paradoxalement conduit à les priver de certains de leurs droits. Toutes représentations qui méconnaissent l’histoire, la culture et les réalités romanis. »

Les jeunes du Rif renouent avec la révolte (Aurel et Pierre Daum) : « Confrontée aux soulèvements qui ébranlent le monde arabe, la monarchie marocaine a révisé la Constitution. Après sa victoire électorale de novembre 2011, le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) dirige le gouvernement. Mais perdurent les anciennes structures de pouvoir et les mêmes méthodes de répression, notamment dans le Rif " une région délaissée où fleurissent le cannabis et la misère. »

La Libye est désormais aux mains des milices (Patrick Haimzadeh) : « Dans le contexte des manifestations contre un film consacré au prophète Mohammed, un groupe djihadiste libyen a pris d’assaut le consulat américain de Benghazi et tué l’ambassadeur. Combattues par la population, les milices, dont certaines dépendent des ministères de l’intérieur et de la défense, continuent à faire régner le désordre, s’opposant à la stabilisation du pays et à la création d’un État fort. »

Évelyne Pieiller revient sur les révolutions de Rousseau : « On célèbre cette année le tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), citoyen de Genève, écrivain, philosophe, aussi bien que flâneur et naturaliste, qui renouvela les lettres françaises et la pensée politique. En inventant l’« âme sensible », il libéra le roman ; en posant la question des conditions de l’égalité entre les hommes, il écrivit le prologue des révolutions futures. »

Julian Assange aime-t-il le heavy metal ?, demande Maurice Lemoine : « Fondateur du site WikiLeaks, qui, en 2010, a rendu publics des centaines de milliers de documents secrets du Pentagone et du département d’État, Julian Assange ne s’est pas fait que des amis à Washington. De nationalité australienne, il pourrait sans doute se fendre d’un pied de nez irrévérencieux aux autorités américaines, s’il n’était sous le coup d’un mandat d’arrêt européen lancé par le parquet suédois pour l’interroger sur des allégations d’agressions sexuelles - qu’il nie - commises sur le territoire de ce pays. »

Un supplément sur la gratuité : un projet de société : « D’Aubagne (sud de la France) à Hasselt (Belgique), de plus en plus nombreuses sont les communes européennes qui pratiquent la gratuité des transports publics. Peu connues, ces initiatives ont souvent rencontré l’hostilité, non seulement des milieux patronaux, mais également d’une partie de la population, pourtant sensibilisée aux idées progressistes. En effet, depuis des siècles, les êtres humains sont habitués aux transactions monétaires encouragées par les théoriciens du libéralisme économique, pour qui la sphère marchande ne saurait avoir de limites.

En outre, pour certains à gauche, chacun doit contribuer, même symboliquement, aux avantages que la collectivité lui offre ; une tarification ciblée, définie selon des critères sociaux, serait préférable à une gratuité « déresponsabilisante ». Sur le terrain, l’expérience est riche d’enseignements et incite à réfléchir au type de société que nous voulons construire. »

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Hélène Berr. Journal. Paris, Tallandier, 2008.
Bernard GENSANE
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