RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Les silences éloquents du candidat Hollande

Il ne s’agit pas dans ce texte de « scier la branche » de Hollande par rapport à Sarkozy. On sait ce qu’est le bilan catastrophique de ce dernier, et le danger qu’il représente pour l’avenir. Il ne faut cependant pas rêver sur les potentialités de son concurrent. Etre conscient et prendre date, c’est tout le sens de ce texte.

Quand le 10 mai 1981, François MITTERAND est élu Président de la République, il a dans sa poche 110 propositions. Certaines seront réalisées, d’autres non.

En plus de ces propositions, le nouveau Président de la République a un programme - pas seulement une liste de propositions - mais un vrai programme, un programme stratégique de développement économique, dont la clef de voûte est une série de nationalisations censées constituer l’ossature de la nouvelle politique économique.

On sait ce qu’il est advenu de ce beau projet, mais à l’origine il existait.

UN VIDE PROGRAMMATIQUE

Derrière les effets de tribunes et dans l’ambiance chaude des réunions publiques incantatoires, on serait bien en peine de trouver une telle logique chez le candidat François HOLLANDE. Rien qui permette de déceler la moindre stratégie de politique économique.

Le projet financier et industriel est faible au regard de la situation actuelle.

La finance : déclarée adversaire principal à Paris et tout à fait acceptable à Londres, c’est tout de même avec des pincettes que le candidat Hollande s’en saisit :

- la « taxation des transactions financières avec ceux qui la veulent » laisse dubitatif, sur le sérieux, le caractère aléatoire et la faisabilité d’une telle mesure.

- L’ « agence publique de notation européenne » apparaît comme un gadget à côté des autres agences, privées, autonomes, qui continueront à exister. Et se pose la question : s’agit-il de donner des gages aux marchés financiers ?

- Le « pacte de responsabilité de gouvernance et de croissance », malgré sont titre ronflant est un coquille vide dont on ne voit pas très bien comment elle pourrait se remplir… Tout dépend des partenaires et de la finance internationale… Autant dire rien de bien sûr et de bien clair. De même que la renégociation de l’ « accord européen de décembre 2011 » et les « euro-obligations » est du domaine de l’hypothétique. Cela dit ça n’engage pas à grand-chose de le dire.

Ne parlons pas de l’interdiction faites aux banques d’installer des filiales dans les paradis fiscaux et de la limitation de certains produits financiers… là aussi la faisabilité de la chose est tout à fait aléatoire et même techniquement impossible sur une grande échelle. Or, en matière de finance tout est interconnecté.

Il est évident que F. Hollande et son équipe n’auront pas les moyens de lutter contre la spéculation financière et que les mesures envisagées ne sont que des piqûres d’épingles sur le dos du monstre.

L’industrie : la réindustrialisation du pays présentée comme priorité laisse un peu/beaucoup perplexe. Pur produit de la mondialisation du capital, on ne voit pas trop bien comment il compte rapatrier toutes les industries disparues ( ?). Et ce n’est pas une « banque publique d’investissement » qui va réimplanter les industries parties ( ?).

Ce sont d’ailleurs les PME qui manifestement, ont la priorité pour le candidat Hollande… C’est certes bien pour elles, encore faut-il qu’elles aient une relative indépendance dans leurs branches - dépendantes de donneurs d’ordre, on change de niveau et ça devient beaucoup plus compliqué. Et, est ce à travers elles que l’on peut réindustrialiser ? Pari audacieux mais risqué.

Quand aux grandes entreprises qui, traditionnellement dans les « projets de gauche » constituent la colonne vertébrale des politiques économiques,… il n’en est nulle part question. Ceci est d’autant plus inquiétant que la plupart de ces entreprises ont été en partie privatisées, liquidant par la même le service public. D’ailleurs, du service public et de son rétablissement il n’en est nulle part question.

Ces grandes entreprises, qui sont mondialisées, largement privatisées, soumises à des règles européennes, échappent au pouvoir politique.

L’administration

Le candidat Hollande se satisfait complètement des mesures sarkozystes de rentabilisation de l’administration : « le nombre de fonctionnaires n’augmentera pas ». Il fait la part belle à la « Révision Générale des Politiques Publiques » (RGPP) qui est un pur produit de la pensée libérale. Merci à Mr Sarkozy ! Il en conclut, de fait, que ces mesures étaient indispensables.

