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Le Sarkophage n° 9

Je rappelle, avant de proposer une lecture rapide du numéro 9 du Sarkophage, une livraison qui accorde une large part à d’importants débats d’idées, l’existence d’une longue interview de son directeur Paul Ariès :
http://www.dailymotion.com/video/x2...

Dans l’édito, Charlotte Belge dénonce la gauche " sérieuse " qui voudrait « sauver le capitalisme avant de tenter de le transformer. » Faut-il se réjouir de cette crise financière, demande-t-elle ? Non, car « d’une catastrophe ne peuvent surgir que d’autres catastrophes. »
Paul Ariès est sur la même longueur d’ondes : « Faut-il sauver le capitalisme en sacrifiant l’humanité ? »

Le philosophe Alain Jugnon réfléchit sur le positionnement politique et idéologique du catholicisme : « Le but du sarkozysme serait d’instaurer une société d’ordre et pas nécessairement une société religieuse. Sarkozy est cependant convaincu que cette carte est la seule capable de redonner durablement la main à la droite conservatrice mondiale. Il entend donc réveiller les forces endormies depuis la séparation de l’Église et de l’État. Faut-il rappeler que la France est le pays européen où l’on déclare le moins croire en Dieu et que la pratique religieuse y est particulièrement faible ? L’enjeu est de jouer Marie et Fatima contre Marianne. Il faut pour cela avoir une âme d’incendiaire, car on ne joue pas impunément en France avec les thèses de la laïcité et de la religion. »
Jugnon évoque le rôle joué par Bernanos : « Il faut bien que du côté de la droite qui pense il y ait un auteur-symptôme, un écrivain de roman qui a pris sur lui la mort de l’homme et le massacre de l’innocence, pourvu que, selon lui, Dieu se maintienne et que l’origine s’impose comme fin. »

Dans ce contexte, à noter l’intéressante interview de Christian Terras, directeur de la revue Golias : « Les groupes qui comptent aujourd’hui sont ceux qui émargent au catholicisme pentecôtiste, plus communément dénommé charismatique. Ils représentent près de 60 millions d’adhérents. Ce renouveau est accompagné par l’émergence de sociétés secrètes d’essence fondamentaliste, comme le Chemin néocatéchuménal.
[…] Le discours de Sarkozy au Latran sur le concept de laïcité positive, concept travaillé depuis plusieurs années en amont par le Vatican […] se rapproche d’une vision américaine entre Église et État, […] dans une prise en compte assez large des " communautés " , et non de la pure citoyenneté, avec les risques inhérents de favoriser un communautarisme aux antipodes de la vision française de l’intégration républicaine. »

Jean-Louis Debry s’interroge sur l’avenir des classes moyennes. « Les effets de la crise financière dans laquelle est entrée l’économie de marché porteront sans doute partiellement atteinte à la fiction de la dissolution du social dans l’idéologie des classes moyennes. […] Les " couches moyennes " ont toujours été une variable d’ajustement en situation de crise du capitalisme. […] Si la bourgeoisie est, d’un point de vue marxien, la " classe du capital " , les classes moyennes sont sans aucun doute la " classe " de l’identification à la marchandise et de son corollaire l’hédonisme commercial. […] Une crise de la consommation marchande impliquera un délitement de l’adhésion à ses fondamentaux. L’augmentation du prix du foncier, par exemple, peut altérer la portée imaginaire du slogan " tous propriétaires " et dévoiler aux yeux de ses victimes le jeu de dupes qu’elle s’efforce de travestir en idéal de libération individuelle. Les revendications de justice sociale et de répartition des richesses se heurteront à l’extrême individuation du champ social et à son éclatement en multitudes de communautés, tribus, familles et individus (winner, loser), mis en compétition les uns avec les autres. »

