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Le projet ITER est-il une opportunité ratée de redressement productif ?

Projet scientifique d’envergure internationale, le programme International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER) s’affiche comme un des plus ambitieux projets de recherche de ce début de XXIe siècle. Accueilli à bras ouverts par les pouvoirs publics français, qui se sont d’ailleurs longuement battus pour en obtenir l’implantation sur le territoire national, ITER était censé devenir un moteur de croissance pour la région PACA où il s’est installé. Plus de deux ans après le démarrage de sa construction, le bilan économique et social d’ITER est toutefois bien décevant et, ses coûts, de loin supérieurs à ceux initalement annoncés.

ITER, un projet ambitieux sur le plan technologique et pour la France

ITER est le résultat d’une grande ambition internationale : celle d’accélérer l’effort de recherche en vue de maîtriser la fusion nucléaire et son utilisation à des fins de production d’énergie. La fusion s’observe naturellement dans les cieux et constitue le principe même par lequel le soleil produit de la chaleur et de la lumière. Plus propre et plus efficace que la fission sur le plan énergétique, ce phénomène physique pourrait dans quelques vingtaines d’années remplacer le principe de fonctionnement des centrales nucléaires classiques qui parsèment les paysages français depuis plus de 50 ans maintenant.

Au sein de ce chantier scientifique mondial que représente la maîtrise de la fission, le programme ITER représente à ce jour la plus importante initiative. Son objectif est de concevoir, construire et exploiter un réacteur à fusion nucléaire expérimental pour permettre notamment de dégager des solutions techniques novatrices de production d’énergie. Lancé en 1985 sur proposition soviétique, le projet ITER a été placé sous l’autorité de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) en 1986 qui en a coordonné par la suite le développement. ITER est le fruit de la volonté de différents pays par ailleurs réunis en organisation internationale. Parmi eux, la France, le Japon, le Canada et l’Espagne sont notamment entrés en lice au courant de la première décennie des années 2000 pour devenir le lieu d’implantation du réacteur.

Ce n’est qu’en 2005 que les différents États et parties prenantes du projet se sont accordés à faire du site de Cadarache dans la région PACA le lieu où serait installé le fameux réacteur expérimental, onéreux joyau du projet ITER. En outre, le fait que la France ait été retenue pour accueillir ce projet n’est pas anodin. A l’époque en effet, les pouvoirs publics se sont mobilisés jusqu’aux plus hauts échelons pour obtenir cette faveur auprès des membres du projet ITER.

Il est vrai qu’au début des années 2000, ITER était porteur d’une promesse alléchante. On estime à l’époque que ce projet représente un investissement de 10 milliards d’euros devant s’étaler sur 40 ans. Une telle manne devait donc approvisionner la région d’accueil du projet en devise, en emploi et en recette fiscale. Mais qu’en est-il près de 2 ans après le début du chantier ?

Le financement d’ITER est supporté à 45 % par l’Union européenne, le reste étant financé par les autres membres du projet. La France contribue à ce financement européen à hauteur de 20 %. Initialement, la contribution européenne était estimée autour des 2,7 milliards d’euros. En tant que site d’accueil par ailleurs, la région PACA a reversé au projet par l’intermédiaire du conseil régional, du conseil général et de la communauté du pays d’Aix plus de 460 millions d’euros.

Adossée à ces dépenses astronomiques, la création d’emploi en France pendant la phase de construction du réacteur - s’étalant initialement de 2005 à 2015 - se chiffre à quelque 500 emplois directs seulement. Si l’on en croit les chiffres avancés par l’organisation ITER, dont la méthodologie d’estimation est - rappelons-le au passage - contestée depuis 2005, ce sont environ 1400 emplois indirects qui ont également été générés dans la région PACA. A cela s’ajoutent 1600 emplois indirects à travers le reste du territoire hexagonal. On pourrait y voir des retombées fantastiques, et pourtant…

Chronique d’une deception annoncée : entre dérapages budgetaires et des entreprises hexagonales de haute technologie oubliées dans les marchés

La triste réalité du projet ITER est en effet ponctuée de retards et de rallonges budgétaires. Au début de l’année 2012, l’Union européenne a accordé 1,3 milliard d’euros supplémentaires au chantier d’ITER qui s’est avéré nécessiter des fonds supplémentaires. Il est vrai que le projet a pris du retard sur le calendrier : les premières expérimentations qui devaient ainsi avoir lieu en 2016 ont en effet été reportées ; elles n’auront ainsi vraisemblablement pas lieu avant 2020. Ces délais considérables occasionnent des surcoûts qui sont aujourd’hui essentiellement pris en charge par l’Union européenne, et principalement par la France. Chaque retard, chaque injection de fonds supplémentaire contribuent donc à réduire la rentabilité économique et sociale déjà incertaine de ce projet.

Un autre élément apparaît également central pour comprendre la réalité des retombées positives d’ITER pour le marché de l’emploi et les pouvoirs publics français. Sont en effet amenés à travailler dans le centre d’expérimentation en devenir des salariés internationaux dépêchés par l’organisation internationale ITER. Fort heureusement bien sûr, ces professionnels seront recrutés pour leur compétence et dans un souci de représentation des parties prenantes du projet. Au cours des négociations entre parties prenantes, le Japon a ainsi obtenu que 20 % des effectifs d’ITER soient composés de ses ressortissants nationaux. Cet état de fait interpelle, car rien n’indique que le potentiel d’emplois de ce projet profitera au marché du travail français de façon proportionnelle aux financements publics déjà engagés. Le retour même de cet argent dans les caisses de l’État et des collectivités via les recettes fiscales semble lui-même également entravé, les travailleurs internationaux étant exonérés d’impôts.

A bien des égards, la France semble avoir fait un pari économique, social et administratif fort risqué en devenant la terre d’accueil du projet ITER. Ce dernier, bien que porté par une noble ambition scientifique, ressemble de plus en plus à un centre de coûts dont la charge se trouve en grande partie assumée par les citoyens et du trésor public français au profit de la communauté internationale. Le potentiel d’ITER est pourtant grand encore aujourd’hui : pour des entreprises françaises, ce programme demeure une opportunité exceptionnelle. Est-il acceptable que le chantier ITER bénéficie avant tout à des entreprises françaises du secteur du bâtiment tandis que dans toute la région PACA, des PME et des ETI disposant d’un savoir-faire de pointe peinent à remporter les appels d’offres pourtant nombreux et portant sur les éléments techniques du chantier ? D’ailleurs au seul motif, peste-t-on aujourd’hui, que leur seul défaut est d’être françaises ? C’est en tout cas un bruit qui court, dans le microcosme des entreprises d’ingénierie industrielle qui se sont très tôt investies sur le sujet, et qui redoutent désormais d’être écartées de la compétition dans les appels d’offre, parce que la France aurait éventuellement négocié leur reddition en contrepartie d’une implantation d’ITER à Cadarache. Après avoir bataillé pour donner à la France l’opportunité de la construction de ce réacteur à fusion, il semble aujourd’hui nécessaire que les pouvoirs publics se mobilisent également pour aider les acteurs économiques nationaux à en tirer réellement parti. Sans cela, ITER encourrait le risque de n’être pour la France et l’Europe qu’une opportunité ratée de redressement productif dans un contexte industriel au bord du sinistre.

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