Le reste du programme est d’un grand classique et ne coûte rien d’être annoncé surtout quand la surenchère démagogique des candidats y pousse.

Mesures fiscales tendant à réduire les inégalités : faudra voir !

Le système des retraites est bidouillé "tous ceux qui auront 60 ans et 41 années retrouveront le droit de partir à la retraite à taux plein". mais le vrai problème n’est toujours pas posé : celui de l’affectation des surplus de productivité à l’abaissement de l’âge de la retraite.

Sur la « République et les institutions » on a droit à un lot massif de promesses plus ou moins alléchantes et qui ne coûtent rien d’être annoncées… et, éventuellement pas réalisées,… Faudra voir le moment venu.

CHANGEMENT ? VOUS AVEZ DIT CHANGEMENT ?

Qu’est ce donc que le changement ? S’il consiste à changer le personnel politique, à virer l’actuel Président de la République, et on peut parfaitement le comprendre… alors oui il faut voter Hollande. C’est d’ailleurs ce qui va se passer. Pour y mettre on sait qui,… mais pour faire quoi ?

A l’examen du programme du candidat « socialiste » on peut être certain qu’il n’y aura aucun véritable changement.

Pourquoi ? Parce que le nouveau Président, et donc son gouvernement gèreront le système marchand tel qu’il est, sans toucher à son mécanisme de fond, sans remettre en question la manière de fonctionner, en respectant les règles du salariat, de la rentabilité, de la circulation et de l’accumulation du capital, de l’essentiel des règles imposées par les traités européens,… et en subissant les contraintes internationales. Les gouvernements de MITTERAND, avec un arsenal de nationalisations, et autrement plus conséquent, avait capitulé devant la « réalité économique du monde »,… le fameux « principe de réalité »… Imaginez donc HOLLANDE dépourvu d’outil stratégique en vue du changement !

Nous allons assister à la continuation de la marchandisation de toutes les activités économiques et sociales,… avec quelques bémols, mais qui ne perturberont pas le processus en cours.

Nous allons assister, et subir, une gestion « social démocrate », en fait libérale, du capitalisme, à l’image des autres pays européens. Ce ne sera pas pire qu’une gestion « de droite », mais ce ne sera pas mieux. La pensée libérale a complètement contaminée la « pensée socialiste »…

Ce qui va changer c’est le style de la gouvernance, les apparences… c’est d’ailleurs sur elles que s’est faite la différence finale entre les deux candidats. On a ras le bol de Sarkozy on va essayer l’autre !

Les problèmes, les vrais, ceux qui se posent aux citoyens dans leur quotidien (pouvoir d’achat, emploi, retraites, santé) vont demeurer et ne seront évidemment pas résolus… jusqu’à ce que le peuple déçu… revote pour la droite,… et ainsi de suite !

Pour celles et ceux qui seraient dubitatifs voici une citation (une fois n’est pas coutume) à laquelle je vous demande de réfléchir - parole d’expert en la matière, qui sait de quoi il parle et qui s’applique exactement à ce qu’il est devenu une fois arrivé au pouvoir :

« Les socialistes qui se sont posés en réformistes, ont fini par collaborer au système de valeurs capitalistes et donc à la politique de droite. La collaboration échappe difficilement à son destin qui est de trahir » - François MITTERAND - in « Un socialisme du possible » 1970

Patrick MIGNARD

Avril 2012

URL de cet article 16359
  

Thomas Frank. Pourquoi les pauvres votent à droite ? Marseille : Agone, 2008.
Bernard GENSANE
Rien que pour la préface de Serge Halimi (quel mec, cet Halimi !), ce livre vaut le déplacement. Le titre d’origine est " Qu’est-ce qui cloche avec le Kansas ? Comment les Conservateurs ont gagné le coeur de l’Amérique. " Ceci pour dire que nous sommes en présence d’un fort volume qui dissèque les réflexes politiques, non pas des pauvres en général, mais uniquement de ceux du Kansas, dont l’auteur est originaire. Cela dit, dans sa préface, Halimi a eu pleinement raison d’élargir le débat et (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Moins vous êtes, plus vous avez... Ainsi, toutes les passions et toutes les activités sont englouties dans la cupidité.

Karl Marx

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.