Olivier Brosseau et Cyrille Baudouin mettent en garde contre la percée créationniste. « Après avoir voulu tuer Marx et sa conception de l’histoire, Freud et ses thèses sur l’inconscient, le créationnisme constitue une remise en cause radicale de la théorie de l’évolution découlant des travaux de Darwin. […] Les nouveaux programmes de seconde annoncés récemment par Xavier Darcos complètent le tableau. Cette fois, c’est l’enseignement des sciences qui est en ligne de mire et qui se voit relégué en dehors d’un tronc commun pour devenir un module optionnel. L’absence de culture scientifique pour les futurs adultes ouvrirait une porte par laquelle les créationnistes ne manqueraient pas de s’engouffrer. […] Depuis 2000 c’est l’Europe qui est touchée de plein fouet. Successivement, les ministres de l’Éducation ou de la Culture d’Italie, de Pologne, des Pays-Bas, de Serbie et d’Allemagne ont remis en cause la théorie darwinienne de l’évolution à l’école. […] En janvier 2007, en France, l’envoi de plusieurs milliers d’exemplaires d’un volumineux Atlas de la création à des proviseurs, professeurs, documentalistes provoque un véritable tollé. Plus de 800 pages où Allah est omniprésent et où Darwin est rendu responsable du communisme, du nazisme, du terrorisme. […] Depuis le début des années 1970, certaines structures françaises de confession catholique ou protestante promeuvent la véracité scientifique et historique du récit biblique de la Genèse, comme le Centre d’études et de prospective sur la science. »

Les matérialistes ont-ils une âme, demande Pascal Charbonnat ? « Est matérialiste un penseur qui d’une manière ou d’une autre défend l’idée que toute chose a sa raison en elle-même. Le matérialiste pose en première exigence l’auto-organisation des entités du monde.
[…] L’idée de l’économie de marché comme meilleur mode d’organisation de la production et des échanges est une représentation tout aussi partiale que celle des théologiens à propos du matérialisme. Elle relève exactement d’une figure de la transcendance destinée à expliquer l’origine de notre régime économique : un lieu où les acheteurs et les vendeurs satisferaient par le contrat leurs besoins réciproques. Mais un tel endroit n’existe nulle part. Le marché est une pure fiction véhiculée par les couches dominantes et la gauche l’a parfaitement intégré. »

Catherine Lavraud traite de la pollution et des maladies. « En Europe, les malformations des nouveaux-nés de sexe mâle ont été multipliées par deux entre 1985 et 2000, les enfants d’agriculteurs étant très fortement touchés. […] Les cancers liés à la pollution ne sont plus rattachés à leur vraies cause. Cela permet aux responsables, industriels, employeurs, de faire payer à la collectivité des soins qu’ils devraient prendre en charge.
Ce qui cause n’est pas tant la dose que la durée d’exposition. »
Par ailleurs le réchauffement climatique s’accélère gravement au point que des millions de tonnes de méthane sont libérées dans l’atmosphère de l’Arctique.

A lire trois articles économiques très fouillés de Jean-Marie Harribey, Philippe Godard et Michel Husson. Le premier note qu’on ne parle plus de capitalisme mais d’économie de marché puis de « la société ». Le second explique que « le système bancaire est depuis quelques décennies entré dans une course folle vers la création de monnaie totalement virtuelle, notamment par le biais des produits dérivés. »
Husson se fait l’avocat de la planification car dans le capitalisme « les choix de société sont tranchés par des intérêts privés. Le consommateur-citoyen est libre de choisir entre plusieurs banques, mais ne peut arbitrer entre le luxe des sièges sociaux des banques et la misère des hôpitaux. »

A lire un article très intéressant sur l’économie distributive par Marie-Louise Duboin, la fille du fondateur du distributisme. Elle dénonce la démission des États face aux intérêts privés, avec pour conséquence que le seul critère n’est pas le bien-être de l’humanité mais la rentabilité immédiate des investissements.

Une très originale analyse de Laurent Paillard sur la politique du « cas par cas », chère à la droite, mais aussi à Ségolène Royal pendant sa campagne pour la présidentielle. Il s’agit de régler les problèmes par une approche atomisée et dépolitisée de la société. Cette dépolitisation détruit tout repère collectif. Tout ce qui relève de la responsabilité collective est mis sur le marché : « les retraites relèvent de l’épargne individuelle, la santé de l’assurance privée. Les services publics sont mis en concurrence, la politique culturelle est sacrifiée, ainsi que la recherche et l’éducation. […] Les salariés ne doivent plus bénéficier d’une grille de rémunération collective, ils sont pays en fonction de leur "mérite " personnel et des nécessités économiques.

Pour la bonne bouche, Thierry Ribault dévoile le pot aux roses sous les couches-culottes. « Il y a décidément un vent de refoulement du fécal chez nos gouvernants », explique-t-il, avec la segmentation des activités d’ordre intellectuel et d’ordre corporel, et l’apprentissage aux enfants de la différence entre « celles qui changent les couches et celles qui ne les changent pas. »

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