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Les autorités suisses ont déjà dit "oui" à l’Union Européenne (1ère partie).

Le lendemain du 6 décembre 1992

C’est un Conseil Fédéral (CF) à la gueule de bois qui doit gérer l’échec de la votation du 6 décembre 1992. Son désarroi historique est partagé par l’ensemble des milieux économique et politique suisses.

Cette votation aurait en effet pu déboucher sur un tout autre résultat si une "fuite" au plus haut niveau de l’Etat n’avait pas eu lieu. En mai 1992, le CF avait décidé secrètement, par 4 voix contre 3, de déposer à Bruxelles un dossier de candidature pour entamer des négociations dont l’objectif est d’adhérer à la CE (l’Union européenne d’aujourd’hui).

Or, cette décision devait se retrouver le 19 mai 92 dans la presse, faisant le plus mauvais effet auprès du public. Dire "non" à l’EEE, 6 mois plus tard, revenait à dire "non" à un CF devenu trop entreprenant en matière d’intégration européenne...

Quelques événements qui suivent la votation

1. La création d’une structure de nature commerciale pour gérer les relations Suisse-UE : Au lendemain du 6 décembre 92, la Suisse crée une structure de type "entreprise". Elle a lieu le 9 février 93 à Bruxelles. Elle porte le nom de Mission de la Suisse auprès de l’Union Européenne. Son "numéro d’entreprise" est le 0449.309.542. Elle est considérée comme la succursale d’une entreprise-mère avec un "siège social : La Suisse/Suisse" (!). (cf. Registre du Commerce belge).

Une telle structure est dite commerciale ou personne morale, du moment où elle est inscrite au RC. Une telle organisation est normalement dotée d’un conseil d’administration ou conseil de fondation qui prend ses décisions de manière autonome et indépendante des élus. L’avantage est donc que ce genre de structure a une capacité à contourner le côté strict des institutions publiques. Cela la détache vraisemblablement des conséquences de votations populaires ou d’élections fédérales. C’est donc un moyen idéal pour éviter les aléas de la démocratie tout en pérennisant la construction de l’intégration de la Suisse dans l’Europe...

Ce n’est donc pas une ambassade au sens classique qui ne peut bien évidemment être inscrite au registre du commerce. Pourtant, dans ce cas particulier, le chef de cette mission a le titre d’ambassadeur. Un système d’un genre nouveau est lancé. Il consiste à mélanger structure commerciale, autorité publique et pouvoir politique.

2. Le message des différentes votations populaires : En 1997, une initiative CONTRE l’ouverture de négociation d’adhésion à l’UE est lancée. Celle-ci était intitulée :"Négociations d’adhésion à l’UE : que le peuple décide". Elle prévoyait de rompre toutes les négociations déjà entamées. Elle souhaitait dans son deuxième volet que de nouvelles négociations ne puissent être entamées sans l’accord du peuple et des cantons. Ce positionnement extrême dans le refus d’une collaboration avec les voisins européens a été sévèrement rejeté par 74% du peuple et 100% des cantons.

En 2000 le peuple accepte par 67% les accords bilatéraux I signés entre la Suisse et l’UE. Une nouvelle initiative est servie aux Suisses en 2001. Elle s’intitulait : "Oui à l’Europe". L’initiative est sèchement rejetée le 4 mars 2001 par 76.8% du peuple et par la totalité des cantons.

Le peuple suisse a envoyé des messages tranchées et clairs à ses dirigeants qui pourraient être interprétés de la manière suivante : "Nous voulons un partenariat avec nos voisins européens mais non une dissolution dans un vaste marché économique".

3. La signature "d’accords bilatéraux sectoriels" : C’est donc cette appellation d’ "accords bilatéraux sectoriels" vendue au peuple suisse qui prévaudra. On parle d’accords bilatéraux sectoriels. Idée de génie qui donne le sentiment de contrats passés entre deux partenaires se limitant à des secteurs ciblés.

Les mots choisis par les autorités sont très intéressants. Le mot "accord" sous-entend des négociations incluant des consensus faits de part et d’autre dans un désir commun de succès. Le mot "bilatéral" peut être interprété comme un partenariat entre deux entités souveraines où chaque partie fait des concessions pour arriver à un arrangement. Quant au mot "sectoriel", il laisse entendre une relation limitée à un domaine commercial.

Exit l’appellation"adhésion". Ce mot connoté négativement auprès de la population a été banni des discours des autorités fédérales. Cela a permis aux dirigeants de signer deux principaux "paquets" d’accords bilatéraux I et II.

Une démocratie sans le peuple ?

La question urgente qui se pose est la suivante : qu’impliquent réellement ces accords bilatéraux ? La Suisse est-elle encore un Etat-Nation ? Les Suisses ont-ils raison de penser encore qu’ils vivent toujours dans une Confédération, qu’ils sont toujours souverains dans le cadre d’une démocratie directe ou même semi-directe ?... Qu’ont concédé les autorités en échange de ces accords ? Est-ce que la volonté des votants a été respectée ? Ces accords sont-ils un relooking de l’adhésion à l’EEE – voire à l’UE, auquel cas nous serions face à un magistral coup de marketing ?

Depuis 1992, malgré un public farouchement opposé à l’entrée dans l’Union Européenne (UE), "l’élite" politique suisse, fortement aiguillonnée par "l’élite" du monde économique, va non seulement chercher un chemin pour y adhérer, mais aussi soutenir activement la construction européenne. Un véritable tour de force qui débouche aujourd’hui sur une Suisse proactive et grand sponsor de l’UE, bien que totalement dépourvue de pouvoir décisionnaire.

Liliane Held-Khawam

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